Il a atterri au carrefour de la ville de Joukovski, dans une banlieue de Moscou… Le Tu-144 est devenu un laboratoire volant, mais aussi un monument, de 60 mètres de long pour 120 tonnes, en faisant ainsi un gardien de la mémoire. Après deux graves accidents, au Salon du Bourget et dans l’oblast de Moscou, à Iegorievsk, il a été retiré du service.
Le fondateur de la fondation Légendes de l’aviation et l’un des initiateurs du projet de restauration du Tu-144, Vassili Pankratyev, dresse la liste des spécificités du jumeau du Concorde franco-britannique.
Fin de l’exploitation commerciale
«Le programme du Tu-144 a été arrêté non pas parce qu’il y avait quelque chose qui clochait dans sa construction, mais parce qu’un accident a eu lieu. Après la catastrophe au Bourget, l’avion a été considéré comme dangereux à cause de sa vitesse, de sa puissance, et de sa taille», précise-t-il pour Sputnik.
«Deuxièmement, il n’était économiquement pas rentable de dépenser autant en carburant. À une telle vitesse, l’avion consommait trop de carburant. Le billet était trop coûteux.»
Ces conclusions tirées, le programme a été arrêté. Or, dans les années qui ont suivi, «[les ingénieurs] ont beaucoup utilisé ce qui avait été élaboré à l’époque pour les avions supersoniques, dont s’occupe actuellement [en Russie] TsAGI (Institut central d'aérohydrodynamique)».
Caractéristiques à emprunter
Parmi les spécificités précieuses de la conception du Tu-144, Vassili Pankratyev cite notamment les alliages utilisés, les moteurs et certains éléments de la construction qui permettaient d’atterrir et décoller à une grande vitesse.
Le "Concorde soviétique" avant de s'installer sur sa place au carrefour de la ville de Joukovski, dans l'oblast de Moscou.
— Catherine (@katesputnik) August 28, 2019
Crédit vidéo: Légendes de l'aviation pic.twitter.com/FxI2EDkRqD
«Des alliages spéciaux avaient été longuement élaborés pour que l’avion puisse résister aux températures qu’il rencontrait pendant le vol. Ensuite, on se concentre sur ses moteurs qui produisaient la vitesse nécessaire et dont on va s'inspirer pour l'avenir de l'aéronautique», affirme-t-il.
«Lors de l’atterrissage, il faut réduire la vitesse jusqu’à un certain niveau. […] Et en décollant, l’avion doit atteindre une certaine vitesse afin de monter dans le ciel», poursuit-il, tandis que la vitesse maximale du Tu-144 était de 2.340 kilomètres par heure. «Ce sont les éléments de la construction qui permettent de le faire, les volets et volets à recul qui aident l’avion à s’envoler.»
«Ce qui est surtout important, souligne-il, c’est la forme de l’avion qui permet de minimiser le frottement avec la résistance aérodynamique. La forme doit être juste, mais aussi élégante — la forme de l’aile, du fuselage, des raccords… Tout cela est emprunté à cet avion», conclut M.Pankratyev.
Sa vitesse de croisière
Le neveu du pilote soviétique Alexeï Blagovechtchenski, Vladimir Nossov, met en avant le fait que le Tu-144 «était un avion unique au monde capable de maintenir une vitesse de croisière élevée pendant tout le trajet. Une fois à 11 kilomètres d'altitude, il naviguait à la vitesse de croisière tout le long du vol, ce qu'on n'a jusqu'ici pas réussi à recréer».
Défilé aérien à l'occasion de l'inauguration du Tu-144 restauré, à Joukovski, dans l'oblast de Moscou pic.twitter.com/sZHiMhJJg5
— Catherine (@katesputnik) August 29, 2019
Le vétéran de la Seconde Guerre mondiale Kouzma Vapsinov appartient à la génération de ceux qui ont mené les tous premiers essais de l’avion:
«J’ai travaillé au TsAGI, nous avons testé les modèles des avions en circuits aérodynamiques», se souvient-il, lui aussi venu assister à la cérémonie d’inauguration du Tu-144 restauré. «Cette machine, on l’a testée, on a vérifié toutes ses caractéristiques et que tout tournait parfaitement.»