«Le Président Henri Konan Bédié m’a demandé de remercier Charles Blé Goudé pour son adhésion à la plateforme non idéologique des partis politiques et des forces vives de la Côte d’Ivoire», a déclaré Maurice Kacou Guikahué, secrétaire exécutif du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, opposition).
Une déclaration prononcée à l’issue de la rencontre entre Charles Blé Goudé et des représentants du PDCI le parti de l’ancien Président ivoirien Henri Konan Bédié, qui s’est tenue le 21 août à La Haye. Selon Maurice Kacou Guikahué, le Congrès Panafricain pour la Justice et l’Égalité des Peuples (COJEP) présidé par Charles Blé Goudé est l’un des fondateurs de cette plateforme initiée par le chef du PDCI, Henri Konan Bédié, en vue «de la réconciliation et la paix en Côte d’Ivoire».
Déjà en mai 2019, le PDCI, formation politique de poids sur la scène nationale, avait dépêché auprès de Laurent Gbagbo, le mentor de Charles Blé Goudé, une délégation conduite par son numéro deux Maurice Guikahué. Par la suite, le 29 juillet à Bruxelles, les deux anciens chefs d’État Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié se sont rencontrés et ont ouvert la porte à la création d’un front commun contre le Président Alassane Ouattara.
Charles Blé Goudé, un allié de poids sur la scène politique ivoirienne
Leader charismatique, Charles Blé Goudé était réputé dans les années 2000 pour rallier les foules à son mentor, l’ancien Président ivoirien Laurent Gbagbo, avec qui il a été jugé puis acquitté par la Cour Pénale Internationale (CPI) le 15 janvier 2019, après huit ans de procédure, l’audition de 82 témoins, 231 journées d’audiences et des milliers de pièces (notamment des documentaires et vidéos).
Tous deux étaient poursuivis par la CPI pour des charges de crimes contre l’humanité (meurtres, viols, autres actes inhumains, ou tentatives de meurtre et acte de persécutions) qui auraient été commis lors des violences postélectorales en Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
Depuis leur acquittement, Charles Blé Goudé réside à La Haye, aux Pays-Bas, et Laurent Gbagbo à Bruxelles, en Belgique, dans l’attente d’un éventuel procès en appel, la procureure Fatou Bensouda ayant jusqu’au 16 septembre pour faire appel.
Élu le 18 août pour quatre ans à la tête du COJEP, c’est par vidéoconférence que l’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo a pris part au premier congrès ordinaire du COJEP, qui fête cette année ses 18 ans. Créé en 2001 par Charles Blé Goudé, le COJEP, mouvement politique pro-Gbagbo, est officiellement devenu un parti politique en 2015.
Malgré des années d’emprisonnement, Charles Blé Goudé demeure populaire dans son pays. L’ex-leader des «Jeunes Patriotes» (un mouvement politique qui a beaucoup soutenu Laurent Gbagbo pendant les années 2000 et souvent qualifié de milice à sa solde) est perçu «comme une sorte de héros national», selon l’analyste politique Innocent Gnelbin.
«Pour ses partisans, Charles Blé Goudé demeure populaire et un homme d’État à même d’avoir des ambitions présidentielles», déclare Innocent Gnelbin au micro de Sputnik.
L’analyste estime qu’il faut toutefois nuancer cette popularité, car les réalités ne sont plus les mêmes en Côte d’Ivoire depuis l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara.
«Depuis la crise postélectorale, il y a eu plus de huit ans de gestion de pouvoir du Président Alassane Ouattara et d’autres réalités qui ont pris forme en Côte d’Ivoire. Il n’est pas sûr que la popularité qui était la sienne soit la même, d’autant plus qu’il y avait à l’époque des réalités de pouvoir sous Laurent Gbagbo qui aidaient Charles Blé Goudé à drainer des foules et qui ne sont plus effectives», explique-t-il.
S’il ne fait pas mystère des ambitions présidentielles qu’il nourrit, l’ancien ministre de la Jeunesse a déjà affirmé qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle de 2020.
«En personne mature et réfléchie, je ne pense pas que Blé Goudé vise la présidentielle de 2020. Je pense que sa réflexion aujourd’hui et ce qui mobilise ses forces, c’est de voir comment quitter La Haye et rentrer dans son pays. L’homme politique qu’il est sait que ce retour a un coût et nécessite des accords préalables qui se jouent certainement actuellement entre lui et le pouvoir d’Abidjan», soutient l’analyste.
Un leader toujours en phase avec son mentor
À ses milliers de partisans rassemblés à l’occasion du congrès du COJEP à Yopougon, la plus grande commune d’Abidjan, Charles Blé Goudé n’a pas manqué de rappeler les liens particuliers qu’il entretient avec Laurent Gbagbo.
«Ce qui nous lie, Laurent Gbagbo et moi, c’est une cause noble qui engage la vie de millions d’Ivoiriens. Quelle que soit la longueur des oreilles, elles ne pourront jamais dépasser la tête. Et la tête, c’est Laurent Gbagbo. Jamais de ma vie je ne vais me comparer à Laurent Gbagbo, parce que c’est mon père et mon maître», a-t-il déclaré au congrès du COJEP.
Le tout nouveau président du COJEP a par ailleurs déclaré que lors de ses cinq années de détention à la CPI, son mentor lui a «enseigné beaucoup de choses» qu’il compte mettre à la disposition du peuple ivoirien.
Certains observateurs estiment cependant que le COJEP de Blé Goudé pourrait, à terme, représenter une menace pour le Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Un avis que partage Innocent Gnelbin.
«Il est fort probable que le COJEP puisse représenter une menace pour le FPI. Je crois d’ailleurs que le FPI en mesure l’ampleur d’autant plus que Blé Goudé a été entre 2003 et 2010 le fer de lance de la mobilisation autour du pouvoir FPI. La réalité et la vérité sociologiques du FPI se mêlaient un peu avec la capacité de mobilisation de Charles Blé Goudé», poursuit l’analyste au micro de Sputnik.
Charles Blé Goudé et l’héritage politique de Laurent Gbagbo
Pour Innocent Gnelbin, déterminer si Charles Blé Goudé peut incarner l’héritage de Laurent Gbagbo est une «équation complexe».
«Laurent Gbagbo, c’est toute une histoire. Il y a quand même des parallèles entre les deux hommes, notamment dans le sens de l’engagement à la lutte politique. Blé Goudé pourrait vouloir incarner l’héritage politique de Laurent Gbagbo, je crois d’ailleurs que c’est son axe actuellement. La véritable question est de savoir si la scène politique ivoirienne, qui n’est pas clémente du tout, mais aussi le FPI, pourront lui permettre de le faire», affirme-t-il.
S’exprimant pour sa part sur le sujet, Blé Goudé «refuse qu’on parle de l’héritage de Laurent alors qu’il est encore en vie».
«Je n’accepte pas que pendant que Laurent Ggagbo est encore en vie et actif, on parle de son héritage à gauche et de ses héritiers à droite», a clamé Charles Blé Goudé en vidéo et en direct devant ses militants.