Déclin des libéraux québécois: «il faut faire attention avant d’enterrer un parti politique»

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D’après les sondages, le Parti libéral du Québec est bien mal en point. Plus vieille formation politique au Québec, il peine vraiment à rallier l’électorat francophone. Ce grand parti de pouvoir parviendra-t-il à remonter la pente? En entrevue avec Sputnik, le politologue Louis Massicotte appelle à la prudence avant de le déclarer vaincu.

Le 1er octobre 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault balayait les libéraux québécois, remportant encore plus de sièges que ne le présidaient les sondages. Une défaite historique pour le Parti libéral du Québec (PLQ) de l’ex-Premier ministre Philippe Couillard, une formation habituée à compléter au moins deux mandats d’affilée. La victoire de François Legault mettait fin à 15 années de règne libéral marquées par un net recul du nationalisme québécois.

«À la lumière des résultats du 1er octobre, un constat s’impose: le Parti libéral doit faire des gestes concrets afin de rebâtir les ponts avec la majorité francophone», écrivaient récemment les jeunes libéraux dans un document annonçant les thèmes de leur dernier congrès.

De toutes les hypothèses avancées pour expliquer la défaite des libéraux provinciaux, celle de la perte de l’électorat francophone est la plus populaire. Fondé le 1er juillet 1867, jour même de la création de la fédération canadienne, le PLQ compte aujourd’hui surtout sur l’électorat anglophone de Montréal. La démission récente du seul député libéral de l’Est du Québec, Sébastien Proulx, a fait l’effet d’un électrochoc au sein du parti.

​Professeur de science politique à l’Université Laval, à Québec, Louis Massicotte constate aussi l’érosion du vote francophone pour le PLQ. Spécialiste renommé du système politique canadien, il estime que plusieurs facteurs ont contribué au déclin du parti:

«Il y a deux théories expliquant la récente défaite et l’impopularité du PLQ. Les uns disent que PLQ s’est effondré parce qu’il a pris des positions trop fédéralistes, parce qu’il est devenu antinationaliste. Pour cette raison-là, le PLQ serait boudé par la majorité des francophones. Les autres disent tout simplement que le PLQ a été victime de l’usure du pouvoir. Le PLQ formait le gouvernement depuis 2003, malgré le petit intervalle d’environ 1 an et demi durant lequel il n’a pas gouverné», a expliqué le politologue au micro de Sputnik.

Le professeur rappelle toutefois que le PLQ a toujours été moins populaire chez les francophones. Il observe aussi que les politiques d’austérité mises en place par les libéraux ces dernières années leur ont nui lors du dernier scrutin. «Il y a du vrai dans chacune de ces théories», estime-t-il. En revanche, contrairement à d’autres observateurs, il ne croit pas du tout que le parti en soit rendu à ses dernières heures:

«Je connais assez bien l’histoire politique pour l’avoir suivie attentivement dans les 30 ou 40 dernières années. Mon expérience m’a enseigné ceci: il faut faire bien attention avant d’enterrer un parti politique au Canada. Plusieurs fois dans l’histoire de ce pays, on a déclaré mort un parti prématurément. […] Il y a quelques années, on disait encore que le PLQ était assuré de rester au pouvoir pour de nombreuses années. Les libéraux sont restés en tête dans les sondages jusqu’en 2017», a-t-il précisé.

Plusieurs analystes expliquent aussi l’impopularité actuelle du PLQ par son préjugé favorable envers le multiculturalisme, une idéologie protégée par la constitution canadienne. C’est du moins le cas des chroniqueurs Mathieu Bock-Côté et Joseph Facal qui écrivent au Journal de Montréal. Le multiculturalisme aurait pour effet de diluer l’identité québécoise au sein de la fédération.

​Pour se distancer de ce modèle d’intégration controversé, le prochain chef pressenti du Parti libéral, Dominique Anglade, propose de faire adopter une loi sur l’interculturalisme. Selon elle et le président de la commission jeunesse de son parti, Stéphane Stril, ce dernier modèle serait plus respectueux de la nation québécoise. Louis Massicotte relativise toutefois l’importance de cet enjeu:

«Au Québec, un certain nombre de gens ont tendance à tout expliquer par cette variable-là [le multiculturalisme, ndlr], parce que c’est l’enjeu qui les préoccupe eux-mêmes… Les chroniqueurs nationalistes du Journal de Montréal ont choisi de lire l’élection de cette façon. C’est une lecture possible, mais je ne suis pas convaincu que ce soit la seule. […] Les Québécois sont préoccupés par la question du multiculturalisme, mais ne sont pas obsédés par elle», analyse le professeur.

Louis Massicotte invite à la prudence, mais juge plutôt mauvaises les chances du PLQ de prendre sa revanche sur la CAQ à la prochaine élection.

«Le gouvernement Legault est très populaire. Son appui dans les sondages augmente constamment. Comme observateur, je me dis que M. Legault est plutôt bien parti pour obtenir un deuxième mandat. D’autant plus qu’on sent un découragement chez les députés et les candidats à la chefferie du Parti libéral. […] Il faut toutefois rester extrêmement prudents, car il y a toujours des imprévus pouvant occasionner de grands revirements. Enfin, il faut dire que les électeurs sont de plus en plus volatiles et imprévisibles au Québec», conclut Louis Massicotte.

C’est au printemps 2020 que le prochain chef libéral sera élu par les membres de son parti. Le choix d’un chef charismatique ne pourrait évidemment pas nuire à relancer cette formation historique.

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