Lors d’une conférence de presse tenue jeudi 26 décembre à Tunis, Fathi Bachagha, le ministre libyen de l’Intérieur du gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez el-Sarraj, a averti que si l’offensive lancée le 12 décembre par le maréchal Khalifa Haftar contre Tripoli «aboutissait à la chute de la capitale libyenne», ceci entraînerait inéluctablement «la chute d’Alger et de Tunis».
Le jeudi 26 décembre, le Président Erdogan a affirmé à Ankara que «nous allons présenter la motion pour l'envoi de soldats en Libye dès la reprise des travaux du Parlement», le 7 janvier. «Nous pourrons ainsi répondre favorablement à l'invitation du gouvernement libyen légitime», de l'aider militairement, a-t-il ajouté. Lundi 30 décembre, le ministre turc des Affaires étrangères a annoncé que le projet de loi cité ci-dessus a été effectivement envoyé au Parlement.
Dans un entretien accordé à Sputnik, le docteur Abdelkader Soufi, enseignant à l’université de Blida et expert en études stratégiques et politiques de défense, a estimé que la déclaration du ministre libyen, tout comme celle du Président turc, «n’était qu’un ballon d’essai dans le but de connaître la position des pays voisins de la Libye». Il a par ailleurs décortiqué les différents acteurs internationaux qui interviennent sur le territoire libyen et «les graves répercussions» sur les pays des régions du Maghreb et du Sahel de l’offensive lancée par le maréchal Haftar en cas d’intervention turque.
Le démenti de la Présidence tunisienne
Par ailleurs, concernant la participation de l’Algérie à la coalition citée ci-dessus, M.Soufi a rappelé qu’«il est de notoriété publique, nationale et internationale, que ni la doctrine militaire de l’Armée nationale populaire (ANP) ni la Constitution algérienne ne permettent à l’ANP d’intervenir sur des terrains de conflits en dehors de ses frontières». «Ainsi, il est hors de question que l’armée algérienne prenne part au conflit libyen», a-t-il ajouté, soulignant «que même la diplomatie algérienne, à l’instar de son homologue tunisienne, se tiendra à égale distance des différents belligérants dans le conflit libyen, favorisant une solution politique négociée».
Quels sont les enjeux d’une éventuelle intervention turque en Libye?
Par ailleurs, Abdelkader Soufi a expliqué que «c’est la réunion du Conseil suprême des tribus et des villes libyennes (CSTVL) avec le Président Kaïs Saïed qui a fait courir Erdogan en Tunisie». «En effet, le CSTVL a mandaté le Président Saïed pour intervenir en toute urgence contre l’effusion du sang et unifier les rangs des citoyens libyens loin de toute ingérence étrangère ou encore du recours aux armes», a-t-il précisé.
Donc, «la situation est complexe en Libye», a affirmé l’expert. «Il y a d’un côté le maréchal Haftar, soutenu par l’Égypte, les Émirats arabe unis, la France et l’Arabie saoudite, et de l’autre le gouvernement de Fayez el-Sarraj appuyé pour sa part par la Turquie et le Qatar», a-t-il estimé, rappelant que c’est dans ce contexte qu’Abdel Fattah al-Sissi avait déclaré le 17 décembre que «nous n'autoriserons personne à contrôler la Libye [...], c'est une question qui relève de la sécurité nationale de l'Égypte».
Des précautions prises par l’Algérie
Le HCS «a examiné la situation dans la région, notamment au niveau des frontières avec la Libye et le Mali», souligne la même source, précisant que la réunion présidée par M.Tebboune «a décidé d'une batterie de mesures à prendre pour la protection de nos frontières et de notre territoire national et la redynamisation du rôle de l'Algérie au plan international, particulièrement en ce qui concerne ces deux dossiers, et de manière générale dans le Sahel, la région saharienne et l'Afrique». Le Président algérien a décidé de réunir le HCS de manière périodique et chaque fois que nécessaire.
À cet effet, bien que la doctrine militaire et la Constitution algériennes ne permettent pas à l’ANP de s’immiscer dans le conflit en Libye, «il est bien entendu que toute violation de l’intégrité territoriale ou de la sécurité nationale algériennes appellera une réponse ferme et adaptée de la part de l’armée nationale populaire», a conclu le spécialiste.