Gabrielle Cluzel sur la PMA: «Le rôle de l’État est de protéger le plus faible et le plus faible c’est l’enfant»

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Dans la foulée du vote sur l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires, la droite conservatrice manifestera contre cette mesure à Paris, dimanche 6 octobre. Gabrielle Cluzel, rédactrice en chef de Boulevard Voltaire et farouche opposante à la PMA pour toutes, revient pour Sputnik sur le fond de ce sujet clivant.

À l’approche de la manifestation contre la PMA pour toutes du 6 octobre à Paris, Sputnik a souhaité interviewer l’une des figures de proue de la droite conservatrice. Gabrielle Cluzel est la rédactrice en chef du média droitier Boulevard Voltaire, fondé par Robert Ménard et Dominique Jamet en 2012. La journaliste, que l’on aperçoit parfois sur CNews et LCI, n’est pas si inquiétante qu’on pourrait le croire à la lecture des portraits dressés par Acrimed et Arrêt sur Images, la décrivant comme une «toutologue réac», appartenant à la «fachosphère».

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La fin du patriarcat?

Vendredi 27 septembre, l’Assemblée nationale votait l’article qui étend la pratique de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires. Le projet de loi sur la «bioéthique» est actuellement débattu à l’Assemblée nationale, avant de passer au Sénat en octobre. Une promesse de campagne d’Emmanuel Macron qui suscite des controverses à droite, du même ordre qu’en 2013 avec la loi Taubira instituant le mariage homosexuel. La Manif pour tous l’avait prophétisé, cette mesure était la première étape vers la PMA puis la GPA (gestation pour autrui). Des mesures nées de revendications féministes prônant l’égalité entre les sexes. Lors du débat au Palais Bourbon, Jean-Luc Mélenchon a déclaré ainsi que cette mesure signifie «la fin du patriarcat. Des femmes mettront des enfants au monde sans l’autorisation des hommes». Gabrielle Cluzel acquiesce sur le constat, tout en le déplorant:

«Le père est complètement écarté […] Je ne crois pas que faire disparaître le père soit bon pour la mère. Quand on s’attaque au père, on s’attaque de la même façon à la mère».

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D’autres propos récents, cette fois d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, déclarant qu’une femme pouvait être un père, de façon symbolique, ont fait réagir nombre d’internautes, d’Éric Zemmour à la Convention de la Droite aux Décodeurs du Monde. Si effectivement, il existe de plus en plus de familles monoparentales, où la mère (ou le père) assume seule les charges parentales, faut-il pour autant encourager cette tendance? Est-ce avoir une vision traditionnelle du couple que de constater qu’une famille monoparentale n’est pas une sinécure? Une femme peut-elle être un père? Non, selon Gabrielle Cluzel:

«C’est évidemment faux, tout enfant a un père et une mère. Je repense à cette phrase de Chesterton qui disait “viendra un temps où on ne pourra plus dire que deux et deux font quatre”, là je crois qu’on y est. Si on commence à dire qu’un enfant naît forcément d’un père et d’une mère, on est taxé de réactionnaire. C’est assez effrayant. Si vos téléspectateurs ont vu Bienvenue à Gattaca, je crois qu’on arrive en plein dedans.»

«Plus de pénétrés, plus de pénétrants»

La journaliste, auteur du pamphlet Adieu Simone! Les dernières heures du féminisme (Éd. Le Centurion) en 2016, est vent debout contre le nouveau féminisme. Elle estime qu’il préconise, au nom de l’égalité entre les sexes, l’effacement des spécificités de l’homme et de la femme, du père et de la mère, ainsi que de l’hétérosexualité.

«Si on éradique l’hétérosexualité, on va arriver à une forme d’égalité des sexes. Pour ça, il faut qu’il n’y ait plus de femmes, plus d’hommes, plus de pénétrés, plus de pénétrants pour reprendre l’expression de la philosophe Olivia Gazalé, des gens qui seraient un peu les deux, et ça serait parfait. On voit bien que cette égalité passe par une disparition de l’homme et par la disparition de la femme, donc du père et de la mère dans leurs spécificités pour les faire entrer dans un grand tout flou.»

Le droit à (ou de) l’enfant

Parlons dorénavant des droits des couples lesbiens. Si la technique moderne le permet, si certaines personnes ont un désir d’enfant, pourquoi les en empêcher? En partant de ce constat scientiste, aucune limite éthique ne pourrait s’opposer à la GPA et même à l’eugénisme. À l’instar du mariage homosexuel en 2013, il s’agit d’une mesure qui ne concerne a priori qu’une poignée de personnes. En quoi cela concernerait, ou impliquerait ou enlèverait-il quelque chose à la majorité? Gabrielle Cluzel estime en premier lieu qu’il s’agit de protéger avant tout les enfants, avant de penser aux droits individuels:

«Est-ce que toute personne a le droit d’avoir un enfant? Est-ce que c’est un droit irrépressible et qui doit être absolument satisfait? […]  Le désir d’enfant est tout à fait compréhensible et il serait plus fort que tout. L’enfant n’est pas un objet, on a droit à quelque chose, pas à quelqu’un [...]  Le rôle de l’État est de penser aux droits de cet enfant, de se demander si lui n’a pas le droit à avoir un père, à connaître ses origines, si créer de fait un enfant sans père est autorisé […] le rôle de l’État est logiquement de protéger le plus faible et actuellement, le plus faible c’est l’enfant. Sinon c’est la loi du plus fort.»

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Pourtant, le raisonnement en faveur de la PMA pour toutes finit par convaincre l’opinion. Les sondages sont unanimes: BVA pour le ministère de la Santé en avril et pour Orange en juillet, annonçait que plus de 60% des Français étaient favorables à la procréation médicalement assistée pour les femmes célibataires ou les couples lesbiens. Gabrielle Cluzel dénonce, elle, des sondages biaisés. En tout état de cause, le gouvernement d’Édouard Philippe ne prend guère de risque en s’emparant de ce sujet pour donner des gages de progressisme à peu de frais. Comme avec les précédentes mesures sociétales, il est probable que cette loi de bioéthique entre également dans les mœurs de la société française, malgré quelques voix à droite qui font timidement entendre leur opposition. Ce dimanche 6 octobre, la Manif pour tous organise un grand raout national devant le Sénat. Gabrielle Cluzel sera de la partie, mais reste pessimiste quant à son poids sur les autorités et l’opinion publique:

«Malheureusement, j’ai peur que les choses soient déjà actées […] L’important, c’est de participer, comme dirait Coubertin. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas certain de gagner qu’il ne faut pas le faire. Je pourrais dire à mes enfants qu’au moins, j’en étais. Je crois qu’il est important que des Français voient que du monde y est opposé. La droite n’a pas la culture de la manifestation, malheureusement, c’est peut-être ce qui fait son honneur, mais la droite ne sait pas faire la révolution. Elle est dans la construction, pas dans la révolution.»

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