Deux ans après sa sortie officielle, le premier long-métrage d’animation 100% camerounais continue d’être diffusé dans des festivals à travers le monde et de glaner des prix: meilleur long-métrage 2018 au Festival du Film d’Animation d’Abidjan, prix mention spéciale du Jury au Festival Écrans Noirs 2018 à Yaoundé, meilleur film international 2019 au Festival KingstOOn à Kingston en Jamaïque… Bien que convaincu de la qualité de son projet, Claye Edou, comptable de formation et réalisateur de ce film, est encore surpris par une telle reconnaissance internationale.
«Je ne m’attendais pas du tout à ce que mon film soit projeté à travers différents festivals internationaux sur tous les continents [en Chine, aux USA, en Nouvelle Zélande, au Brésil, au Qatar, etc., ndlr]. Il est de surcroît resté à l’affiche des salles du réseau Canal Olympia [présent dans 7 pays d’Afrique francophone, ndlr] pendant 13 semaines d’affilée. Il a réellement séduit bien au-delà des frontières du Cameroun», se réjouit Claye Edou au micro de Sputnik.
«Mon film est une libre adaptation du conte -la cuillère cassée-, qui fait partie intégrante du folklore traditionnel de nombreux pays africains. La version qui a inspiré le film est celle de 1977 publiée dans le recueil des professeurs Charles Binam Bikoi et Emmanuel Soundjock», explique-t-il au micro de Sputnik.
Sorti officiellement en novembre 2017, «Minga et la cuillère cassée» est également un voyage culturel qui, en 80 minutes, plonge le spectateur dans les us et coutumes du Cameroun profond de la période précoloniale.
«Le film est truffé de références culturelles camerounaises, à travers la diversité musicale qui présente les quatre grandes aires culturelles du Cameroun, à savoir fang-béti, grassfields, sawa et soudano-sahélienne», affirme Claye Edou au micro de Sputnik.
Pour venir à bout de son rêve, ce natif de Djoum, dans la région du Sud Cameroun, qui a passé son enfance entre Yaoundé, Chenôve en France et Garoua au Nord du Cameroun, a choisi de travailler avec une équipe entièrement locale. L’objectif pour ce réalisateur âgé de 40 ans, contrôleur de gestion dans une multinationale depuis une dizaine d’années, était de «démontrer qu’une telle production était possible avec les talents et l’expertise dont dispose le Cameroun». Lui-même a d’ailleurs beaucoup appris, comme il en témoigne:
«Pendant l’enregistrement des dialogues et des chansons au studio avec les comédiens, j’étais moi-même émerveillé de les voir simuler dans une cabine étroite, une chute sur plusieurs mètres ou une bataille avec une créature féroce en faisant appel à leur imagination», relate-t-il.
«J’ai fait des bandes dessinées quand j’étais adolescent, et cela a été une aide précieuse lorsque je suis passé au cinéma d’animation car je pouvais parler le même langage que les graphistes impliqués dans le projet», se souvient-il non sans fierté.
C’est donc tout naturellement que ce passionné de bandes dessinées a préféré travailler en animation plutôt qu’en prises de vue réelles, car, selon lui, «l’animation a cet avantage de parler non seulement à tous les publics, mais aussi de permettre à l’artiste une liberté visuelle difficilement accessible en prise de vue réelle».
«Même si on pourrait être tenté de croire qu’il est encore embryonnaire en Afrique, je peux vous assurer que le film d’animation est en pleine expansion, comme l’attestent les festivals qui lui sont consacrés dans de nombreux pays tels que le Caminaf [Festival du Cinéma d’Animation Africain, ndlr] au Cameroun, le Ctiaf [Cape Town International Animation, ndlr] en Afrique du Sud, le Ciaf [Cairo International Animation Forum, ndlr] en Égypte. La première édition des African Animation Awards, annoncée au Kenya en novembre prochain, montre aussi que de nombreux pays ou des studios commencent à comprendre les enjeux du secteur du cinéma et du film d’animation sur les plans culturel, économique et même stratégique», s’enthousiasme le réalisateur au micro de Sputnik.
Irréductible afro-optimiste, Claye Edou veut continuer à faire briller le Cameroun et l’Afrique à travers le septième art et surtout le cinéma d’animation. Après le succès de sa première réalisation, le patron de Cledley Productions, un studio d’animation né de la nécessité pour lui d’avoir une structure légale destinée à encadrer ses œuvres, ne s’est pas assoupi sur ses lauriers. Son équipe et lui sont d’ores et déjà engagés dans une nouvelle aventure.
«Nous travaillons actuellement sur un long-métrage dont le titre et le teaser seront dévoilés lors de la prochaine édition du Canimaf, le Festival du Cinéma d’Animation Africain, qui se tiendra en octobre prochain à Yaoundé. À côté de cela, les séries dérivées sont à l’étude car de tels contenus sont de plus en plus prisés par les diffuseurs», révèle-t-il au micro de Sputnik.
Dans un contexte cinématographique difficile, Claye Edou a ainsi pu réaliser en un peu plus de trois ans «Minga et la cuillère cassée», son premier long-métrage d’animation et qui plus est 100% camerounais. On ne peut donc que se réjouir de ce nouveau coup de crayon dans une industrie du cinéma d’animation africain en pleine essor, avec l’émergence de héros africains et de thématiques propres aux réalités du continent.