Les Américains promettent à Riyad des «sanctions pacifiques»

© AFP 2023 Nicholas KammDonald Trump avec le vice-prince héritier du trône saoudien Mohammed ben Salmane
Donald Trump avec le vice-prince héritier du trône saoudien Mohammed ben Salmane - Sputnik Afrique
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Les mesures de défense des droits de l’homme adoptées à Washington ne devraient pas nuire aux relations militaires entre les États-Unis et l’Arabie saoudite.

La Chambre des représentants du Congrès américain a soutenu les mesures visant à combattre les violations des droits de l’homme en Arabie saoudite, qui consistent en des sanctions contre les personnes impliquées dans le meurtre du journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi, et en une condamnation des autorités du royaume en raison de l’interpellation des défenseurs des droits de l’homme. Un projet de loi similaire a déjà été élaboré au Sénat, écrit le quotidien Kommersant.

En même temps, les législateurs américains font tout leur possible pour ne pas nuire à la coopération stratégique entre Washington et Riyad, notamment dans le domaine militaire. Le fait est que des mesures trop sévères pourraient pousser le royaume à intensifier ses relations avec la Russie et la Chine.

La Chambre des représentants a adopté la loi «Sur la responsabilité et les droits de l’homme en Arabie saoudite» proposée par le congressiste démocrate Tom Malinowski. Les législateurs ont voté à l'unanimité pour la condamnation des interpellations et des tortures visant les femmes militantes des droits de l’homme en Arabie saoudite, et la majorité (405 contre 7) a soutenu l’initiative de Tom Malinowski visant à obliger le directeur du renseignement national à établir et à publier une liste des responsables du meurtre du journaliste saoudien du Washington Post, Jamal Khashoggi.     

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Le texte de loi fixe des exigences concernant la transparence de l’enquête et suggère d’interdire aux coupables l’entrée sur le territoire américain.

Des mesures similaires pourraient être adoptées contre les fonctionnaires responsables de violations des droits de l’homme sur le territoire du royaume. Qui plus est, Riyad est appelé à libérer tous les défenseurs des droits de l’homme, les blogueurs et les journalistes interpellés. La famille royale n’a pas été mentionnée.

Affaire de 14 militantes

L’Arabie saoudite a lancé en mai 2018 le procès de 14 militantes des droits de l’homme saoudiennes, accusées de violer la loi sur la cybercriminalité, de saboter la sécurité du royaume et de recevoir un financement étranger. Toutes ces femmes sont connues pour leur activité de défense des droits de l’homme. Les premières audiences ont eu lieu en mars dernier, mais le procès a été suspendu un mois après à cause de «circonstances personnelles» du juge. Selon les informations du Guardian, près de 60 défenseurs des droits de l’homme auraient été arrêtés ces derniers temps en Arabie saoudite.

On ne constate non plus aucun progrès réel dans l’affaire Khashoggi, journaliste tué le 2 octobre 2018 sur le territoire du consulat général d’Arabie saoudite à Istanbul. Sous la pression internationale, Riyad a reconnu le meurtre survenu suite à une altercation. Les autorités saoudiennes ont ouvert une enquête pénale et arrêté 21 personnes, dont 11 ont déjà été accusées d’implication dans le meurtre et cinq pourraient être condamnées à la peine capitale.

Enquêtes

Agnès Callamard, rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de l’Onu, a présenté fin juin son rapport sur l'assassinat et a proposé d’introduire sur sa base des sanctions contre les autorités saoudiennes, notamment contre le prince héritier Mohammed ben Salmane. Elle a également suggéré de mener une enquête sous le contrôle de l’Onu, mais les pays membres de l'organisation n’ont formulé aucune réaction officielle - ni à son rapport ni à sa proposition.

Dès le début, l’affaire Khashoggi a divisé l’establishment politique américain. Les opposants à Donald Trump ont profité de la situation pour condamner la politique étrangère de l’administration actuelle, qui avait misé sur une coopération active avec Riyad. A la fin de l’année dernière déjà, le Congrès américain s’était prononcé pour la suspension de la coopération entre Riyad et Washington. Le Président Trump avait cependant estimé que cela serait dangereux pour l’économie américaine, et avait souligné qu’une éventuelle rupture des rapports avec Riyad pourrait intensifier la coopération militaire des Saoudiens avec les Russes et les Chinois.

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Quid des sanctions?

La tentative du Congrès de mettre fin à l’aide américaine fournie à la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis contre les Houthis au Yémen a également échoué. Donald Trump a mis son veto sur cette résolution et a même utilisé ses droits extraordinaires permettant de se passer de l’approbation des parlementaires afin de signer de nouveaux contrats avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Les congressistes continuent cependant leur combat dans ce domaine et élaborent de nouvelles options pour faire cesser le soutien américain à la guerre au Yémen.

Ainsi, à la fin de la semaine dernière, la Chambre des représentants a de nouveau voté contre l’utilisation, par l’administration Trump, de son droit extraordinaire afin de transmettre des munitions à l’Arabie saoudite.

Selon le New York Times, cette question s'inscrit dans le cadre de la lutte pour l’adoption du budget militaire 2020 (733 milliards de dollars).

Dossier Yémen

L’amendement concernant le Yémen dans le projet de budget comprenait les propositions du congressiste Tom Malinowski.

«Cela ne mettra pas fin à nos relations avec l’Arabie saoudite dans le domaine de la sécurité. Cela ne nous empêchera pas d’aider les Saoudiens à se protéger contre les Houthis, les Iraniens ou n’importe qui d’autre. Cela ne nous empêchera pas de coopérer avec eux dans la lutte contre les menaces maritimes dans le Golfe et d’échanger des renseignements concernant le terrorisme. Autrement dit, cela ne nous empêchera pas de faire tout ce qui répond aux intérêts de la sécurité nationale de l’Amérique», a-t-il dit au cours des auditions à la Chambre des représentants.

La loi sur les droits de l’homme adoptée quelques jours après à l’initiative de Tom Malinowski est également très complaisante par rapport aux autorités du royaume, si l’on compare les sanctions prévues aux propositions d’Agnès Callamard.

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Un projet de loi similaire sur les violations des droits de l’homme en Arabie saoudite et la catastrophe humanitaire au Yémen a été rédigé au Sénat américain à l’initiative du républicain Jim Risch, chef du comité des affaires étrangères. Il prévoit des limitations à l’octroi de visas aux représentants du pouvoir saoudien et à l’utilisation de leurs biens sur le territoire américain, mais ne touche pas au roi Salmane ou au prince héritier. Dans tous les cas, Mohammed ben Salmane a reçu son lot de critiques.

«Le prince héritier a souvent recouru à des actions irresponsables, y compris à des interpellations de personnes qui se prononçaient contre son règne», indique le projet de loi. Il est souligné que cela pourrait «nuire considérablement aux relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite».

Le projet de Jim Risch ne prévoit pas non plus d’interdiction de ventes d’armes à Riyad, bien que les démocrates insistent sur cette mesure.

Jim Risch est absolument d’accord avec Donald Trump en ce qui concerne l’intensification de la coopération de l’Arabie saoudite avec la Russie et la Chine en cas de cessation des livraisons américaines. «C’est une tentative honnête de rédiger un projet de texte qui pourrait être adopté et devenir une loi», a-t-il annoncé à la presse en espérant que cette version pourrait être signée par le Président.

Dans tous les cas, la tentative entreprise en 2018 par le Congrès de forcer les autorités américaines à rédiger un rapport sur l’affaire Khashoggi et de faire attention aux violations des droits de l’homme en Arabie saoudite n’a donné aucun résultat concret, et n’a en rien influé sur les relations entre Riyad et Washington.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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