Les Russes, pas si méchants que ça, finalement?
Le 21 octobre dernier, Justin Trudeau était reconduit au pouvoir sans majorité parlementaire. Quelques mois avant la campagne, Trudeau avait mis en garde contre d’éventuelles ingérences russes dans le processus électoral. D’une durée de 40 jours, la campagne s’est pourtant déroulée sans qu’aucun cas d’ingérence étrangère ne soit relevé par les autorités ni par les médias.
«Le groupe d’experts n’a observé aucune activité qui a menacé la capacité du Canada à tenir une élection libre et juste ou dans le cadre de laquelle le seuil d’intervention relatif à l’information du public a été atteint», a confirmé à Sputnik Stéphane Shank, gestionnaire des relations avec les médias du Bureau du conseil privé du Canada, l’organisme chargé de conseiller le Premier ministre canadien.
Peu avant la campagne, les autorités ont aussi informé les partis fédéraux que la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Arabie saoudite, l’Iran et le Venezuela pourraient également avoir intérêt à influencer l’issue du scrutin. Les services de renseignement canadiens demandaient ainsi aux partis de rester vigilants.
«Au cours des dernières années, nous avons assisté à un accroissement de l’ingérence ou de l’implication d’acteurs étrangers dans les processus démocratiques. Nous avons très bien vu que des pays tels que la Russie sont à l’origine de nombreuses campagnes polarisantes, de nombreux messages sur les réseaux sociaux polarisants. […] Les élections qui se dérouleront dans six mois seront décidées par les Canadiens», déclarait Trudeau lors d’un point de presse à Toronto le 5 avril 2019.
Dans une étude publiée quelques jours avant la campagne, un expert canadien s’inquiétait aussi de l’interférence potentielle de la Russie dans l’élection. Professeur de sciences politiques à l’Université de Calgary, Sergey Sukhankin concluait que la Russie pourrait s’ingérer pour faire valoir ses intérêts dans l’Arctique, une région auxquels ont accès plusieurs pays nordiques, parmi lesquels le pays des tsars et celui de l’érable. Une étude qu’il serait aujourd’hui très difficile de prendre au sérieux.
«Ottawa devrait être prêt à voir une hausse des cyberattaques, de la désinformation et de la propagande contre le Canada dans un avenir rapproché», écrivait M. Sukhankin.
Le Bureau du conseil privé du Canada tient à rappeler qu’une annonce publique concernant un cas d’ingérence n’est faite «que si le groupe d’experts détermine qu’il s’est produit un incident ou une accumulation d’incidents qui menace la tenue d’élections libres et justes au pays». Formé de cinq hauts fonctionnaires, ce groupe d’experts était «chargé de déterminer si le seuil d’intervention relatif à l’information des Canadiens avait été atteint», ce qui n’a pas été le cas.
«Le groupe d’experts a tenu des réunions régulières tout au long de l’élection; ses discussions se sont appuyées sur les renseignements et les analyses fournis par le Groupe de travail et d’autres sources. […] Maintenant que l’élection est terminée, les partenaires du Groupe de travail poursuivront leurs efforts dans le cadre de leurs mandats respectifs afin de détecter et de contrer d’éventuelles menaces étrangères pour le Canada et ses institutions démocratiques», a aussi souligné M. Shank dans son échange avec Sputnik.
Ironiquement, c’est plutôt l’intervention de Barack Obama qui a été perçue par une partie de la population canadienne comme un cas d’ingérence, ce qui a soulevé la controverse. À peine cinq jours avant le scrutin, l’ex-Président américain a exprimé sur Twitter son soutien à Justin Trudeau, alors Premier ministre sortant. Obama a notamment écrit que Trudeau était «un leader travailleur et efficace, qui s’attaque à des enjeux majeurs comme les changements climatiques». «Le monde a besoin de son leadership progressiste», ajoutait l’ancien locataire de la Maison-Blanche.
Organisme chargé d’encadrer le processus électoral, Élections Canada a dû intervenir pour préciser que l’ex-Président avait le droit de se prononcer pour un candidat au poste de Premier ministre.
«Un citoyen étranger qui tweete ou même qui prend la parole lors d’un événement organisé au Canada ne constitue pas en soi un exemple d’influence étrangère indue au sens de la Loi électorale du Canada», faisait savoir la porte-parole d’Élections Canada, Natasha Gauthier, par communiqué.