Présidentielle en Tunisie: la logique arithmétique plaide pour Kaïs Saïed

© AFP 2024 ANIS MILI / Le candidat indépendant à l'élection présidentielle tunisienne Kaïs Saïed Le candidat indépendant à l'élection présidentielle tunisienne Kaïs Saïed
Le candidat indépendant à l'élection présidentielle tunisienne Kaïs Saïed  - Sputnik Afrique
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Après le soutien qui lui a été officiellement apporté par le parti islamo-conservateur tunisien Ennahda, le candidat indépendant Kaïs Saïed serait le plus proche de remporter le second tour du scrutin présidentiel qui se tiendra courant octobre prochain, à en croire la logique arithmétique des reports de voix.

Rached Ghannouchi est décidément homme à ne pas devancer les positions officielles de son parti. À la question de savoir si les islamo-conservateurs tunisiens ont déjà choisi leur candidat, parmi les deux qualifiés pour le second tour de la présidentielle tunisienne, Celui-ci a affirmé que le parti soutiendra «le candidat qui fait office de favori et qui appartient à la mouvance révolutionnaire».

«On parle bien de M. Kaïes Saïed?», déduit, en toute logique, la présentatrice de cette émission politique diffusée le 17 septembre sur la chaîne privée Ezzitouna. «Ah, mais je n’ai rien dit!», réplique malicieusement le leader islamiste.

Toutefois, et au cas où le message n’aurait pas été suffisamment clair, la page Facebook du leader islamiste faisait état, le 18 septembre au soir, d’un échange téléphonique entre Rached Ghannouchi et le candidat Kaïs Saïed.
«M. Rached Ghannouchi s’est entretenu, au téléphone, aujourd’hui (18 septembre) avec M. Kais Saïed, le candidat à l’élection présidentielle. Il l’a félicité pour sa victoire au premier tour et lui a souhaité bonne chance, dans l’intérêt du peuple tunisien et de son expérience démocratique.»

L’Instance supérieure et indépendante pour les élections (ISIE) avait déclaré, le 17 septembre dernier, MM. Kaïs Saïed et Nabil Karoui vainqueurs du premier tour de la présidentielle, organisée deux jours plus tôt. Arrivé en tête avec près de 18,4% des voix, le premier est un enseignant universitaire de droit constitutionnel sans étiquette ni machine partisane. Le second, qui a recueilli 15,58% des votes, vient, quant à lui, du monde de la publicité et dirige la chaîne de télévision Nessma. Poursuivi dans une affaire d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent, Karoui avait été arrêté quelques semaines avant le scrutin et s’était trouvé empêché, de ce fait, de mener une campagne électorale.

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Bien que prévu par les sondages depuis quelques mois, ce résultat fut assimilé par nombre d’observateurs tunisiens à un véritable «séisme politique», «une claque» infligée à l’ensemble de la classe politique, d’autant plus qu’il consacrait, par ailleurs, la montée de plusieurs courants populistes.

A défaut d’avoir pu remporter la mise, Ennahda détient toujours des cartes en main. Arrivé en troisième position grâce aux 12,9% des voix récoltées par Abdelfattah Mourou, le parti compte bien peser sur le résultat final.

«Le numéro 3 a quitté la course, il est vrai. Ce n’est pas un roi, mais il est assimilé à faiseur de roi ! Là où il bouge, la balance va bouger aussi!», rappelle Ghannouchi lors de la même émission télévisée.

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La décision est finalement tombée, jeudi 19 septembre, au soir. Le Conseil de la Choura, l’instance suprême du parti, a confirmé le tropisme islamo-conservateur pour Kaïes Saïed exprimé Ghannouchi, mais aussi par d’autres figures du mouvement. «Ce sont des opinions personnelles qui peuvent ou non se confirmer à l’occasion de la décision collégiale qui sera prise très bientôt», déclarait à Sputnik Samir Dilou, membre de cette même instance, quelques heures auparavant.

«Le choix d’un candidat à soutenir au second tour sera déterminé uniquement par l’intérêt national et ce, sans qu’il y ait préalablement de négociations ou de contreparties politiques», avait précisé Samir Dilou.

Si, entre-temps, le président d’Ennahda s’est prononcé en faveur de Kaïes Saïed en le désignant comme «le favori» des élections, c’est que l’escarcelle du professeur de droit constitutionnel s’est potentiellement alourdie de plusieurs centaines de milliers de bulletins par le seul fait des reports et consignes de voix.

«Kaies Saïed sera donc Président. La logique des reports de voix est cristalline», estime, dans un texte publié sur sa page Facebook, le professeur de droit public et de sciences politiques, Slim Laghmani. Et pour cause, la quasi-totalité du courant révolutionnaire s’est d’ores et déjà rangée du côté de Saïed, dont le discours politique révolutionnaire en même temps que le projet social conservateur, séduit au-delà des 620.711 voix qui s’étaient exprimées en sa faveur.

Parmi les soutiens, l’écrivain Safi Saïd, arrivé en sixième position, le médecin Lotfi Mraihi, qui talonne ce dernier, l’avocat Seifeddine Makhlouf, arrivé en huitième place, ou encore l’ancien Président Moncef Marzouki qui s’est trouvé en onzième position. Les consignes de vote de ces candidats «idéologiques» seront «vraisemblablement suivies d’effet, à hauteur de 90%», estime dans une déclaration à Sputnik l’universitaire spécialiste d’histoire politique contemporaine Khaled Abid.

«Que ce soit pour les électeurs d’Ennahda, ou même des nouveaux courants, il y a une certaine logique de vote, une confiance que ces candidats inspirent à leurs électeurs, et un rejet d’autant plus fort de l’autre candidat», poursuit Khaled Abid.

De fait, Nabil Karoui est assimilé, chez cet électorat «révolutionnaire», à la survivance d’un système politique qu’ils ont cherché à sanctionner massivement. Un ressentiment renforcé par les accusations dont il fait l’objet, même si aucune condamnation n’a encore été prononcée contre lui.

Sur quels soutiens Nabil Karoui peut-il, dès lors, compter, dans cette configuration politique? Les reports de vote seront moins évidents chez l’autre grande famille, dite moderniste, où règne aujourd’hui une certaine «désolation», estime Khaled Abid, en prévoyant que ces voix s’éparpilleront entre abstentions, votes blancs ou votes en faveur de l’un et l’autre des candidats. Les accusations dont fait l’objet Nabil Karoui, d’un côté, et les soutiens «révolutionnaires» et islamo-conservateurs de Kaïs Saïed de l’autre, placent les partis centristes dans un certain embarras.

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C’est particulièrement le cas de Tahya Tounes, le parti du chef du gouvernement et ancien candidat à la présidentielle Youssef Chahed, accusé d’être derrière l’arrestation controversée de Nabil Karoui, rappelle à Sputnik Mohamed Jouili, universitaire spécialiste de sociologue politique.

«Je pense que certains partis attendront le 6 octobre prochain, date des législatives, avant de prendre position. Cela dit, s’il est un parti qui pourrait appeler à voter Nabil Karoui, c’est bien Nidaa Tounes, (le parti de l’ancien Président tunisien). Ce serait alors au nom de la nécessité de sauvegarder certains équilibres et de sauver la famille centriste», estime Mohamed Jouili.

Si la logique arithmétique indique, pour l’instant, une victoire de Kaïes Saïed, «la campagne pour le second tour n’a pas encore commencé et d’ici là, il peut y avoir bien des surprises!», croit devoir nuancer, au micro de Sputnik, l’universitaire et analyste politique tunisien Kamel Benyounes.

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