Sputnik a recueilli les témoignages d'anciens détenus, qui ont été confirmés par un ancien collaborateur du ministère ukrainien de l'Intérieur, la Mission de surveillance pour les droits de l'homme en Ukraine de l'Onu et Amnesty International.
Kramatorsk
Alla et Vladimir Belooussov, couple d'Enakievo, ont déclaré à Sputnik qu'ils s'étaient retrouvés entre les mains du SBU et avaient passé un certain temps à l'aéroport de Kramatorsk.
Ils y ont été brutalisés, et les gardiens voulaient organiser le viol d'Alla Belooussova par un autre détenu, également habitant d'Enakievo, Konstantin Afontchenko, qui a parlé de l'usage d'une tronçonneuse pendant la torture. Selon lui, à Kramatorsk on pratiquait l'envoi de détenus dans des champs de mines.
Konstantin Afontchenko a également déclaré avoir identifié par la suite sur les photos l'activiste du Maïdan Vsevolod Stebliouk et le futur député du parlement ukrainien Andreï Teterouk comme deux de ses tortionnaires.
L'ancien détenu de la prison secrète de l'aéroport de Marioupol Kirill Filitchkine a déclaré dans une interview à RIA Novosti que les actuels députés ukrainiens Oleg Liachko et Igor Mossiitchouk l'avaient personnellement interrogé, et que le dernier l'avait même torturé.
Krasnoarmeisk
Une autre prison secrète pourrait exister encore aujourd'hui dans la ville de Pokrovsk (anciennement Krasnoarmeisk), à l'usine de transport automobile 11-411 à l'adresse 7, Dneprovskaïa, a déclaré l'ancien détenu de cette prison Sergueï Babitch, arrêté le 25 mars 2015 - un communiqué de presse a été publié à ce sujet sur le site officiel du SBU.
Le protocole d'interpellation n'a été rédigé que le 31 mars. A son admission en détention provisoire, les médecins ont constaté de nombreux hématomes sur son corps, ce qu'une attestation confirme.
«Sur le territoire contrôlé par le gouvernement, la pratique de détention arbitraire ou sans contact avec le monde extérieur était largement répandue en 2014, 2015 et 2016, alors qu'en 2017 et 2018 nous n'avons recensé que quelques cas», a déclaré à Sputnik Fiona Frazer, chef de la Mission de surveillance pour les droits de l'homme en Ukraine de l'Onu.
Kharkov
D'après la mission, la prison où des personnes étaient illégalement détenues se trouvait au SBU de Kharkov, l'Onu a établi les noms de 184 personnes qui, selon la mission, ont été illégalement détenues dans les locaux du SBU de Kharkov entre 2014 et 2016.
Les informations sur la prison du SBU à Kharkov sont confirmées à Sputnik par la représentante d'Amnesty International en Ukraine Maria Gourieva.
Rendre les détenus plus conciliants
Le SBU entraînait des nationalistes radicaux et des policiers ukrainiens à chercher dans le Donbass des partisans de la DNR (République populaire autoproclamée de Donetsk) et des informateurs potentiels, a déclaré à Sputnik un ex-enquêteur du district de Mariinski de la région de Donetsk du ministère ukrainien de l'Intérieur. Il a demandé de cacher son nom par crainte pour sa vie.
D'après lui, les responsables du groupe opérationnel du SBU chargeaient les policiers de faire la ronde des maisons et des quartiers du secteur résidentiel de la ville et du quartier pour identifier les personnes qui avaient participé à l'activité des unités militaires de la DNR et au référendum du 11 mai 2014.
De plus, selon lui, le but consistait à chercher les chauffeurs de taxi et les fermiers de Donetsk qui partaient du côté ukrainien pour vendre, par exemple, leurs récoltes, et étaient «prêts à recueillir des informations sur le territoire de la DNR pour des convictions politiques pro-ukrainiennes ou des raisons mercantiles». Hormis les informations, on extorquait de l'argent aux fermiers simplement sous prétexte qu'ils «finançaient des terroristes».
«Sur ordre des agents du groupe opérationnel du SBU, les «chauffeurs» faisaient d'abord un passage dans les bataillons volontaires avec le groupe opérationnel du SBU», précise l'ex-collaborateur du ministère ukrainien de l'Intérieur.
Selon lui, les bataillons volontaires comme «Azov» (groupuscule ukrainien d'extrême-droite, dont nombre de ses leaders et membres font l'objet d'affaires pénales en Russie) devaient «traiter» les détenus pour les rendre plus conciliants.