Accueilli sous les acclamations de ses militants, entassés dans une brasserie du XIVe arrondissement, le mathématicien en costume trois pièces bleu marine, arborant sa célèbre lavallière et son habituelle araignée au revers de sa veste, a mis fin à un secret de polichinelle:
«Villani Paris, Villani Paris!», ont scandé les militants.
Cette candidature dissidente constitue un coup dur pour le parti présidentiel qui, fort de son score de 33% aux européennes dans la capitale, espère ravir la mairie à la socialiste Anne Hidalgo en mars prochain avec son candidat désigné, Benjamin Griveaux.
Je m'engage dans cette course pour aller jusqu'au bout. pic.twitter.com/YvAYx2bW6f
— Cédric Villani (@VillaniCedric) September 5, 2019
Pour LREM, le cavalier seul amorcé par M. Villani avive aussi la crainte d'un effet domino et d'une multiplication de candidatures dissidentes au sein des marcheurs déçus dans d'autres villes.
Le parti présidentiel a aussitôt dit qu'il n'allait pas tomber «dans la division» et donc ne pas exclure M. Villani. Mais le mouvement d'Emmanuel Macron a regretté «ce choix» qui «va à l'encontre des règles collectives du Mouvement» et «rompt l'engagement» pris par le député devant la Commission Nationale d'Investiture de soutenir le candidat désigné par LREM.
«Je le dis, clairement, il n'y a qu'un seul candidat LREM. Il s'appelle Benjamin Griveaux. J'ai la conviction qu'il est le seul aujourd'hui qui peut battre Anne Hidalgo», a insisté le délégué général de LREM, Stanislas Guerini.
Pour Hélène d'Alençon, militante LREM depuis 2016, tous les marcheurs présents mercredi soir «ne sont pas là pour fronder pour le plaisir mais dénoncer un dysfonctionnement dans un parti où il y a trop de verticalité».
Le médaillé Fields, qui avait été éconduit en juillet au profit de Benjamin Griveaux, n'a pas caché depuis plusieurs mois sa frustration: «Avant l'été, j'ai participé à un processus de désignation dont j'ai pu constater l'inadaptation», a justifié le nouveau candidat, qui n'a eu de cesse de dénoncer une procédure «viciée» depuis l'investiture de l'ancien porte-parole du gouvernement.
«J'ai pu mesurer les limites du fonctionnement d'appareil politique que nous dénoncions il y a peu», a-t-il poursuivi, promettant de n'être pour sa part «jamais un homme d'appareil».
Invoquant Renaud, Montaigne ou encore Kiki de Montparnasse, et «l'esprit de Paris qui (l')accompagne», il a affirmé vouloir porter sa candidature «avec bienveillance et liberté, jamais dans l'attaque mais toujours pour rassembler, non pour critiquer mais pour construire ensemble des solutions». Mais les tensions se sont déjà fait sentir au sein du parti de la majorité présidentielle.
Cédric Villani, qui a assuré au président de la République et au Premier ministre que sa décision n'était «pas un acte de défiance», a décliné lundi une offre de Benjamin Griveaux. Fin août, dans une lettre de trois pages, ce dernier avait proposé au mathématicien de 45 ans de «copiloter» sa campagne.
Dans l'entourage du nouveau candidat, certains n'hésitent pas à voir en lui un homme qui «comme Emmanuel Macron en 2017, sort des clivages traditionnels, et des étiquettes partisanes», selon Mao Peninou, ancien adjoint à la propreté d'Anne Hidalgo, et membre d'En marche.
«Il y a peu de personnes, au vu du talent du président de la République, qui peuvent complètement s'inscrire dans ses pas», a répliqué la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, «déçue» de la décision de M. Villani.
A l'issue de son discours qui a duré quinze minutes, le mathématicien s'est livré à un bain de foule, se laissant aller à des selfies avec des sympathisants.
«On est en train de nous gâcher la campagne», a regretté auprès de l'AFP Pacôme Rupin, directeur de campagne de Benjamin Griveaux.