Derrière son apparence filiforme se cache un entrepreneur acharné. Né à Bafang, dans l’ouest du Cameroun, Yannick Nkengne a lancé en 2015 EduAir, une start-up qui fabrique l’EduAirBox. Cette petite box intelligente émet son propre wifi et permet aux élèves d’accéder à des contenus éducatifs sans connexion Internet. Une invention entièrement consacrée à l’éducation, née de son désir de faciliter les échanges et l’accès au savoir.
«Alors que j’étais étudiant à l’université de Douala, le projet a pris naissance dans mon esprit. Je voulais créer une bibliothèque virtuelle spécialisée pour faciliter l’accès aux contenus éducatifs aux étudiants. Je l'avais fait pour mes camarades du club informatique et c’est quand une université privée a signé mon premier contrat que j’ai compris que je pouvais faire de cette idée un business», relate-t-il au micro de Sputnik.
Après cette première reconnaissance, le jeune étudiant va commencer à développer son projet qui, à terme, donnera une «forme de box proposant des millions de contenus éducatifs». Mais pas seulement.
«Notre box offre aussi un système de communication intégré où les utilisateurs peuvent passer des appels vidéo au sein du réseau local déployé par EduAir», souligne l’inventeur.
À son lancement, Yannick Nkengne se souvient que la start-up proposait deux produits principaux: EduAirbox et EduAirpipeline, chacun ayant sa propre spécificité.
Cependant, le deuxième, qui avait été conçu pour interconnecter les écoles et universités, finira par disparaître face à une demande presque nulle du fait de la réticence des universités, ces dernières se montrant plutôt préoccupées par la peur des conflits d’intérêts.
«Avec EduAirpipeline, on s’adressait à des universités qui ne voulaient pas partager leurs données avec d'autres étudiants. Les écoles préféraient se faire concurrence plutôt que d’utiliser une box conçue pour rassembler. EduAirbox, de son côté, continue à faire son chemin car elle a été créée pour être installée dans chaque école sans possibilité de communication avec d’autres établissements», explique Yannick Nkengne.
Une révolution technologique 100% africaine
Cette solution innovante peut connecter localement jusqu’à 100.000 utilisateurs à la fois. L’ancien étudiant de l’université de Douala, qui a passé la majeure partie de son adolescence entre Foto – un quartier de la ville de Dschang dans l’ouest du pays – et Bonaberie, un quartier populeux de la ville de Douala, a encore à l’esprit cette expérience stimulante, vécue dans sa cité estudiantine, alors qu’il essayait d’étrenner sa trouvaille.
«Comme cette box a une fonctionnalité qui permet de passer des appels vidéo et de chatter sans connexion Internet, on l'utilisait entre nous pour communiquer à distance. Un jour, alors que je la testais avec mes voisins de chambre, j'ai entendu mon camarade s’exclamer, après avoir terminé une conversation grâce à la box avec un autre voisin situé à 100 mètres plus loin: ‘‘Cet appareil des blancs est impressionnant!’’ Et pourtant, c'était bien un noir, moi, son voisin, qui avait conçu le système», se souvient le jeune entrepreneur.
Un événement qui va un tantinet écorcher l’amour-propre de l’informaticien, décidé à aller jusqu’au bout de son rêve «pour démontrer que les grandes innovations technologiques ne sont pas que l’affaire des autres». C’est ainsi qu’il entreprend de créer sa start-up, non sans faire face à pas mal de difficultés.
Entre la méconnaissance de la réglementation fiscale et les caprices d’une clientèle insolvable, auprès de laquelle un travail d’éducation demeure encore utile, le jeune entrepreneur, ancien membre du club informatique de son université d’origine, en a vu de toutes les couleurs.
«Au début, nous n’étions pas du tout outillés pour connaître la réglementation fiscale qui ne répondait pas aux réalités des start-up. En outre, nous devions commencer un travail d'éducation auprès des décideurs car beaucoup d’établissements veulent avoir ce type de box, mais ils trouvent que les prix ne sont pas accessibles. Je pense pourtant qu’il n’y a pas d’obstacle financier puisque la plupart de ces écoles comprennent bien les enjeux du numérique: à chaque fois, les enseignants sont fascinés quand ils constatent que leurs jeunes élèves se connectent à la bibliothèque numérique spontanément une fois que le système est installé dans leur établissement», se désole Yannick Nkengne.
Des obstacles qui n’ont pas douché l’enthousiasme de l’informaticien, dont le projet a déjà récolté plusieurs prix à l’échelle nationale et internationale. En 2017 par exemple, la box de Yannick Nkengne a décroché le 3e Prix EDF Pulse Africa, qui récompense les solutions innovantes qui utilisent l’électricité, et le Prix Afrinic (African Network Information Centre) la même année.
Marié il y a de cela quelques années, le patron d’EduAir et ses huit collaborateurs qui travaillent déjà avec sept écoles – quatre au Cameroun et trois à l’international – sont toujours à la conquête de nouveaux marchés.
«Nous voulons convaincre plus de clients. Les box sont toujours disponibles pour les établissements qui veulent les installer», projette Yann Nkengne.
Dans le contexte africain où l’accès à l’éducation reste encore difficile pour nombre de personnes, en zone rurale comme urbaine, Yannick Nkengne veut améliorer l’accès à celle-ci via le numérique et donner la possibilité à la jeunesse du continent d’accéder à des bases de données à caractère didactique. Une problématique au cœur de l’initiative d’EduAir, sa start-up.
Le jeune entrepreneur fait également partie des consultants au sein de l'Union africaine sur les questions de technologies de l'éducation et de la formation. Il ambitionne d’être, dans un avenir proche, le leader dans le secteur des technologies de l’éducation «Edtech» en Afrique.