Les tentatives de la France, de l’Estonie et d’autres pays européens de désigner certains médias comme «outils de propagande» ou de poursuivre au pénal des journalistes vont à l’encontre des valeurs de l’Europe, a déclaré vendredi 17 janvier Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères démissionnaire, lors de sa conférence de presse annuelle à Moscou.
«Ce qui me préoccupe c’est que les plus grands pays de l’Union européenne, en particulier nos collègues français, avec une persévérance enviable, promeuvent des initiatives de catégorisation des médias qui servent à déterminer qui peut être considéré comme un média et qui sera désigné comme un outil de propagande», a indiqué M.Lavrov.
Sputnik en France
Sputnik, qui s’est classé en novembre le 4e parmi les médias étrangers les plus lus en France derrière trois agrégateurs américains, HuffPost, Yahoo et MSN, est régulièrement qualifié d’«organe de propagande» par des membres du gouvernement français et le Président de la République.
Son parti LREM a notamment affirmé, sans toutefois fournir de preuves, que Sputnik et la chaîne de télévision RT avaient relayé des fake news à son encontre durant la campagne présidentielle.
Le 11 février 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a convoqué les dirigeants de Aligre FM, comme le relatait Le Monde, afin qu’ils cessent leur coopération avec Sputnik, bien qu’ils n’aient constaté «aucun manquement déontologique» dans ses programmes radio. Cela est arrivé une semaine après la prise de fonction du président du CSA, Roch-Olivier Maistre, proposé par Emmanuel Macron.
Sputnik Estonie en mode «urgence»
De l’avis du ministre Lavrov, les concepts de catégorisation des médias, qu’on étudie au plus haut niveau en Europe, et la situation qui s’est actuellement créée autour de Sputnik Estonie «vont dans la même logique».
À la fin 2019, les autorités estoniennes ont menacé de poursuivre au pénal les membres de la rédaction de Sputnik Estonie si ces derniers ne cessaient pas de travailler pour leur agence mère, Rossiya Segodnya, avant le 1er janvier. Les comptes de la rédaction ont été gelés et le propriétaire a unilatéralement résilié le bail des locaux occupés par Sputnik. Face au risque d’être condamnés à cinq ans de prison, les journalistes, dont la plupart sont Estoniens, ont cessé de travailler pour la rédaction qui opère actuellement en mode «urgence».
«Quant à la politique concernant Sputnik, je pense que c'est scandaleux. Nous exigeons chaque jour une réaction de l'OSCE -le Conseil de l’Europe a émis une tirade plus ou moins critique-, nous rappelons à l'Union européenne que ce sont ses membres qui vont à l’encontre des valeurs déclarées et protégées de l’Europe. Le fait que l’UE ne puisse rien faire entache sa réputation qui est déjà bien entachée», a conclu M.Lavrov.