La guitare d'Anna Marly, aristocrate née Anna Betoulinsky en 1917 à Pétrograd en pleine révolution d'Octobre et exilée en France peu après et le manuscrit original sont des pièces phares d'une exposition au musée de l'Ordre de la Libération dédiée jusqu'au 5 janvier à la création de cet hymne de la Résistance, écrit l'AFP.
Compositrice, guitariste, danseuse et chanteuse dans les cabarets parisiens, elle prend le nom de scène Marly. La guerre la contraint à un nouvel exil, en Angleterre, où elle tourne dans les cercles russophones résistants et s'engage comme cantinière dans les Forces françaises libres.
C'est en 1942 à Londres, après avoir lu le récit de la bataille de Smolensk qui a marqué l'arrêt de l'offensive allemande sur le front de l'Est en 1941, qu'elle écrit la musique et les paroles en russe de la «La Marche des partisans» qu'elle interprètera elle-même et qui deviendra «Le Chant des partisans».
En 1943, Joseph Kessel, fils de Juifs de culture russe, aviateur et romancier et son neveu Maurice Druon écrivent les paroles en français, poussés par le résistant Emmanuel d'Astier de la Vigerie.
«Un peuple qui n'a pas de chanson est un peuple qui ne peut pas se battre», disait Joseph Kessel qui a combattu pendant les deux guerres.
Emmanuel d'Astier de la Vigerie qui avait pour sa part écrit les paroles pour une autre chanson d'Anna Marly, la «Complainte des partisans», réinterprété en 1969 en anglais par Leonard Cohen, voulait que les auteurs gardent l'anonymat.
«Marly, Kessel, Druon qui ont écrit cela à Londres autour du thé et des sandwichs, cela n'apporterait pas beaucoup de crédibilité au chant des maquis. Il faut qu'on s'imagine qu'il surgit de la France occupée et appartient à tous les maquisards», souligne Lionel Dardenne, commissaire de l'exposition.
En 1945 les paroles sont imprimées avec leurs noms, mais cette «fausse image d'Épinal» persiste et les auteurs n'ont jamais été vraiment mis en avant, ajoute-t-il.
Le Chant des partisans a rythmé les émissions de la France libre sur la BBC de Londres et le succès de ce chant de lutte et de résistance ne s'est jamais démenti.
Depuis 1943, il a été repris, imité et réarrangé de nombreuses fois par Joséphine Baker, Yves Montand, les choeurs de l'Armée rouge, Johnny Hallyday, Claude Nougaro, Zebda, Camélia Jordana ou encore Noir Désir...
Aujourd'hui le Chant des partisans est joué lors de cérémonies officielles «sans que les gens sachent d'où il vient», souligne le commissaire.
Accompagnant les cérémonies au Mont Valérien, haut lieu de la mémoire nationale ou en hommage des victimes du terrorisme, «il est chanté de façon presque funèbre alors qu'au contraire c'est un chant de marche et de mobilisation», ajoute-t-il.
Ironiquement, le Chant des partisans a été adopté par le Viet Minh, l'armée pour l'indépendance du Viet Nam qui luttait contre la domination française.
Aujourd'hui ce sont les «gilets jaunes» qui se réapproprient le célèbre Chant avec des paroles transformées en «Macron entends-tu».