À seulement 25 ans, Borel Teguia fait déjà partie de ces jeunes entrepreneurs, qui osent et veulent faire bouger le continent. Ingénieur de conception en énergies renouvelables, major de sa promotion en 2017 avec mention très bien, à l’école nationale supérieure polytechnique de Maroua (ENSPM), ce jeune étudiant s’est illustré dans ses travaux de mémoire de fin d’études en travaillant sur un projet novateur, qui lui vaut aujourd’hui d’écrire de belles pages, dans le livre des innovations technologiques en Afrique: la conception et la réalisation d’un drone solaire quadrirotor. Une idée, un projet d’études né de son environnement immédiat. En effet, alors étudiant à Maroua, capitale de l’Extrême-Nord du Cameroun, région régulièrement frappée par la secte islamiste Boko Haram*, Borel Teguia va se lancer dans la recherche d’une solution technologique à la crise sécuritaire en cours.
«Ayant fait mes études supérieures dans l’Extrême-Nord du Cameroun, et voyant sans cesse de nombreuses familles obligées de quitter leurs domiciles à cause de la guerre, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Parce qu’il n’y a rien de plus horrible que la guerre, et rien de plus important qu’une vie humaine. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler sur cet engin miniature qui pourrait voler, prendre des images visualisables en temps réel, et permettre de mieux surveiller les frontières camerounaises. J’ai voulu pour ainsi dire, doter le ciel camerounais d’un œil qui veille sur ses frontières», relate-t-il au micro de Sputnik.
Le sujet de son mémoire, lui vaudra une mention excellente et suscitera, une motivation supplémentaire, celle de poursuivre son challenge. Pourtant au sortir de l’école, Borel sera très vite sollicité par de grandes entreprises locales à l’instar d’EDC (Electricity development corporation) et Aliqo Energy. Le jeune ingénieur va travailler au sein de ces deux entreprises avant de démissionner pour lancer Tagus drone, son entreprise, pour se consacrer exclusivement au développement de son projet.
«Je me suis rendu compte qu’il y avait des problématiques aussi importantes que la surveillance, sur tout le continent africain. Les drones seraient une solution. Aujourd’hui, les drones interviennent dans l’agriculture, la télécommunication, la santé, la cinématographie, le BTP, l’art et la culture. Une aubaine pour notre entreprise», confie Borel Teguia au micro de Sputnik.
Dès lors, le jeune ingénieur va se lancer le pari fou de développer son drone solaire. Un drone à quatre moteurs symétriques les uns par rapport aux autres, doté dit-il, d’une parfaite stabilité en cours de vol, et facilitant par la même occasion leur contrôle. Le drone pèse 700 g, avec une coque fabriquée à base d’aluminium et de plastique. «Il atteint une vitesse de 10 mètres par seconde et pour 150 mètres d’altitude». Pour l’ingénieur, son drone solaire vient résoudre le problème lié à l’autonomie des modèles existants.
«Les drones civils existants ont un temps de vol relativement faible, entre 30 à 45 min, limitant ainsi leur champ d’application dans plusieurs domaines. Notre drone solaire pourra recharger ses batteries en cours de vol à partir de l’énergie du soleil, permettant ainsi de faire 1 h à 2 h de temps de vol», explique-t-il au micro de Sputnik.
Si aujourd’hui Borel a réussi à réaliser le prototype de son drone solaire, ce ne fut pas chose aisée au départ. L’ingénieur se souvient encore de cet entourage sceptique qui a tenté de l’en dissuader:
«Pour la réalisation de mon prototype, beaucoup de personnes ont essayé de me décourager, en me disant que je n’y arriverais pas, parce que personne ne l’avait jamais fait au Cameroun. Mais vous savez dans des moments pareils, il faut avoir un mental de résistant et se faire assez confiance, pour tenir le coup», se souvient-il.
Même parvenu à la réalisation de son prototype, l’entrepreneur doit encore, «prouver que nous pouvons faire chez nous des appareils rassemblant des technologies de pointe, comme ailleurs. Et surtout, convaincre les nouveaux investisseurs sur le caractère porteur et futuriste du projet», explique Borel Teguia au micro de Sputnik.
Des défis et challenges qui n’entament pas la détermination du jeune entrepreneur. Pour développer son projet et lancer la commercialisation de son drone sur le marché local et africain, Borel Teguia a lancé depuis mai 2019, une levée de fonds. Objectif, réunir 500 millions de FCFA.
«Ce crowdfunding fonctionne très bien, car les investisseurs qui s’intéressent à ce projet innovateur sont nombreux. Un peu plus de deux mois après le lancement, nous comptons plus de 2.000 investisseurs potentiels repartis sur plus de 34 pays», dit-il satisfait au micro de Sputnik.
Borel Teguia compte bien saisir les opportunités qu’offre le continent. D’ailleurs, son équipe et lui travaillent déjà sur plusieurs modèles de drone pouvant servir dans des domaines aussi divers que la santé, l’audiovisuel, les BTP, et la sécurité.
«Nous avons une forte demande sur le continent, mais il y a très peu de fabricants. Au final, les Africains sont obligés d’importer des drones, et de les acheter à des coûts faramineux car les frais de transport et de douane se rajoutent au prix d’achat. Le marché des drones est en pleine expansion et nous devons en profiter pour développer des modèles locaux», ambitionne-t-il.
Ce passionné des sciences et technologies nourrit le rêve de voir naître et prospérer au Cameroun et sur le continent de belles initiatives technologiques. Borel espère que cela pourra limiter la fuite des cerveaux dans un contexte hostile à l’entrepreneuriat des jeunes.
«Le Cameroun a beaucoup à faire pour mettre sur pied un véritable écosystème qui profiterait aux entrepreneurs. Il faut encore travailler à réunir des conditions adéquates à l’émergence des projets des jeunes. Ce n’est qu’à cette condition que les jeunes resteront sur place au lieu de penser à migrer vers l’Occident. Ils pourront ainsi développer des solutions profitables au Cameroun et à l’Afrique», croit-il savoir.
Cependant, face aux difficultés du quotidien et aux obstacles rencontrés dans l’accomplissement de leur projet, Borel Teguia suggère:
«Il ne faut jamais abandonner aussi facilement. À force de travail et de persévérance, on finit par trouver des solutions ou des débuts de solutions, quelles que soient les difficultés rencontrées. Il faut continuer à rêver grand», recommande le jeune entrepreneur.
Borel Teguia continue de rêver grand: l’entrepreneur souhaite se démarquer, et démontrer qu’il est encore possible d’y croire dans un contexte local où les innovations technologiques naissent et meurent au quotidien, faute de financement ou d’encadrement. Pour y parvenir, son challenge actuel est de réaliser cette levée de fonds de 500 millions de FCFA.
*Organisation terroriste interdite en Russie