Dans un contexte de tensions accrues avec l'Iran, les Émirats arabes unis ont rejoint la semaine dernière la coalition militaire maritime dirigée par les États-Unis, dont l’Australie, le Bahreïn et le Royaume-Uni faisaient déjà partie, l'Arabie saoudite y est également entrée. Qu’est-ce qui a influé sur leur décision? Pourquoi c’est justement à présent que tous ces pays ont-ils adhéré à ladite coalition? À qui et quels avantages promet la création de cette coalition?
Shami Muhammed al-Thahiri, contre-amiral saoudien à la retraite, estime dans son commentaire pour Sputnik que le but de Riyad est de protéger les navires de commerce et sécuriser la navigation dans le golfe Persique, «ce qui répond aux intérêts du commerce maritime mondial et des pays membres de la coalition».
«Le golfe Persique et le détroit d'Ormuz ne peuvent pas être utilisés à des fins militaires, car ils sont trop importants pour la navigation mondiale», a expliqué le militaire.
Et d’ajouter que l’Arabie saoudite pouvait apporter une contribution de poids aux efforts collectifs visant à garantir la sécurité.
«Elle possède une puissante marine et la plus grande base navale dans le Golfe qui porte le nom du roi Abdelaziz (KANB). Les autres membres de la coalition peuvent en profiter sur l’autorisation du royaume», a précisé le Saoudien.
Il n’y aura pas de guerre avec l’Iran
La coalition ne sera pas utilisée pour des attaques contre l’Iran, a estimé Alexandre Koubychkine, professeur à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg.
«Trump ne veut manifestement pas de guerre avec l’Iran. Il fait traîner les choses, en se limitant à des sanctions. Il y a à peine deux jours, il a déclaré ne pas vouloir de guerre avec l’Iran. Il en va toutefois autrement pour le Congrès, où le lobby anti-iranien est très puissant à présent. Il s’agit tant des Démocrates, que des Républicains conservateurs. Ils critiquent Trump pour son attitude trop indulgente envers l’Iran et la Corée du Nord», a constaté l’universitaire.
Le politologue émirati Abdel Khaliq Abdallah écarte lui aussi la possibilité d’une guerre.
«L’Iran ne peut pas provoquer de tension dans la région. Quoi qu’il fasse, les Émirats arabes unis et d’autres pays de la région décideront eux-mêmes comment y réagir», a-t-il indiqué à Sputnik.
La coalition profite à Riyad
La formation de la coalition profite le plus à l’Arabie saoudite qui attire dans son conflit avec l’Iran d’autres pays, même certains qui se situent bien loin de cette région, a relevé dans un entretien accordé à Sputnik Guevorg Mirzaïan, de l’Université financière près le gouvernement de Russie.
«Les États-Unis n’ont pas besoin de conflit direct avec l’Iran, surtout à l’approche de la campagne électorale de Donald Trump. Quant aux pays exportateurs de pétrole, ils ont rejoint la coalition à cause avant tout de leur dépendance totale aux exportations de brut. Nous comprenons toutefois que cette coalition sera également utilisée pour contenir l’Iran, ce qui intéresse tout particulièrement le royaume et les Émirats», a résumé M.Mirzaïan.
Les États-Unis ont justifié la mise en place de leur coalition par la nécessité de protéger le commerce maritime et les flux d'approvisionnement en pétrole qui traversent le détroit d'Ormuz. L'Arabie saoudite a annoncé rejoindre la coalition pour «assurer la sécurité des voies d'acheminement de l'énergie et l'approvisionnement continu de l'économie mondiale». Cette annonce est intervenue quelques jours après les attaques contre deux installations pétrolières saoudiennes, qui ont provoqué la suspension de la moitié de la production du royaume avant qu'elle ne soit partiellement restaurée. Revendiquées par les rebelles yéménites Houthis, ces attaques ont été attribuées par Washington à Téhéran et Ryad a accusé la République islamique de les avoir «parrainées». L'Iran a fermement rejeté ces allégations.
Les pays européens ont évité de rejoindre la coalition, de crainte de nuire à leurs efforts pour sauver l’accord nucléaire avec l'Iran. Depuis juillet, Téhéran a saisi trois pétroliers dans les eaux du Golfe, dont un battant pavillon britannique.