CAN 2021: Le Cameroun face au spectre de la récidive

© AFP 2024 VALERY HACHELe milieu de terrain camerounais Kpene Ganago.
Le milieu de terrain camerounais Kpene Ganago. - Sputnik Afrique
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Après le rendez-vous manqué de 2019, le débat sur la capacité du Cameroun à organiser la prochaine Coupe d’Afrique des nations de football refait surface. Malgré les assurances de la CAF, certains observateurs restent sceptiques à cause notamment des sempiternels retards qu'accusent les chantiers. Le Cameroun réussira-t-il ce pari? Décryptage.

Le Cameroun sera-t-il dans les clous pour accueillir la 33e édition de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) 2021? Si cette question revient sans cesse, c’est parce qu’en 2018, face aux retards pris dans les travaux de construction des infrastructures, la Confédération africaine de football (CAF) avait retiré au Cameroun l’organisation de la CAN 2019 au profit de l’Égypte. Un malheureux souvenir qui hante encore les amateurs de football, au rang desquels Léandre Nzié, journaliste sportif.

«L'opinion publique camerounaise a encore du mal à digérer ce retrait. Malgré toutes les déclarations rassurantes qu'avait tenu à faire le président de la CAF, on nous a malheureusement retiré cette compétition. C’est sans doute pour cela que les Camerounais se montrent si prudents et donc difficiles à convaincre», commente le chroniqueur sportif au micro de Sputnik.

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Et pourtant, au terme d’un séjour de trois jours –du 13 au 15 janvier derniers– au Cameroun, Ahmad Ahmad, le président de la CAF, n’a rien changé au langage qu’il tient depuis le début et a de nouveau tenu à rassurer les autorités locales. Le patron de l’instance faîtière du football africain a confirmé que la CAN 2021 aurait bel et bien lieu au Cameroun: «Je suis convaincu du succès de la Coupe d’Afrique des nations 2021 au Cameroun.»

Au Cameroun, les autorités locales se veulent à leur tour rassurantes. Elles disent être prêtes cette fois à tenir les délais dans la construction et la mise en place des infrastructures. Des engagements peu crédibles aux yeux des sceptiques, du fait des promesses non tenues de la dernière CAN.

«Vous vous souvenez que jusqu’au moment où la CAN a été retirée au Cameroun, les autorités ont continué de rassurer l’opinion. Même après le retrait, elles maintenaient que les infrastructures seraient livrées à temps. Vu sous cet angle, on peut comprendre les inquiétudes de ceux qui doutent de la capacité du Cameroun à organiser la CAN», renchérit Sylvain Kwambi, journaliste spécialiste des questions de sports. 

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En effet, en 2018, malgré les retards constatés dans la mise en place des infrastructures et le contexte sécuritaire particulièrement tendu avec le conflit armé en cours entre l'armée et les séparatistes dans les deux régions anglophones du pays, les autorités locales avaient continué de rassurer la population sur la tenue de la compétition au Cameroun. Et alors même que la polémique autour du retrait enflait, le Malgache Ahmad Ahmad confortait les autorités avant de retirer plus tard, et contre toute attente, l’organisation de la Coupe au profit de l’Égypte.

Le pays sera-t-il prêt à temps cette fois? Pour Joseph-Antoine Bell, légende du football camerounais et membre de la commission permanente de l’organisation de la CAN, tout est mis en œuvre pour tenir les délais.

«En 2018, à neuf mois du championnat, les pelouses n'étaient pas posées. Les spécialistes expliquaient qu'il fallait huit mois pour qu’elles soient utilisables. Cette fois, les pelouses sont en place depuis longtemps. Les stades, qui sont la partie principale et qui font la qualité du jeu, sont prêts aussi», rassure l’ancien Lion indomptable au micro de Sputnik.

Cependant, en dehors des pelouses et de quelques avancées dans la construction des stades, il reste encore bien des choses à accomplir pour espérer être totalement préparé, souligne Sylvain Kwambi.

«Si on peut être satisfait de l’avancée des travaux des stades, force est de constater que les infrastructures routières demeurent  le talon d’Achille du Cameroun. Ajoutons à cela la connexion Internet et les plateaux techniques qui doivent encore être améliorés. Il faut donner un coup d’accélérateur à la réalisation des infrastructures routières car tout doit être livré six mois avant le début de la compétition», estime-t-il, inquiet du rythme des travaux.

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Réuni à Yaoundé le 15 janvier 2020, le comité exécutif de la CAF a décidé d’avancer les dates de la CAN 2021, qui doit se dérouler au Cameroun. Initialement prévue en juin et juillet 2021, la compétition est désormais fixée à la mi-janvier/mi-février 2021. Pour l’instance faîtière du football africain, la forte pluviométrie qui prévaut à cette période au Cameroun est la cause de ce changement de date.

Seulement, cette décision ne va pas sans conséquence. Le Cameroun devra livrer les chantiers six mois avant le début du championnat, comme le prévoient les textes de la Confédération africaine de football. Même si les dirigeants de la CAF ont montré un grand optimisme sur l’évolution des travaux, il n’en demeure pas moins qu’il reste beaucoup à faire sur certains sites, comme tient à le préciser Ferdinand Nana Payong, spécialiste du marketing et de la communication et observateur averti du football au Cameroun.

«L’un des points d'ombre, ce sont les infrastructures hôtelières à Garoua. Un hôtel a été fermé pour diverses irrégularités. Le problème de route se pose également dans les régions septentrionales, des travaux sont en cours pour fluidifier la circulation dans cette partie du pays. Espérons qu'elle soit opérationnelle d'ici à un an. Les travaux ont été arrêtés sur le stade d'Olembe et confiés à une autre entreprise, nous comptons qu’ils avancent vite et bien», s’inquiète Ferdinand Nana Payong au micro de Sputnik.

Alors que, dans l’opinion au Cameroun, beaucoup s’inquiètent du rythme dans l’avancée des travaux de construction des infrastructures, notamment routières et hôtelières, Joseph-Antoine Bell se veut optimiste et pense que le débat centré sur la capacité du pays en termes d’infrastructures routières est faux. 

«Aucune instance n'arrive dans un pays pour mesurer la largeur des routes ou la profondeur des rigoles. À partir du moment où les stades sont prêts, il n'y a pas de risque possible. Aucune délégation de la CAN ne sera jamais retardée dans un embouteillage. S'il n'y a qu'une seule route, elle sera bloquée pour permettre à cette délégation de circuler. Nous devons parler des routes pour nous-mêmes et ne pas les rattacher aux chantiers de la CAN», affirme-t-il.

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Outre les inquiétudes infrastructurelles, la situation sécuritaire au Cameroun est un autre problème. Le pays subit des attaques persistantes des djihadistes de Boko Haram dans le nord du pays. Ajouté à cela, un conflit est en cours entre l'armée et les séparatistes dans les deux régions anglophones du pays. Y a-t-il de quoi s’inquiéter quand on sait que l’une d’elles, le Sud-Ouest notamment, abrite un site où devra se tenir la compétition? Non, selon Sylvain Kwambi.

«Si le championnat camerounais se poursuit sereinement dans ces régions, ce n’est pas la CAN qui fera exception. Le Cameroun va sans doute renforcer le dispositif sécuritaire pour assurer la tranquillité des délégations et des équipes qui prendront part au championnat», tempère l’analyste sportif.

Pour Joseph-Antoine Bell, cette situation n’est pas exclusive au Cameroun. Des compétitions sportives se sont déjà déroulées dans des contextes sécuritaires tendus, «il faut donc s'assurer qu'au stade et à l'hôtel où les délégations logeront, il ne se passera rien. Pendant la Coupe du monde en Russie, il y a eu les problèmes de sécurité mais cela n'a pas empêché le déroulement des matchs».

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En outre, l’insécurité liée à la crise séparatiste a baissé d’un cran par rapport à la situation vécue à la veille de la CAN 2019. Par ailleurs, nous ne sommes plus dans le contexte de tension né de la réélection de Paul Biya à la présidentielle d’octobre 2018.

Cinq fois champion d'Afrique, le Cameroun n'a organisé la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations qu'une seule fois, en 1972. Malgré ses prouesses sur le continent et dans le monde, le pays des Lions indomptables a longtemps accusé de gros retards au niveau des infrastructures sportives. Un retard qu’il tente de rattraper depuis quelques années pour enfin offrir à une compétition de cette envergure le cadre qu’elle mérite aux yeux de ce peuple passionné de football. De quoi susciter passion et espoir dans le pays.

«Beaucoup de Camerounais, et j’en fais partie, en rêvent depuis l'épopée de 1972. On en voudrait à la CAF et au comité d'organisation si on assistait à un nouveau rétropédalage. Je pense que ce sera notre CAN, c'est une opportunité exceptionnelle. Il n'y a pas de raison que nous n'en profitions pas. Nous en avons les moyens, nous en avons le talent. Aujourd'hui, la balle est dans notre camp», conclut Ferdinand Nana Payong.

En attendant de réussir ce pari, l’organisation par le Cameroun, du 4 au 25 avril 2020, du Championnat d’Afrique des nations de football (CHAN), une autre compétition de la CAF réservée exclusivement aux joueurs se produisant dans les championnats africains, servira certainement de galop d’essai.

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