Main arrachée lors de l’acte 2: malgré l’enquête de l’IGPN, l’affaire classée sans suite

© AFP 2024 BERTRAND GUAYLes forces de l’ordres face à des Gilets jaunes sur les Champs-Élysées le 24 novembre 2018
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Alors que le parquet de Paris a classé sans suite, le 10 octobre, la plainte de Gabriel Pontonnier -dont une main avait été arrachée par une grenade GLI-F4 lors de l’acte 2 des Gilets jaunes-, ses avocats évoquent une enquête de l’IGPN qui révèle, selon eux, que les CRS n’avaient aucune raison d’utiliser cette arme dangereuse, écrit Mediapart.

Le 24 novembre 2018, alors que la capitale française vivait l’acte 2 des Gilets jaunes, l’explosion d’une grenade GLI-F4 lancée par un CRS a arraché la main de Gabriel Pontonnier, venu avec sa famille dans le quartier des Champs-Élysées pour assister à la manifestation.

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La victime a ensuite expliqué à la police que lui et ses frère et cousin se trouvaient dans la partie du rond-point des Champs-Élysées qu’ils jugeaient «calme» et d’où il était possible de voir une barricade située de l’autre côté. C’est à ce moment-là que la déflagration a eu lieu.

Suite à l’incident, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a ouvert une enquête qui a permis d’identifier l’auteur du tir et ses circonstances. Toutefois, le 10 octobre le parquet de Paris a classé sans suite la plainte de Gabriel et de sa famille, jugeant que les faits établis par l’IGPN n’avaient pas «permis d’étayer les faits de violences illégitimes et de mise en danger de la vie d’autrui» dénoncés par la partie plaignante.

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Pour les avocats de la famille de Gabriel, il s’agit d’une décision «scandaleuse» compte tenu des faits révélés par la police des polices.

«Il ressort des témoignages et des vidéos que la grenade a été lancée sans avoir procédé aux sommations réglementaires, dans une zone calme, au sein de la laquelle aucune violence ou voies de faits n’était exercée à l’encontre de la force publique», a souligné Me Aïnoha Pascual, citée par Mediapart.

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Les images de vidéosurveillance du rond-point montrent effectivement, selon l’enquête de l’IGPN, «de nombreuses personnes venant du rond-point et entrant dans le calme» avenue Franklin Roosevelt à 17h56. Dans les minutes suivantes, une fumée blanche apparaît à l’angle de l’avenue où plusieurs personnes se réunissent de toute évidence autour d’un blessé. À 18h01, une autre caméra montre des gendarmes intervenir pour évacuer un homme «le bras en l’air entouré d’un tissu blanc», toujours d’après l’enquête citée par Mediapart.

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Les bandes audio de la préfecture de police indiquent également qu’une compagnie de CRS 7 répondant aux indicatifs «TI 340» et qui était «“en ratissage” de l’avenue des Champs-Élysées autour de 17h47 a été priée de «“venir impacter très fort les manifestants” face à [elle]».

Le commissaire Ronan Peres, responsable de la Division des unités spécialisées de la DOPC, qui répondait à l’indicatif radio «TI 340» a indiqué à l’IGPN, le 12 février dernier, que ses instructions étaient «de réduire toutes les barricades sur les Champs», «de disperser les occupants et éventuellement d’essayer d’en interpeller», et, «une fois cette manœuvre effectuée, de faire demi-tour sur le rond-point des Champs et d’effectuer à nouveau le ratissage et la réduction des barricades reconstituées par les émeutiers».

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Il a déclaré en outre avoir obtenu l’autorisation d’utiliser les GLI-F4. Toutefois, interrogé sur les sommations préalables lors de l’usage de ce type d’arme au rond-point des Champs-Élysées, le commissaire a jugé qu’à ce moment-là, les sommations n’étaient pas «nécessaires», vu la situation où ses effectifs «prenaient des projectiles» alors qu’ils essayaient «de récupérer le terrain». «D’ailleurs, nous n’aurions pas eu le temps de les faire et elles n’auraient pas été audibles», a-t-il précisé.

En réalité, rappelle Mediapart, le Code de la sécurité intérieure oblige les forces de l’ordre à faire deux sommations avant le tir et aucun caractère de gravité ne leur permet de s'en affranchir.

Le commandant Bruno H., à la tête de la CRS 7, qui disposait de 70 agents sous ses ordres, a confirmé le 27 février à l’IGPN que ses effectifs avaient «l’autorisation de lancer des GLI lorsque c’était nécessaire».

«Dans le cas présent, je n’ai pas donné l’ordre de lancer une GLI. Toutefois, le chef de section étant isolé, il a pu donner cet ordre ou lancer la grenade lui-même. […] Le lanceur doit agir sur instruction du commandant de la force publique. Ce jour-là, cette autorisation nous avait été donnée».
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Il n’a tout de même pas pu répondre à la question de l’IGPN qui voulait savoir pourquoi le tir de la grenade en question avait «été orienté sur le côté gauche du rond-point des Champs-Élysées, devant la devanture du magasin Adidas, alors que les personnes hostiles se trouv[aient] majoritairement sur le rond-point face» à ses effectifs.

Quant au tireur, Jacky D., un CRS du grade de major âgé de 48 ans, il a assuré à l’IGPN que l’usage de la GLI était «proportionnel» aux projectiles envoyés par les manifestants.

«J’ai donc décidé et fait usage d’une GLI. Le seul endroit où je pouvais la lancer était au niveau de l’angle. Il s’agissait d’un lancer à la main et je ne pouvais pas viser avec exactitude un endroit précis mais j’ai visé l’angle de l’avenue, afin qu’elle tombe devant les individus qui lançaient des projectiles et non pas au milieu d’eux, dans le seul but de les repousser vers les arrières. Je n’ai pas vu l’endroit où elle est tombée, c’était juste devant l’angle», a-t-il déclaré.

Bien qu’il ait admis que la grenade avait «dû rebondir et rouler un peu plus loin», il ne l’a pas «vu au moment des faits». «Pour moi, la grenade était tombée au bon endroit, cela me permettait de reprendre l’exécution de la manœuvre en cours», a-t-il souligné.

Et d’ajouter:

«Je suis attristé pour les conséquences qui sont catastrophiques mais je n’avais aucune intention de blesser qui que ce soit».

Quoi qu’il en soit, les avocats de la victime s’apprêtent à relancer l’enquête en déposant plainte, avec constitution de partie civile, pour «violences volontaires aggravées» et «mise en danger de la vie d’autrui», ce qui devrait permettre la désignation d’un juge d’instruction, selon Mediapart.

«Le jet de grenade par les forces de l’ordre à cet endroit-là n’est aucunement intervenu dans le cadre juridique strict de la dispersion d’un attroupement et après sommations», insistent-ils.
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