Pendant que les projecteurs sont braqués sur l’escalade de la violence entre Téhéran et Washington, d’autres acteurs continuent leur petit bout de chemin dans l’ombre. En effet, pendant que la crise entre les États-Unis et l’Iran suit son cours, Vladimir Poutine en a profité pour faire une visite-surprise chez son allié syrien Bachar El-Assad le 7 janvier et chez son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Pour certains, ces visites ne sont pas anodines.
Souvent critiquées par les gouvernements occidentaux du fait qu’elles mènent des offensives violentes, notamment à l’égard des civils, à Idlib, les armées russes et syriennes ont désormais le champ libre. Au moins pour un temps, nous explique Frédéric Pichon, politologue, spécialiste de la Syrie et du Moyen-Orient et auteur de «Syrie, une guerre pour rien» (Éd. du Cerf):
«La Russie et le gouvernement syrien sont dans une position de force d’un point de vue diplomatique pour lancer une offensive vers cette dernière poche de résistance, car pour le moment les regards se portent ailleurs que sur la Syrie dans la région. C’est une fenêtre d’opportunité dont se saisit le Président russe», souligne Frédéric Pichon à notre micro.
Poutine à Damas pour rencontrer Assad. Sens du timing dans l'après Soleimani. Mise en scène de l'alliance, ou plutôt du parrainage de Moscou. Rappel du rôle incontournable de la Russie en Syrie. Diplomatie militaire. Mais quel message à Téhéran?
— Piotr Smolar (@piosmo) January 7, 2020
En effet, les acteurs qui ont généralement des divergences de point de vue sur les actions du tandem Assad-Poutine en Syrie ont d’autres soucis en ce moment: «on a une Turquie qui regarde ailleurs, alors qu’elle essaye de s’ingérer dans le conflit libyen. Un Iran qui se remet du coup de massue asséné par les États-Unis. Les États-Unis de Trump vont certainement rétropédaler après leur démonstration de force. La situation est donc on ne peut plus favorable à la Russie dans la région. Elle peut continuer son travail qui est de restaurer la souveraineté et l’intégrité du territoire syrien», explique le politologue.
Pour certains analystes, cette visite dépasse d’ailleurs le simple cadre du conflit syrien, tout comme sa visite le 8 janvier en Turquie, lors de laquelle il a inauguré le gazoduc TurkStream. Celles-ci auraient des objectifs plus larges à l’échelle régionale:
«Le Président russe est resté silencieux depuis le début de l’escalade de la violence entre Téhéran et Moscou. Il semble désormais avoir saisi le moment pour réaffirmer le statut de médiateur incontournable et un pourvoyeur de sécurité dans la région», indique au al-monitor, un site étasunien d’analyse géopolitique, Maxim A. Suchkov, expert au Russian International Affairs Council.
Une vision que partage en partie Frédéric Pichon, pour qui, «la Russie comble effectivement un vide, ce n’est pas nouveau d’ailleurs. Elle s’est imposée comme un acteur incontournable en Syrie, et à moindre mesure dans le reste de la région. Sa stratégie d’entretenir de bonnes relations avec tous les acteurs régionaux s’inscrit d’ailleurs dans cette logique.»
La nature a horreur du vide, la politique aussi, et il semble que Vladimir Poutine l’ait bien compris.