Les présages du naufrage économique sont de plus en plus nombreux, et les prévisions apocalyptiques ne paraissent plus si incroyables qu'auparavant. Telles sont les récentes conclusions de l'Agence russe de notation analytique ACRA, indique le quotidien Vzgliad.
Le cycle économique actuel toucherait à sa fin et serait inéluctablement suivi d'une récession mondiale. Cette bombe pourrait exploser n'importe où. La tension dans le commerce mondial pourrait dégénérer en déclin économique d'ici la fin de l'année, prédit l'ACRA.
«La faible probabilité d'un règlement rapide de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, ainsi que le risque d'une restriction par les USA du commerce avec le Mexique et d'autres pays indiquent que les tendances cycliques négatives observées dans l'économie américaine depuis le début de l'année pourraient entraîner la stagnation ou la récession dans certains pays développés en 2019-2020», stipule une étude de l'agence.
Les marchés financiers mondiaux sont également menacés par les changements climatiques, s'inquiète le commissaire de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), Rostin Behnam. Rien qu'en 2018, les catastrophes naturelles ont entraîné un préjudice de 160 milliards de dollars. Et suite aux changements climatiques les inondations qui dévastent les exploitations agricoles américaines pourraient se faire plus nombreuses.
Les tempêtes, les sécheresses, les incendies de forêt et d'autres catastrophes naturelles conduisent à la faillite de nombreuses entreprises et ruinent les particuliers qui en sont victimes. Les banques ne reçoivent pas les remboursements des prêts accordés, et les compagnies d'assurances font faillite suite au paiement de réparations insurmontables. Le secteur énergétique pourrait être touché également car les estimations des réserves pourraient s'avérer exagérées, et une grande partie de ces ressources n'être jamais extraite. Le coût gonflé des compagnies pétrolières et gazières s'effondrerait alors tout simplement.
Toutefois, les changements climatiques sont un processus relativement long. Tandis qu'il existe des prémisses claires au début d'une récession à court terme. Sachant que la future récession économique «sera la plus forte» et «entrera dans l'histoire», estime l'expert Doug Casey du groupe Casey Research.
Nouriel Roubini, professeur d'économie à l'université de New York, a déterminé il y a un an avec son collègue Brunello Rosa dix risques potentiels capables de provoquer une récession mondiale en 2020. Neuf de ces risques persistent à ce jour, a déclaré Nouriel Roubini, qui a été l'économiste en chef pour les questions internationales au Conseil des consultants économiques auprès du président américain, puis premier conseiller du vice-ministre des Finances.
Crainte du «cygne noir»
Dans l'ensemble, les économistes désignent plusieurs points du globe d'où un «cygne noir» pourrait surgir - un événement négatif inconnu dangereux précisément parce qu'il est impossible de s'y préparer. Le «cygne noir» entraîne un effondrement et une récession qui détruit l'économie d'un pays derrière l'autre comme un château de cartes.
Doug Casey est convaincu que l'économie américaine est un château de cartes susceptible de s'écrouler sous un coup de vent, tout en sachant qu'un tsunami approche. De nombreux économistes tirent la sonnette d'alarme. Les craintes sont suscitées avant tout par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui entraîne un remaniement des marchés mondiaux.
L'approfondissement de la confrontation conduira au ralentissement de l'économie mondiale, à la baisse de la demande en hydrocarbures, à des problèmes dans le secteur bancaire et, au final, à un effondrement global. Les experts de l'ACRA pensent que la guerre commerciale provoquera une baisse de l'économie américaine de 0,7% dès 2020.
Un autre signe de la crise en approche aux États-Unis est l'inversion de la courbe des rendements: c'est une situation inhabituelle, quand le rendement sur les obligations à long terme descend en-dessous du rendement des actifs à court terme.
Ce phénomène est considéré comme l'un des présages les plus précis d'une crise économique imminente dans le pays. Du moins, c'est ce qu'indiquent les statistiques historiques des 50 dernières années. Dans six cas similaires, une telle inversion aux États-Unis a été suivie d'une crise. Toutefois, cela n'arrivait pas immédiatement: en moyenne la récession commençait 311 jours plus tard, c'est-à-dire dans environ un an dans le cas présent. Ce fut notamment le cas en 1990, en 2001 et en 2008.
La seule chose qui puisse aider les États-Unis est le retour de la Réserve fédérale (Fed) à la baisse du taux directeur, ce qui devrait se produire cette semaine.
«Si cela arrivait, la récession aux USA serait moins plausible», écrit l'économiste en chef de Gavekal Dragonomics, Anatole Kaletsky, dans un article sur le site Project Syndicate. L'été dernier, Nouriel Roubini a qualifié la hausse du taux par la Fed de l'un des dix risques pour l'économie mondiale. Et c'est précisément le risque qui s'était dissipé cet été parce que la Fed avait soudainement décidé d'assouplir sa politique.
Le danger réside également dans les actions du président américain, par exemple envers l'Iran. Dans le but d'améliorer sa popularité, Donald Trump pourrait organiser une véritable crise en politique étrangère en provoquant un choc pétrolier, qui entraînerait sans aucun doute le monde dans l'abîme de la crise.
A présent, c'est l'Iran coincé dans les étaux des nouvelles sanctions américaines, qui représente un point de tension, même si la Chine continue d'ignorer ces mesures et achète du pétrole iranien. Donald Trump a récemment déclaré que les États-Unis pourraient lancer une guerre contre l'Iran à cause de l'arme nucléaire. Il reste à espérer que le bon sens lui dictera de ne pas mener la situation jusqu'au conflit armé. L'Iran contrôle le détroit d'Ormuz où transite une grande partie du pétrole mondial.
N'ayant plus rien à perdre, Téhéran bloquerait ce détroit et la pénurie pétrolière tuerait de nombreuses économies. D'ailleurs, l'Iran joue déjà avec les nerfs de ses adversaires: il a récemment arrêté un navire britannique. A leur tour, les États-Unis comptent créer une coalition de différents pays pour patrouiller dans le détroit d'Ormuz, a déclaré le secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Le malheur pourrait également venir de Chine
La guerre commerciale et technologique contre les USA est un autre risque susceptible de provoquer une récession en 2020, estime Nouriel Roubini. Si les États-Unis décrétaient des sanctions sur 300 milliards de dollars d'exportations et interdisaient à Huawei et à d'autres compagnies chinoises d'utiliser des composantes américaines, Pékin riposterait également avec des mesures extrêmes. Par exemple, il priverait les compagnies américaines des terres rares, nécessaires notamment dans la défense, ou fermerait son marché aux multinationales américaines comme Apple. Ce serait un choc insurmontable pour les marchés. L'escalade de cette guerre pousserait le monde dans la récession, et ce indépendamment des actions des plus grandes banques centrales, pense l'expert.
Même les déclarations selon lesquelles les parties auraient enfin trouvé un accord n'ont pas conduit à l'amélioration des relations commerciales.
«Les deux pays dérivent dans des directions opposées, c'est pourquoi la marge de compromis se réduit; et le risque d'une récession mondiale et d'une crise dans l'économie mondiale, dont l'état est déjà jugé fragile, grandit», indique Nouriel Roubini.
Les économistes sont préoccupés par le ralentissement de la croissance économique chinoise. Ils craignent qu'à un moment donné, la Chine affiche un brusque ralentissement aux conséquences aussi imprévisibles que catastrophiques. Cela pourrait engendrer une forte chute des prix des matières premières, qui affecterait les pays exportateurs. D'un autre côté seront également touchés les pays développés qui vendaient activement leurs produits à la classe moyenne chinoise depuis dix ans.
En outre, force est de constater certaines disproportions de l'économie chinoise, notamment une surcharge de la dette aussi bien de l’État que des entreprises, particulièrement dans le secteur privé.
L'agence ACRA pense que si l'économie américaine plongeait dans la récession l'an prochain, la Chine afficherait la croissance la plus basse depuis 25 ans: seulement 4%.
La «contribution» de l'Europe
Toutefois, l'Europe pourrait également porter un coup dur à l'économie mondiale. Boris Johnson, connu pour sa position intransigeante, est aujourd'hui le Premier ministre au Royaume-Uni. Il prône le Brexit à tout prix, même sans accord avec l'UE. Les marchés sont effrayés par cette tournure des événements, et la monnaie européenne est devenue l'outsider du jour. En revanche, le prix de l'or a grimpé car les investisseurs, redoutant la tempête, s'enfuient dans ce havre de paix. Cela ne présage plus rien de bon pour l'euro, notamment si la BCE continuait à assouplir sa politique monétaire.
Anatole Kaletsky pense même que l'Europe représente une bien plus grande menace pour l'économie mondiale que celle qui émane des USA et de la Chine. Selon lui, l'Europe innocente sera la victime principale de la guerre commerciale américano-chinoise pour la même raison qu'elle a été touchée davantage lors de la crise de 2008 que les États-Unis où cette récession a démarré. Il pense que l'Europe prend de nouveau des décisions erronées en ayant choisi la politique d'austérité.
Tandis que les États-Unis et la Chine stimulent leurs économies afin de compenser les pertes sur les exportations, la Commission européenne force l'Italie à se serrer la ceinture, à réduire la dette publique et à augmenter les taxes, tandis que l'Allemagne réduit les investissements et reporte la baisse des impôts malgré un budget excédentaire simplement parce que l'excédent a été inférieur aux attentes.
Les banques européennes serrent la vis, ce qui entraîne une réduction des prêts. C'est la raison pour laquelle le FMI a revu ses prévisions pour 2019 et prévoit un plus grand ralentissement économique en Allemagne et, dans l'ensemble, dans la zone euro, alors que les prévisions pour la Chine et les USA n'ont pratiquement pas changé. Après 2008, cette politique a provoqué une longue phase post-crise en Europe, et cette situation pourrait se répéter. Toutefois, les experts de l'ACRA pensent que l'économie de l'UE ne plongera pas dans la récession (il n'y aura pas d'évolution négative des indicateurs), mais que l'économie restera prisonnière de la stagnation: le PIB augmentera de seulement 0,2%.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.