Le 9 novembre 1989, Günter Schabowski, secrétaire à l’Information du Comité central du Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), a annoncé à la télévision qu’il était prévu d’autoriser désormais les Allemands de l’Est souhaitant se rendre en RFA à le faire librement par les postes-frontières de la RDA.
Harald Jäger, ancien lieutenant-colonel de la Stasi, a raconté à Sputnik qu’à l’époque il était chargé de contrôler la frontière intérieure allemande au point de passage de la Bornholmer Strasse. Après l’annonce faite par Günter Schabowski, l’officier a appelé ses supérieurs qui ne lui ont toutefois donné aucun ordre précis. Aussi, sans ordre, ni consigne mais sous la pression de la foule, a-t-il ordonné de lever la barrière.
Aujourd’hui, sa réaction aurait été la même
Connu pour avoir ouvert le passage à travers le Mur de Berlin, Harald Jäger a avoué à l’agence qu’il aurait fait la même chose aujourd’hui dans une situation pareille.
Harald Jäger était entré à la police frontalière en 1961, peu avant la construction du Mur de Berlin et la fermeture de la frontière entre la RDA et l’Ouest. Il se souvient encore bien des temps des frontières ouvertes avec tous les problèmes, dont la contrebande et la migration pendulaire. Il s’est même félicité pendant un certain temps de la fermeture de la frontière, qui avait mis fin à la contrebande.
Quoi qu’il en soit, le régime à la frontière ne cessait de se durcir, ce qui commençait à préoccuper sérieusement le lieutenant-colonel. Il ne voulait même pas croire aux dispositifs de tir automoteurs, ni aux champs de mines à la frontière.
«Il n’y a pas de moyen plus perfide pour faire du mal à l’humain ou même pour le tuer», a déclaré l’Allemand.
Et d’expliquer qu’il s’agissait en fait de rejeter la responsabilité de l’homme sur un tel dispositif.
Dès le départ, Harald Jäger était confiant en la solidité de la RDA. Néanmoins, les restrictions ne cessaient de se multiplier, y compris en matière de liberté de circulation qui était déjà très encadrée.
«Tout était limité, alors qu’on ne cessait de parler de la victoire du socialisme et de l’élargissement de la démocratie», s’est souvenu l’interlocuteur de Sputnik, évoquant les contradictions flagrantes de la vie quotidienne en RDA.
«Des changements s’imposent»
«Des changements s’imposent», pensait-il à l’époque, alors que la corruption était omniprésente et «dépassait toute mesure».
C’est le 9 novembre 1989, alors que Harald Jäger mangeait un sandwich dans la salle de pause du poste-frontière de la Bornholmer Strasse, que Günter Schabowski, membre du Politburo du Comité central du Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), a annoncé à la télévision, que désormais les citoyens de RDA pouvaient se rendre «immédiatement» et «sans délai» à l'Ouest pour un temps ou pour toujours.
Harald Jäger, âgé aujourd’hui de 76 ans, a alors supposé que son chef aurait tout simplement oublié de lui passer les consignes à suivre dans le cadre de l’annonce télévisée de Günter Schabowski, mais il n’en était rien en réalité. Selon lui, la direction politique et militaire de la RDA de l’époque était bel et bien impuissante.
Il a appelé à nouveau ses supérieurs ainsi que d'autres collègues surveillant d'autres postes-frontière. Il était censé repousser la foule et ne faire passer que les gens qui criaient très fort, alors que la force ne devait désormais plus être utilisée.
«Camarade Jäger, vous ferez maintenant ce qui suit: vous devez séparer de la foule ces citoyens de la RDA qui se comportent de façon provocatrice et vous leur permettrez de passer la frontière à Berlin-Ouest. […] Ne leur permettez surtout pas de revenir», a indiqué le colonel Ziegenhorn.
Entretemps, la foule devant le point de passage devenait de plus en plus dense. Finalement, Harald Jäger a décidé de donner l'ordre d'ouvrir le passage à 23h30.
«Je n’ai pas ouvert le passage à travers le Mur. J’ai tout simplement fait de mon mieux pour que tout se passe dans le calme et sans effusion de sang. Ce sont mon mérite à moi et celui de mes collègues de l’époque. […] Et j’en suis fier», a conclu l’interlocuteur de Sputnik.
Le texte est basé sur l’entretien réalisé par Tilo Gräser