À quelques jours du G7 à Biarritz qui a pour thématique centrale la lutte contre les inégalités, le rapport de Janus Henderson Investors risque de faire grincer quelques dents. À l’échelle mondiale, les actionnaires ont vu le versement de leurs dividendes grimper de 1,1% au deuxième trimestre de 2019, pour atteindre un niveau record de 513,8 milliards de dollars. L’étude, basée sur les performances des 1.200 entreprises à la plus forte capitalisation boursière, indique pourtant un net ralentissement de la progression du versement des dividendes par rapport à la même période de l’année dernière, qui avait vu ceux-ci grimper de 14,3%.
Un ralentissement en grande partie dû à un taux de croissance mondiale en perte de vitesse, «le plus faible depuis deux ans» ce qui a «commencé à se faire sentir sur les dividendes», explique le rapport.
La France fait pourtant office de figure de proue dans la catégorie des versements de dividendes, avec 3,1% d’augmentation sur un an. L’hexagone est
«de loin, le plus grand payeur de dividendes en Europe, elle a vu leurs montants atteindre 51 milliards de dollars au cours du deuxième trimestre, un nouveau niveau historique», souligne Janus Henderson Investors.
Au rebours de la tendance mondiale, légèrement haussière, l’Europe (hors Royaume-Uni) est affectée d’une diminution de 5,3% des dividendes à 169,5 milliards de dollars. Des constructeurs automobiles allemands tels que BMW et Daimler ont vu leurs bénéfices amoindris, du fait d’un secteur en perte de vitesse, et ont dû réduire leurs dividendes en conséquence.
«Le ralentissement économique mondial est particulièrement notable en Europe, ce qui a une incidence sur les bénéfices et qui, par conséquent, limite la capacité des sociétés européennes à augmenter leurs dividendes», explique l’entreprise dans son rapport.
Le constat est le même pour la région Asie-Pacifique, hors Japon, qui fait moins bien que l’an passé avec -2,9%, à 43,2 milliards de dollars. En cause notamment, une économie chinoise plus morose:
«Un quart des sociétés de Hong Kong de notre indice ont réduit leurs dividendes, dont China mobile. Il s’agit là d’un pourcentage bien plus important que sur les autres principaux marchés, reflétant le ralentissement de l’économie chinoise», observe Janus Henderson.
La France fait donc partie du petit contingent de quatre pays comprenant le Japon, le Canada et l’Indonésie à avoir battu des records de versements de dividendes au deuxième trimestre de 2019. Au sein d’une Europe en perte de vitesse dans le domaine, comment donc expliquer cette exception française? Emmanuel Lechypre, livre, chez nos confrères de BFMTV, quelques clés de lecture:
«Cette exception n’est pas forcément liée à la surperformance des entreprises françaises. C’est justement dû au fait que nous sommes moins présents sur les marchés mondiaux, donc nous sommes moins pénalisés par le ralentissement international. Il y a aussi une tradition en France de distribuer plus de dividendes, car il y a moins d’actionnaires français, donc il faut aller séduire des actionnaires étrangers et il faut également prendre en compte une fiscalité qui est moins avantageuse sur les salaires.»
C'est la crise. Il faut se serrer la ceinture. On doit travailler plus et plus longtemps. On peut pas vivre au dessus de nos moyens. L'état coûte trop cher. Il faut s'adapter à la mondialisation. Vous comprenez ? #dividendes pic.twitter.com/S7qGeNkmnE
— Manuel Bompard (@mbompard) August 20, 2019
Une bonne santé des actionnaires qui n’a pas manqué de faire réagir parmi la classe politique et dans le monde associatif. Notamment à la lumière du G7, ayant pour thème principal la lutte contre les inégalités. Maxime Combes, porte-parole de l’association Attac France, contacté par l’AFP, affirme ainsi que
«le monde du contre-G7 n’est pas surpris [par] ce chiffre record qui illustre les politiques qu’il faut transformer aujourd’hui pour financer l’intérêt général plutôt que rémunérer les actionnaires.»
En effet, certains accusent les dirigeants d’entreprise de se rémunérer en dividendes plutôt qu’en salaire afin d’avoir accès à une fiscalité plus clémente sur le capital que sur les salaires. D’après eux, en faisant cela, ils participent à creuser les inégalités, car ils ne contribuent pas de manière équitable à l’effort fiscal au niveau national. D’autant plus que «les dividendes versés au sein des pays du G7 ont augmenté trois fois plus vite que les salaires», selon les calculs d’Oxfam France. C’est ce qu’explique Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam à l’AFP:
«Les pays du G7 mettent en place des politiques qui favorisent le versement de dividendes au détriment des salaires.»
Avec la #FlatTax, les patrons ont intérêt à se payer en dividendes plutôt qu’en salaire (pour éviter cotisations, PO, IR).
— Thomas Porcher (@PorcherThomas) August 17, 2019
Bizarrement, Les Échos n’ont pas trouvé suspecte la hausse des dividendes (+ 24% en 2018!),ni relevé les effets de cette distorsion sur les comptes publics. https://t.co/6GMIHDSx9R
Alors que certains redoutent des violences lors du G7 de Biarritz, réunissant les sept premières puissances économiques mondiales, la parution de ce rapport risque de ne pas apaiser une atmosphère déjà électrique dans la ville du sud-ouest.