La Côte d’Ivoire et le Ghana, main dans la main pour une industrie cacaoyère durable

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Depuis l’annonce, en juillet 2019, d’un différentiel de revenu décent de 400 dollars par tonne de cacao, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont signé leurs premiers contrats de vente. Actuellement, les deux frères ennemis intensifient leurs actions pour une industrie cacaoyère durable, notamment en envisageant le plafonnement de leur production. Analyse.

La Côte d’Ivoire et le Ghana, les deux plus gros producteurs de fèves de cacao au monde (environ 65 % de l’offre mondiale) avaient envisagé en juin dernier d’instaurer un prix plancher de 2.600 dollars la tonne à compter de la campagne 2020-2021. Une décision historique afin d’assurer une meilleure rémunération aux planteurs, mais qui n’avait pu être entérinée, faute d’accord entre les négociants, les industriels et les chocolatiers.

Au lieu d’un prix plancher de 2.600 dollars la tonne, après de longues négociations, les parties se sont finalement entendues sur un différentiel de revenu décent (DRD) de 400 dollars par tonne de cacao.

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Le 13 septembre, l’agence de presse Reuters a rapporté la signature avec des industriels et des chocolatiers de premiers contrats entérinant le différentiel de revenu décent (DRD) de 400 dollars par tonne de cacao obtenu en juillet par la Côte d’Ivoire et le Ghana. Une information qui n’a été démentie ni du côté ghanéen, ni du côté ivoirien.

Sur les 100 milliards de dollars que représente le marché mondial du cacao, seuls 6 milliards reviennent aux planteurs. Au Ghana et en Côte d’Ivoire, ceux-ci sont très peu nombreux à tirer profit du fruit de leur labeur. Ils vivent pour la plupart dans la pauvreté, voire l’extrême pauvreté pour certains. Une situation que les autorités ivoiriennes et ghanéennes espéraient améliorer avec le prix plancher de 2.600 dollars la tonne.

Pour certains observateurs, la Côte d’Ivoire et le Ghana auraient dû s’allier à d’autres pays producteurs de cacao comme le Cameroun et le Nigeria, des poids lourds régionaux, pour une plus grande chance de réussite de leur initiative.

Pour d’autres, cette première tentative d’améliorer radicalement les conditions de vie des planteurs, bien que finalement avortée, est à saluer et à encourager car pour la première fois, les deux pays ont résolument fait front commun pour faire bouger les choses.

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Il faut savoir que les deux géants du cacao (respectivement 1,9 million de tonnes pour la Côte d’Ivoire et 900.000 tonnes pour le Ghana sur la campagne 2017-2018), voisins et rivaux en Afrique de l’Ouest, ont longtemps pratiqué des politiques de prix qui favorisent la contrebande de part et d’autre de la frontière. Mais depuis quelques années, ils multiplient les initiatives communes et essaient de réfléchir ensemble sur des actions à mener.

Ainsi, lors de la 7e édition du Forum européen du cacao qui a eu lieu du 17 au 19 septembre 2019 à Lisbonne, Joseph Boahen Aidoo, directeur exécutif du Cocoa Board, a annoncé l’intention du Ghana et de la Côte d’Ivoire de plafonner leur production. Une mesure encore à l’étude et qui viserait à décourager la surproduction et à soutenir les cours mondiaux de «l’or brun».

«Nous fixerons des plafonds de production afin de limiter l'offre de cacao compte tenu du prix plancher minimal fixé par la Côte d'Ivoire et le Ghana. Nous agissons ainsi pour que nos planteurs en activité puissent également gérer leurs exploitations de manière responsable afin d’atteindre l'objectif d'une industrie cacaoyère durable», a déclaré lors de ce forum Joseph Boahen Aidoo.

Le défi de durabilité de l’industrie cacaoyère

Les problématiques liées à la durabilité du cacao font régulièrement l’objet d’échanges entre le CCC (Conseil du café cacao)-Cocoa Board et les acteurs de la filière.

La Côte d’Ivoire et son dauphin le Ghana bataillent non seulement pour améliorer les moyens de subsistance des planteurs et assurer une meilleure transparence et traçabilité du cacao, mais aussi, sous la pression de la communauté internationale, pour lutter contre le travail des enfants dans les plantations et lutter contre la déforestation.

En mars, les deux pays ont lancé des plans d’action nationaux pour endiguer sur leur territoire la déforestation liée au cacao.

En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial avec près de 40% de l’offre de fèves, le secteur du cacao contribue à plus de 10% du PIB et représente près de la moitié des recettes à l’exportation. La cacaoculture emploie un million de planteurs et fait vivre un tiers de la population nationale, estimée à 23 millions en 2014.

Mais le coût environnemental payé par le pays est très lourd. De 16 millions d’hectares en 1960, le couvert forestier ivoirien est aujourd’hui évalué à moins de trois millions d’hectares. C’est donc plus de 80% de ses forêts que la Côte d’Ivoire a perdu en à peine un demi-siècle. Une situation due en bonne partie à l’agriculture extensive, du cacao notamment

Par ailleurs, la Côte d’Ivoire est constamment pointée du doigt par ses partenaires internationaux qui dénoncent le travail des enfants dans les plantations (entre 500.000 et 1 million d’enfants travailleraient dans des plantations d’Afrique de l’Ouest, selon des organisations internationales). Si, au cours des dernières années, les efforts des autorités ivoiriennes pour juguler ce phénomène sont reconnus à l’international, sur le terrain, des actions d’envergure nécessitent encore d’être menées.

Pour ce qui est de la traçabilité du cacao, le Ghana et la Côte d’Ivoire envisagent de mettre sur pied d’ici à décembre 2020 un système qui devrait permettre de protéger leurs forêts et lutter contre la contrebande.

En attendant la mise en place de ce système, certains producteurs demeurent perplexes. C’est le cas notamment d’Alain Apiah, de l’Union des coopératives agricoles de San-Pedro [deuxième ville portuaire de Côte d’Ivoire et premier port mondial exportateur de cacao, NDLR].

«Nos autorités sont coutumières de telles annonces fortes mais finalement, nous, planteurs, sommes généralement déçus car nous ne voyons que bien peu leur matérialisation en actes», déplore au micro de Sputnik Alain Apiah.

Le cacao ne constitue pas le seul élément à avoir à plusieurs reprises fait tache dans les relations de voisinage entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. Au cours de leur histoire commune, des différends maritimes ont parfois occasionné des frictions entre les deux pays frères. Mais ils ont pu trouver un accord : le 20 septembre, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont officiellement procédé à la signature de cartes délimitant leurs frontières maritimes dans l’océan Atlantique.

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