«Ma permanence sera toujours ouverte à celles et ceux qui veulent dialoguer. Les tags qui y ont été inscrits s’ajoutent à une série trop longue de lieux de démocratie endommagés. Je le déplore et continue d’avancer.»
Et de 14. La permanence de Stanislas Guerini, délégué général de La République en Marche (LREM) et député de la 3ecirconscription de Paris a subi un relooking façon «opposants au gouvernement». D’après BFMTV, c’est une patrouille de la police qui l’a constaté aux alentours d’une heure du matin dans la nuit du 31 juillet au 1er août. Des inscriptions hostiles au CETA, l’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Canada, ainsi qu’à la police, ont été retrouvées.
Ma permanence sera toujours ouverte à celles et ceux qui veulent dialoguer.
— Stanislas Guerini (@StanGuerini) August 1, 2019
Les tags qui y ont été inscrits s'ajoutent à une série trop longue de lieux de démocratie endommagés. Je le déplore et continue d'avancer.
Avant le patron de LREM, c’est Cécile Rihac, députée de la troisième circonscription du Val-d’Oise, qui a dégainé son clavier pour tweeter son indignation:
«Le mur de ma permanence dégradée, merci les Gilets jaunes, car ce mur est celui des commerçants qui sont dans les mêmes locaux, la fenêtre taguée donne sur leurs locaux. Qui sont les moutons? Autant de bêtises me consternent. Nous LREM ne céderont à aucune menace.»
Dans la nuit du 30 au 31 juillet, sa permanence a été vandalisée. Dans le même temps, c’est celle de son collègue Guillaume Vuilletet qui été taguée à Méry-sur-Oise. «CETA vomir», «LREMERDE» ou encore «ACAB» («All cops are bastards», tous les flics sont des salauds) ont été inscrits à la peinture noire sur la façade des bâtiments.
Le mur de ma permanence dégradée, merci les #GiletsJaunes car ce mur est celui des commerçants qui sont dans les mêmes locaux, la fenêtre taguée donne sur leurs locaux.Qui sont les moutons? Autant de bêtises me consternent. Nous @LaREM_AN ne céderont à aucune menace #démocratie pic.twitter.com/2UNn8eeSBD
— Cécile RILHAC (@Cecile_Rilhac) July 31, 2019
Le 31 juillet dans l’après-midi, les locaux de Fiona Lazaar, à Argenteuil, ont subi un traitement similaire. Depuis le vote du très controversé CETA, très critiqué pour le danger qu’il représenterait pour l’agriculture française, des députés LREM ayant voté en faveur du texte ou s’étant abstenus sont pris pour cible par des agriculteurs et des opposants au gouvernement en colère.
Tentative d’incendie criminel
Les députés Barbara Bessot-Ballot, élue de Haute-Saône ainsi que son collègue de la Creuse Jean-Baptiste Moreau ont ainsi vu leurs permanences… emmurées. Rémy Rebeyrotte (Saône-et-Loire), Alexandre Freschi (Lot-et-Garonne), Michel Lauzzana (Lot-et-Garonne) ou encore Olivier Damaisin (Lot-et-Garonne) ont également vu leurs locaux attaqués.
Quelle violence !
— Jade Bekhti🇫🇷 (@Jade_Bekhti) July 27, 2019
Le député était présent dans la permanence au moment des faits.
Toutes les vitres de la permanence ont été détruites, un début d'incendie a été déclenché à l'intérieur du local, le feu a été mis à une chaise de bureau.
https://t.co/05iUm8Xs45
Le 28 juillet à Perpignan, des manifestants, dont certains cagoulés, avaient pris d’assaut la permanence où se trouvait le député LREM Romain Grau. Des vitres avaient été brisées et les assaillants avaient tenté de mettre le feu au local. Un événement qualifié d’«attentat» par Christophe Castaner lors d’une visite dans la ville le 31 juillet:
«Le principe de l’attentat, c’est de préparer l’acte. Là, on a des gens qui sont venus avec des bidons d’essence. Ils s’étaient équipés et ont tenté notamment d’attenter à la vie d’un parlementaire présent dans la permanence.»
La situation inquiète au sein de la majorité et au-delà. Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, a appelé le 30 juillet à «apaiser le débat». «Chaque fois qu’on s’attaque à des élus, physiquement ou via leurs permanences, quelle que soit leur couleur politique, c’est la démocratie qu’on veut affaiblir», a pour sa part déclaré le président du Sénat, Gérard Larcher. Le président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Gilles Le Gendre, s’est quant à lui adressé à Christiane Lambert, de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), ainsi qu’à Samuel Vandaele des Jeunes Agriculteurs:
«Je n’obtiendrai pas de désaveu public de ces pratiques par les responsables des deux organisations. En revanche, j’ai entendu leurs promesses de plaider pour l’apaisement et de calmer leurs troupes», a expliqué le député de Paris.
«Nous sommes en train de nous habituer à l’intolérable», se sont quant à eux alarmés 20 députés bretons de la majorité dans une tribune publiée le 30 juillet sur Franceinfo. «Nous ne laisserons pas se développer la haine sur Internet et dans la société [...]. Il ne sera jamais toléré que la violence et la destruction se substituent au dialogue et à la démocratie», ont averti ces derniers. Wallerand de Saint-Just, trésorier du Rassemblement national, a également fait part de son désaccord avec de telles méthodes: «Un responsable politique se doit d’appeler à ce qu’il n’y ait aucun acte de violence de ce genre, surtout au détriment d’élus de la République.»
Seule fausse note dans le concert d’indignation sans réserve: Alexis Corbière. Le député de la France insoumise a appelé à comprendre la colère des agriculteurs:
«Je ne suis pas favorable aux violences, il ne faut pas attaquer des permanences d’élus, j’ai même vu des tentatives de début d’incendie, tout ça est irresponsable», a-t-il d’abord lancé sur Franceinfo, avant de poursuivre: «maintenant, les gens que vous décrivez [des jeunes agriculteurs qui ont revendiqué un certain nombre d’actions dans le Lot-et-Garonne, ndlr], même s’ils ont fait des choses que je condamne, ce ne sont pas des délinquants. Pour quelle raison ces gens se sentent en danger dans leur profession? Il faut l’entendre ça, il ne faut pas leur répondre: circulez, il n’y a rien à voir!»
Selon Christophe Bellon, spécialiste de l’histoire politique et chercheur à Sciences Po, le parlementaire est aujourd’hui «immédiatement identifié comme un proche du pouvoir exécutif»:
«Ce changement de statut, pour ceux qui s’en prennent aux permanences, permet de comprendre que la crise d’antiparlementarisme que nous vivons aujourd’hui est quand même à un degré différent de celles que l’on a connues dans le passé. C’est une violence d’autant plus difficile à comprendre qu’il n’y a pas vraiment de piste de solution à lui apporter. On a vraiment identifié dans ces députés de la majorité les représentants du Président de la République et du gouvernement. Surtout, ils représentent la majorité, ce sont eux qui font les lois. Alors qu’au Sénat, c’est l’opposition qui domine.»
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire récente que des locaux de responsables politiques ont sont vandalisés. Lors de l’entre-deux-tours de la présidentielle en 2012, des locaux appartenant à des membres des deux partis présents au deuxième tour, à savoir l’UMP et le PS, avaient subi des dégradations. Sally Chadjaa, candidate UMP aux législatives, avait dénoncé à l’époque une «tentative de déstabilisation à l’égard de l’UMP et du Président-candidat, Nicolas Sarkozy». Les fenêtres de la permanence du parti de l’ancien Président de la République à La Rochelle avaient été repeintes en rose.
Une nouvelle permanence LREM vandalisée, en Ariège cette fois > https://t.co/MQpaIdPSpx pic.twitter.com/Jrsa7E76ap
— Le Parisien (@le_Parisien) July 30, 2019
D’après Christophe Bellon, «il y a toujours eu un antiparlementarisme en France, mais qui se manifestait de manière globale». Aujourd’hui, il voit une gradation dans la violence:
«On s’en prenait à la démocratie parlementaire, à la chambre bavarde... On a connu par le passé des dégradations de permanences électorales [...], mais aujourd’hui, on s’en prend directement à la personne du député, avec des procédés comme l’emmurage, des envois de menaces par courrier... des éléments de violence assez fort.»
Même si selon lui, des exemples remontent à bien plus loin: «On a connu ce type de fonctionnement dans des Républiques plus anciennes comme la IIIe où l’antiparlementarisme était vraiment très fort. Où, notamment à la suite de violences viticoles ou plus largement issues du monde agricole, on s’en prenait directement au parlementaire quand il revenait dans sa circonscription.»
#LREM La permanence du député LREM des Deux-Sèvres Jean-Marie Fiévet a été dégradée la nuit dernière. Deux tags "Tu nous mets le bec dans l'eau" et "mort de l'élevage" ont été inscrits sur le bâtiment. C'est la deuxième fois que ... https://t.co/MVG5KXZUYc via @franceinfo
— infos non stop (@ActusNonStop) August 1, 2019
Nous sommes à l’été 2019 et le ministère de l’Intérieur a demandé une vigilance particulière pour les domiciles et permanences des parlementaires. Le week-end du 2 août est notamment à risque. Des patrouilles mobiles seront mises en place. Une atmosphère déjà pesante alors que la rentrée s’annonce explosive.