Le 14 décembre, WikiLeaks a rendu public un troisième lot de documents sur la mission d’enquête de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimique (OIAC) à Douma (Syrie).
Ce lot comprend un mémorandum écrit en signe de protestation par l’un des inspecteurs qui a participé à la mission de l'OIAC de l’établissement des faits en Syrie et le rapport final «avec les commentaires pertinents d'un membre de la mission d'établissement des faits d'origine».
RELEASE: Third batch of documents showing doctoring of facts in released version of OPCW chemical weapons report on Syria. Including a memo stating 20 inspectors feel released version “did not reflect the views of the team members that deployed to [Syria]”https://t.co/ndK4sRikNk
— WikiLeaks (@wikileaks) December 15, 2019
Selon le mémorandum susmentionné, les 20 inspecteurs de la mission déployée en Syrie se sont montrés préoccupés par la version finale du rapport qui «ne reflétait pas les points de vue» contenus dans la version précédente du document.
Équipe «complètement nouvelle»
Ainsi, sauf un seul ambulancier, l’ensemble du rapport de l'OIAC a été rédigé par une équipe «complètement nouvelle» qui ne se serait pas rendue elle-même sur le site où, en avril 2018, l’attaque chimique présumée a eu lieu.
«Cette nouvelle équipe était composée de personnes qui "n’avaient opéré que dans le pays X", indique le mémorandum. On ne sait pas de quel pays il s’agit, sauf que ce n’est probablement pas la Syrie. Il est possible, en spéculant, que le pays X renvoie à la Turquie, car l’OIAC y avait envoyé des équipes dans des camps de réfugiés pour interviewer des survivants de Douma», a précisé WikiLeaks.
Deux cylindres découverts sur les lieux
Le lot nouvellement publié comprend également, et pour la première fois, les rapports préliminaire et intermédiaire ainsi que leurs versions modifiées pour comparaison.
L’auteur de la note de service indique qu’il a initialement été chargé d’analyser et d’évaluer les deux cylindres découverts sur les lieux de la prétendue attaque chimique. Il explique par ailleurs qu’il a été chargé de préparer le rapport parce qu’«il était clairement le plus qualifié des membres de l’équipe qui avait été à Douma et à cause de son expérience en métallurgie, en ingénierie chimique, artillerie et Défense R&D».
«Dans les semaines qui ont suivi, j’ai découvert que j’avais été exclu du travail pour des raisons qui n'étaient pas claires», conclut-il.
L’expert a expliqué avoir souvent demandé à être informé de l’avancement du rapport final et à être autorisé à examiner les ébauches, en vain:
«La réponse était le plus grand secret.»
L'OIAC n'a pas encore commenté ces dernières fuites.
Reformulations «trompeuses» du rapport de l’OIAC
Samedi 23 novembre, le site WikiLeaks a publié un mail daté du 22 juin 2018 qu’un membre de la mission de l’OIAC envoyée à Douma avait adressé à son supérieur. Le courriel portait sur une réécriture du rapport de la mission sur l’attaque chimique présumée du 7 avril 2018 dans la ville syrienne qui avait servi de prétexte pour les frappes occidentales contre la Syrie.
L’auteur de ce courriel, qui faisait partie de la mission envoyée en Syrie pour faire la lumière sur l’attaque présumée, affirme avoir trouvé des reformulations «trompeuses» et des omissions «sélectives» dans «la version corrigée [préliminaire] du rapport de la mission d'enquête», qui sera finalement publié officiellement le 1er mars 2019.
Le rapport de l’OIAC
Début juillet 2018, la mission d’enquête sur l’attaque chimique présumée du 7 avril a publié un rapport préliminaire de l’OIAC d’après lequel aucun agent innervant n’avait été retrouvé dans les échantillons récoltés à Douma.
«Nous n'avons pas découvert d'agents innervants organophosphorés ni leurs dérivés dans les échantillons», lit-on dans le rapport préliminaire.
Dans son rapport final sur les faits ayant eu lieu à Douma, l'OIAC avait conclu que de la chlorine avait été utilisée contre l'agglomération en question sans toutefois désigner le responsable, car au moment où l'enquête avait commencé cela ne faisait pas partie des attributions de l'OIAC. Damas avait alors rejeté les conclusions tirées par l'organisation.