Après l'adoption de sanctions contre le Venezuela, Washington a perdu sa source principale de pétrole lourd et a dû se tourner vers Moscou, écrit le site de la chaîne RT. En parallèle, les États-Unis ont commencé à réduire les achats d'hydrocarbures à l'un de leurs principaux partenaires énergétiques: l'Arabie saoudite.
Les fournitures ont chuté jusqu'à leur minimum depuis 32 ans. Selon les experts, par ses actions la partie américaine tente de manipuler les cours pétroliers et de faire pression sur les pays du Moyen-Orient.
Depuis le début de l'année, les États-Unis ont augmenté de manière record leurs importations de pétrole et de produits pétroliers russes, comme en témoignent les statistiques de l'Agence d'information sur l'énergie (EIA) américaine. Entre janvier et mai, les livraisons d'hydrocarbures russes aux USA ont pratiquement doublé pour atteindre 17,43 millions de barils, un record depuis août 2013.
Anton Polatovitch, analyste de la société BKS Broker, a indiqué que dans l'ensemble, les actions de Washington sur le marché énergétique s'expliquaient bien par des facteurs géopolitiques. Ainsi, après les sanctions contre le Venezuela, les États-Unis se sont privés de la possibilité d'acheter du pétrole lourd en grande quantité. Ils ont également dû recourir à l'aide de Moscou afin d'assurer le fonctionnement de leurs raffineries, indique l'expert.
En janvier, Washington a décrété des restrictions contre la plus grande compagnie pétrolière vénézuélienne, PDVSA. Au total, les Américains ont bloqué 7 milliards de dollars d'actifs de la compagnie, et d'ici la fin de l'année le manque à gagner de la PDVSA devrait atteindre 11 milliards de dollars. Depuis fin mai, les USA ont entièrement cessé leurs achats de pétrole à Caracas.
«Une partie des raffineries américaines orientées sur le pétrole vénézuélien à haute teneur en soufre sont restées sans matière première après les actions du gouvernement américain. Afin de compenser les pertes d'immobilisation, il a été décidé d'acheter du pétrole russe Urals aux caractéristiques similaires, ce qui a entraîné une hausse des importations pétrolières russes aux États-Unis», a expliqué Evgueni Oudilov, chef du département de l'éducation à l'institut de trading et d'investissements Feniks.
Les analystes expliquent la nécessité des importations de Russie par le fait que le pétrole de schiste extrait aux USA est léger et ne convient pas pour la fabrication de certains types de carburants et produits chimiques. Ainsi, d'après Dmitri Inogorodski, expert du Centre financier international, l'hydrocarbure lourd permet d'obtenir du mazout, du bitume et d'autres substances nécessaires pour le macadam, les pneus ou pour chauffer des locaux industriels.
Selon Anton Pokatovitch, les États-Unis ne peuvent pas mettre en place rapidement leur propre production d'hydrocarbures lourds. Par conséquent, les importations de pétrole russe aux USA pourraient encore augmenter dans les années à venir.
«Selon nous, d'ici deux ans les USA ne pourront pas renoncer aux importations de pétrole lourd car le rééquipement des raffineries nécessite beaucoup de temps et de moyens», ajoute l'analyste.
L'Opep sur la touche
Curieusement, parallèlement à l'augmentation des achats à la Russie, les États-Unis réduisent d'une manière sans précédent leurs importations pétrolières en provenance d'Arabie saoudite - l'un des principaux partenaires de Washington sur le marché énergétique mondial. Selon l'EIA, entre janvier et mai les fournitures ont été divisées par deux, jusqu'à 452.000 barils par jour - du jamais vu depuis l'été 1987.
Qui plus est, entre janvier et mai 2019 les importations pétrolières américaines de l'Opep s'élevaient en moyenne à 56 millions de barils par mois, soit l'indice le plus bas depuis 26 ans, indique l'EIA.
D'après Anton Pokatovitch, si les États-Unis sont contraints de compenser l'absence de pétrole vénézuélien par les achats à la Russie, Washington peut déjà remplacer les matières premières des États du Moyen-Orient par sa propre production.
«Un tel changement de la structure des importations pétrolières américaines est devenu possible parce qu'en grande partie, le pétrole saoudien n'est plus technologiquement irremplaçable pour les USA - contrairement aux hydrocarbures lourds produits au Venezuela», explique l'expert.
En parallèle, la réduction des achats pétroliers américains auprès de l'Opep s'explique, d'après les analystes, par la chute de la production au sein même du cartel. Rappelons que dans le but d'équilibrer le marché mondial des hydrocarbures, les membres du pacte sur la limitation de la production (Opep+) sont convenus à partir du 1er janvier de réduire la production pétrolière de 1,2 million de barils par jour par rapport à octobre 2018.
Selon l'Opep, au premier semestre 2019 les membres du cartel ont réduit la production pétrolière de presque 1,8 million de barils par jour jusqu'à un total quotidien de 29,83 millions de barils.
Comme l'a expliqué l'analyste financière de FinIst Irina Lanis, les actions de l'Opep visant à équilibrer le marché entraînent une hausse du prix des hydrocarbures dans le monde. En même temps, selon l'experte, en renonçant au pétrole du Moyen-Orient les USA réduisent artificiellement la demande mondiale en hydrocarbures pour faire baisser le cours pétrolier et manipulent ainsi les prix.
Dmitri Ingorodski pense qu'en agissant ainsi Washington tente d'exercer une pression politique sur les pays de la région.
«En cas de négociations sur les différentes questions, les États-Unis pourraient utiliser l'argument de la reprise des achats pétroliers à l'Arabie saoudite ou à d'autres pays de la région en échange de certaines préférences», précise l'expert.
Dans le même temps, selon les analystes, suite aux agissements américains l'Arabie saoudite a déjà commencé à réorienter ses exportations vers l'Asie. Selon les dernières informations de l'EIA, en mars Riyad fournissait à Pékin près de 1,7 million de barils par jour - un record depuis 2004.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.