«Nous, universitaires et intellectuels juifs, d'Israël et d'ailleurs, dont beaucoup de spécialistes de l'antisémitisme et de l'histoire du judaïsme et de l'Holocauste, élevons notre voix contre cette proposition de résolution», écrit ce collectif dans une tribune au Monde daté de mardi.
Parmi les signataires figurent plusieurs professeurs - ou ex-professeurs - en poste à Paris, Oxford (Angleterre), Princeton (États-Unis) ou encore Jérusalem.
Elle suggère de reprendre la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), déjà validée par plusieurs pays et appuyée par Emmanuel Macron en février devant le Crif. Le Président avait alors affirmé vouloir élargir la définition de l'antisémitisme à l'antisionisme.
La proposition de résolution, qui sera examinée en début de soirée mardi au Palais Bourbon, a été cosignée par une centaine de députés de divers bords, dont environ 80 LREM seulement.
Deux «marcheurs», Gwendal Rouillard et Fadila Khattabi, ainsi qu'une poignée de députés PCF et MoDem, ont demandé dans Le Monde le retrait du texte, qui «répond de manière très contestable à de vraies questions» de lutte contre l'antisémitisme.
«Sauf à envoyer un message politique désastreux, il ne peut être question de renoncer à ce projet, approuvé de longue date par le bureau de notre groupe», a répondu lundi son patron Gilles Le Gendre dans un courrier interne dont l'AFP a eu connaissance.
M. Le Gendre dit cependant «prendre en compte» les préoccupations de certains en acceptant la création d'une mission d'information «sur l'évolution des différentes formes de racisme et de discrimination».
Selon le collectif d'intellectuels juifs, la résolution est «hautement problématique». D'abord parce qu'elle «assimile (...) l'antisionisme à l'antisémitisme». Or «pour les nombreux juifs se considérant antisionistes, cet amalgame est profondément injurieux», affirme le collectif.
«De nombreuses victimes de l'Holocauste étaient antisionistes», rappelle le collectif. «Pour les Palestiniens, le sionisme représente la dépossession, le déplacement, l'occupation et les inégalités structurelles. (...) Ils s'opposent au sionisme non par haine des juifs, mais parce qu'ils vivent le sionisme comme un mouvement politique oppressif».
La deuxième raison est que la définition de l'antisémitisme de l'IHRA elle-même serait «hautement problématique», «peu claire et imprécise».
Elle est en outre «déjà utilisée pour stigmatiser et réduire au silence les critiques de l'Etat d'Israël, notamment les organisations de défense des droits humains», estime le collectif.
«Nous ne pouvons pas considérer cela comme indépendant de l'agenda politique principal du gouvernement israélien visant à enraciner son occupation et son annexion de la Palestine», estiment les signataires qui s'inquiètent de voir «un soutien politique, jusqu'en France».
De son côté, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier, a assuré dans le quotidien que «la définition (de l'IHRA) n'interdit pas la critique de la politique de l'État d'Israël» mais constitue «un instrument supplémentaire permettant de mieux décrypter la haine à l'encontre des juifs».