Jusqu’en mai dernier, le chef de file des conservateurs Sebastian Kurz avait fait alliance avec le Parti de la liberté d'Autriche (Parti libéral autrichien, Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ). L’état de dégradation interne de ce dernier à la suite de la mise en cause dans une affaire de corruption de son leader et vice-chancelier Heinz-Christian Strache l’avait mis à mal.
«Kurz a offert aux Verts un «super ministère» et une possibilité de traduire dans le développement économique et social autrichien un certain nombre de principes fondés sur l’écologie», explique à Sputnik Patrick Moreau.
Pour l’expert, Sebastian Kurz –qui doit préserver l’électorat qu’il a gagné sur l’extrême droite– «doit, en concordance avec la sensibilité de la population, stopper l’immigration». Le présent accord politique, qui devrait être entériné ce samedi 4 janvier lors du congrès national des Verts, entend «que les frontières autrichiennes restent fermées et que ceux qui souhaitent entrer en Autriche soient placés dans des camps de rétention à l’extérieur».
«C’est une très grosse pilule à avaler pour les Verts parce qu’un de leurs principes fondamentaux, c’est la société ouverte, tandis que Kurz, sur ce plan, garde sa ligne d’entente avec le FPÖ», souligne Patrick Moreau.
Un autre point important pour le politologue est la dimension sécuritaire. D’après lui, le FPÖ avait «colonisé» le ministère de l’Intérieur, donc Kurz est «reparti à la reconquête». Ce qui signifie qu’«il va limoger ceux qui y ont été installés par le FPÖ» et utiliser ce ministère pour continuer sa politique sécuritaire, «toujours au cœur de son message».
«Le «super ministère» comprend les résistances très fortes des industriels autrichiens face aux mesures écologiques prévues. Il y a également un certain nombre de domaines qui échappent aux Verts, tels que l’agriculture», précise Patrick Moreau.
Et d’après l’expert, plusieurs points de divergence apparaissent entre le leadeur conservateur et les Verts. Notamment, «comme les électeurs de Kurz viennent souvent du milieu agraire, il a sorti l’agriculture du champ vert. Il a fait la même chose avec les relations au consommateur, c’était également un domaine où les Verts voulaient absolument jouer un rôle». Par conséquent, un accord entre ces deux mondes totalement différents se révèle très difficile.
«On peut penser que ce qui s’est passé en Autriche va ouvrir la voie à une coalition future en Allemagne, assure Patrick Moreau. Mais de telles options ne sont possibles que si les deux partenaires font des concessions très lourdes. Ce n’est pas sûr que les Verts l’acceptent.»
Pour l’expert, une alliance entre les conservateurs et les Verts est possible, mais «il faut faire attention à la nature du parti vert: si vous avez une aile gauche des Verts très active et bien représentée à la direction du parti, ça risque d’être difficile. Et c’est le cas en Allemagne».
«Les Verts en France sont beaucoup plus faibles et en situation de reconquête. Au moment des élections communales de 2020, ils vont essayer de récupérer le terrain perdu. Comme il y a l’acceptation grandissante de la population, ils ont une chance d’obtenir des groupes de pression communaux, plus importants qu’auparavant. Cela m’étonnerait que cela se passe dans la joie, parce que le monde agricole n’apprécie pas forcement les méthodes des Verts, au sujet du glyphosate par exemple», conclut Patrick Moreau.
La situation française pour les Verts semble à Patrick Moreau très éloignée des cas similaires d’Allemagne ou Autriche, ou des pays comme la Finlande et Norvège, où les Verts peuvent «s’intégrer à l’opposition avec de nombreux partenaires». En plus, il n’y a pas un seul parti vert français, mais «une foultitude de courants, de sensibilités et de groupes qui se combattent». Tandis que «les Verts d’Autriche ont cela derrière eux», après 12 ans de reconstruction interne.