C’est une enquête client-mystère qui a mis le feu aux poudres. En décembre dernier, sur demande du Président Emmanuel Macron, soucieux de donner des gages aux Gilets jaunes, les banques françaises s’étaient engagées à plafonner les frais d’incidents bancaires à 25 euros mensuels pour les clients en difficulté. Presque un an après, ce type de frais, qui correspondent par exemple aux commissions d’intervention, aux rejets de prélèvement ou encore aux sommes facturées pour l’envoi d’une lettre d’information, est toujours au centre de la polémique.
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— 60 Millions de consommateurs (@60millions) October 24, 2019
60 millions de consommateurs et l’Union des associations familiales (UNAF) ont demandé entre juin et juillet à 104 clients «en grande difficulté» de rencontrer leur conseiller dans le but d’obtenir «une solution à leur situation». L’échantillon d’établissements sélectionnés était large, avec huit réseaux bancaires (BNP-Baribas, la Banque Postale, la Société Générale, LCL, la Banque populaire, la Caisse d’Épargne, le Crédit Mutuel et le Crédit Agricole). Et selon les deux associations, le résultat est sans appel: les banques sont loin de jouer totalement le jeu. Le «plafonnement n’est pas mis en place pour l’immense majorité des clients, noyés sous les frais pour incidents», affirment-elles.
Dans le détail, sur les 104 individus sélectionnés pour l’enquête, 13 sont interdites bancaires, 23 surendettés et 68 perçoivent de 1.000 à 1.800 euros par mois et doivent s’acquitter de frais d’incidents pour plus de 40 euros mensuels, et ce depuis trois mois. D’après 60 millions de consommateurs et l’UNAF, «78% des interdits bancaires et des surendettés ne bénéficient d’aucun plafonnement, alors que ces personnes devraient automatiquement y avoir droit». Toujours d’après les résultats de l’enquête, 91% des clients de la troisième catégorie ne profitent également pas du fameux plafonnement et seuls 27% des personnes ayant participé au test ont obtenu le remboursement d’une partie de leurs frais. Pour 9% d’entre eux, «aucune proposition de solution» n’a été formulée.
La Fédération bancaire française dément formellement les accusations des deux associations et assure que «les engagements sont tenus». D’après l’organisation bancaire, un million de clients ont «déjà bénéficié du plafonnement». Les personnes en situation de fragilité financière sont estimées à 3,4 millions dans l’Hexagone.
«Pour les 2,4 millions restants, le plafond n’avait donc pas été atteint», a expliqué la Fédération bancaire française avant d’assurer que les frais d’incidents se chiffraient en moyenne à 17 euros par mois.
Concernant l’enquête de 60 millions de consommateurs et de l’UNAF, l’organisation bancaire affirme que l’échantillon retenu est «particulièrement imprécis et restreint». Elle a préféré mettre en avant une autre enquête réalisée cette fois par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
«On a regardé 535 dossiers, avec des échantillonnages, en prenant des clients qui avaient l’année d’avant des frais excessifs. Résultat, dans 90% des cas, le plafond avait été appliqué», a indiqué Frédéric Visnovsky, médiateur du crédit et secrétaire général adjoint de l’ACPR, avant de poursuivre: «il reste un petit 10% qui tenait à plusieurs facteurs.» Il a notamment parlé de «systèmes» qui n’étaient «pas forcément prêts».
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État à l’Économie, s’est emparée du sujet lors d’un passage sur France 2 le 24 octobre:
«On va évidemment continuer les contrôles avec l’ACPR et la Banque de France et nous ferons un point en fin d’année.» D’après elle, les banques «se sont engagées, l’ACPR contrôle, donc évidemment il y aura des suites si ce n’est pas respecté.»
60 millions de consommateurs et de l’UNAF, de leur côté, demandent de légiférer:
«Compte tenu des 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires généré par ces frais d’incidents, il faut cesser de compter sur la bonne volonté des banques et enfin passer par une disposition législative contraignante pour que la promesse faite en pleine crise des Gilets jaunes soit effectivement tenue.»
L’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB), institution présidée par la Banque de France, est à l’initiative d’une démarche visant à mieux protéger les clients les plus défavorisés. Il a récemment invité les banques françaises à adopter des pratiques permettant de les détecter de façon «plus rapide et plus durable», et ce dès le premier trimestre 2020.
D’après l’AFP, la détection «répond à la fois à des critères objectifs réglementaires –comme des incidents de paiement à répétition pendant trois mois ou une procédure de surendettement jugée recevable– et à d’autres critères laissés à l’appréciation des banques –tels que la prise en compte du montant des revenus disponibles et du niveau de dépenses.»