Une nouvelle formule de prédiction des séismes semble être établie par Samvel Akopian, directeur général du Centre international d’observation globale et directeur de recherche du Centre de coordination et de prévision de l’Institut de la physique de la Terre de l’Académie des sciences de Russie. Il affirme qu’il a réussi également à créer la technologie nécessaire.
Récemment le scientifique a l'a présentée à Madrid avec Guerman Lalaian, président de la Fondation pour la réduction des risques naturels et écologiques LGG. Dans l'interview accordée à Sputnik les chercheurs expliquent leur nouvelle méthode de prévision des séismes.
- M. Akopian, la Californie a récemment subi deux séismes puissants: il s’agit d’une zone sismique dangereuse. Peut-on s’attendre à un tremblement de terre encore plus puissant et plus destructeur dans cette région?
- Les cartes américaines d’activité sismique n’avaient pas marqué la zone des tremblements de terre récents comme étant potentiellement dangereuse, malgré le fait que les spécialistes s'attendaient à une activité sismique en Californie. La possibilité d’un séisme de magnitude 6 ou plus dans cette région était évaluée à 1%. Les deux secousses - de magnitude 6,4 et 7,1 - ont eu lieu au sein du grand système sismique de Los Angeles, près de la ville de Ridgecrest à une profondeur de 10 km. Pas dans la faille de San Andreas, mais dans une fissure à l’est. On n’avait jamais enregistré aucun séisme fort dans cette zone. Qui plus est, ce n’est pas la fin mais le début de l’activité sismique en Californie.
Ces tremblements de terre ont changé la situation sismique et imposent de réévaluer les lieux et les dates présumés de secousses fortes. La faille de San Andreas, où les sismologues américains attendent depuis longtemps un séisme plus fort, a été fermée. C’est pourquoi, le séisme migre vers une autre, la faille Ventura, qui passe par le nord de Los Angeles vers Santa Barbara. Il s’agira d’une secousse de magnitude de 7,8 à 7,9, de mécanisme vertical, qui se produira sous deux ans, d’ici juin 2021.
- Où doit-on également s'attendre à des séismes?
- Tout le monde a entendu parler du séisme du 1er novembre 1755 à Lisbonne, qui s’est produit dans l'océan Atlantique à 150 km au sud-ouest du littoral portugais. Ce foyer a depuis accumulé de l’énergie, et nous attendons d’ici quatre ou cinq ans des tsunamis frappant le littoral espagnol - de Gibraltar au Portugal - et le sud-est du Portugal. Un autre foyer se trouve sur les Açores. Le littoral oriental de Taïwan sera également une zone dangereuse pendant les deux ou trois années à venir. En ce qui concerne les régions densément peuplées, il faut surtout mentionner le territoire de 150 km au sud-ouest de Pékin qui pourrait faire face à un séisme de magnitude 7.
- Est-il possible de faire des prévisions plus précises?
Les données concernant la faible activité sismique enregistrée dans le monde entier permettent d’observer et de prévoir la situation dans n’importe quelle région du monde. Nous utilisons un logiciel qui calcule de nouveaux paramètres que les sismologues ne prennent pas en considération. Il s’agit d’un nouvel abécédaire permettant de déchiffrer des informations invisibles à l’œil nu.
- De quels paramètres parlez-vous?
- L’un des nouveaux paramètres est l’énergie cumulative, le volume d’énergie émis pendant une certaine période. Aujourd’hui, on constate un volume qui pourrait augmenter demain. Le deuxième paramètre que nous avons introduit est l’entropie qui contient des informations non seulement sur l’énergie, mais aussi sur la position et le moment d’un séisme. Ces trois paramètres - les coordonnées, le temps et l’énergie - permettent de prévoir de nouvelles secousses. J’ai formulé une loi de l’entropie sismique permettant de choisir avec justesse un volume souterrain où il existe un lien entre les activités sismiques faibles et fortes, afin d’établir un état critique.
Par exemple, tout le Japon forme un système responsable du séisme de magnitude 9 de 2011. Les sismologues n’arrivent pas à définir si ce tremblement s’est préparé uniquement dans le nord-est de Honshu - ou se trouve Fukushima - ou a également impliqué le sud du Japon. Autre exemple: toute la Californie est une zone sismique dangereuse. Il existe là-bas une faille de 1 300 km qui va de la frontière mexicaine au sud jusqu’au Canada.
Les sismologiques américains ont prédit depuis dix ans plusieurs séismes à Los Angeles, mais leurs calculs se sont avérés erronés. Comment faut-il choisir le volume? Quels paramètres faut-il prendre en considération? Les Américains ont pris une autre voie. Ils ont installé des équipements très coûteux dans la faille, utilisent des lasers pour mesurer les déformations de la faille des deux côtés. La construction d’un tel système prend des dizaines d’années et coûte très cher. Mais ils n’arrivent toujours à établir s’il existe par exemple un lien entre deux failles. C’est pourquoi ils prédisent le danger dans plusieurs zones.
Ma technologie permet de réunir tout cela au sein d’un seul dispositif et de définir les régions dangereuses pendant une certaine période, ainsi que d’exclure le danger dans les autres. Nous sommes en mesure de réduire de nombre de secousses sur les cartes sismiques.
Les dernières cartes de prévisions, crées de 1993 à 1999, ont présenté le séisme de Haïti - qui a eu lieu en 2010 - comme une secousse de magnitude 6. Ce séisme a en réalité atteint la magnitude 9, voire 10: 220 000 personnes ont péri, et 2 millions se sont retrouvés dans la zone sinistrée. Autre exemple: on avait prédit un séisme de magnitude 5 ou 6 à la frontière irano-irakienne, mais le tremblement a atteint la magnitude 9 en 2017 . Autrement dit, toutes ces cartes sont défaillantes car elles se basent sur une théorie erronée qui analyse des blocs isolés.
Ma technologie permet de laisser 2% des zones réellement dangereuses parmi toutes les régions de risque présentées par ces cartes. Les sismologues jouent aux dames - j’ai inventé les échecs.
- Où utilise-t-on cette technologie?
- Je développe cette théorie depuis 30 ans. J’ai travaillé en Arménie, en Italie et aux États-Unis. Aujourd’hui, je travaille en Russie. On m’a invité en 2001 à l’Institut de la physique de la Terre qui établit les prévisions concernant tout le territoire russe sur la base de ma technologie. Le centre de coordination et de prévision de l’Institut, où je travaille, présente tous les trois mois un rapport sur toute le Russie au ministère des Situations d’urgence. On peut cependant utiliser cette technologie dans le monde entier. J’ai réussi à prédire le séisme au Japon en mars 2011, et celui à l’est de la Turquie en octobre 2011.
- Avez-vous commis des erreurs?
- Je n’établis des pronostics officiels que pour le territoire russe. Depuis 2011, nous avons prédit 11 séismes, notamment celui de Touva, le plus connu, qui s'est produit en décembre 2011. Je n’ai pas réussi à prédire la deuxième secousse, qui avait eu lieu deux mois après. Il reste des questions, par exemple celle des séismes doubles que j’étudie moi-même.
On a constaté dans le Kamtchatka des séismes faibles qui se dirigeaient de manière linéaire vers Petropavlovsk-Kamtchatski. Les séismologues locaux s’attendaient à un tremblement fort. Moi, j’ai prédit que si un séisme avait en effet lieu à Petropavlovsk-Kamtchatski, il se produirait à une profondeur de plus de 100 km - je peux contrôler les volumes jusqu’à 100 km. Le séisme a eu lieu en 2012 en mer d’Okhotsk à une profondeur de 600 km. Ses échos ont été enregistrés à Moscou, car plus profond est le séisme, plus importante est la sensibilité.
- Faut-il s’attendre à de puissants tremblements de terre en Russie dans un avenir proche?
- Ma technologie permet de dépister le déplacement de l’instabilité, qui migre actuellement du Caucase de l’Ouest vers Yalta en passant par Anapa. Ce mouvement pourrait atteindre la zone du séisme de Yalta de 1927 dans cinq ans.
On s’attend également d’ici deux ans à un séisme fort à la frontière entre les îles Aléoutiennes et l’arc du Kamtchatka, près de la localité d’Oust-Kamtchatsk.
Il existe enfin un foyer dans le sud du lac Baïkal, mais il est encore prématuré d'évoquer une date précise.
- Enregistre-t-on plus de séismes ces derniers temps? Leur caractère a-t-il changé?
- Non. On constate une croissance ou une chute de l’activité sismique, mais il n’existe aucune tendance notable.
- Quel est l’objectif de votre déplacement à Madrid?
- Nous voulons présenter notre technologie, expliquer qu’il est possible de prédire les séismes. Les scientifiques étrangers n’utilisent pas les paramètres que j’ai mentionnés. La présentation de Madrid a réuni des sismologues de toute l’Espagne.
- Ont-ils accepté votre théorie?
Guerman Lalaïan: L’attitude générale est qu’il s’agit d’une théorie unique et très intéressante. Ils n’ont cependant pas prétendu avoir tout compris, car cela prend du temps. Ils ont demandé d’établir des observations pour le territoire espagnol. Tout le monde estime qu’il est impossible de prédire quoi que ce soit. Cet élément psychologique existe en effet. Plus géniale est une pensée, plus difficile il est de l’accepter. Qui plus est, il n’y a aucun moyen d’annoncer à tout le monde l’existence de cette méthode.
Aujourd’hui, nous avons une loi formulée à l’aide de nouveaux paramètres physiques. Elle a été publiée, et il existe un logiciel qui prend en considération tous les événements et analyse les données. Il est cependant nécessaire de perfectionner ce logiciel au niveau de l’intelligence artificielle. Il est encore impossible de pousser un bouton pour obtenir tous les résultats concernant une région concrète. Pour qu’il soit possible d’afficher en ligne les résultats pour le monde entier, il est nécessaire d’avoir une équipe fiable. Pour le moment, nous disons tout simplement que cette technologie existe.
Nous voulons organiser une conférence similaire au niveau européen. Nous organiserons en septembre une conférence en Arménie où nous voudrions faire une déclaration officielle. Nous envisageons une session asiatique, suivie par une conférence internationale.
Samvel Akopian: Même si tu vois qu’une chose fonctionne bien, le plus compliqué est d’obtenir que les autres l’utilisent. Nous voulons que notre technologie soit utilisée, pour qu’il existe un bulletin sismique au même titre que pour la météo. Nous avons une technologie prête, qu’on peut déjà mettre en pratique et qui pourrait déjà sauver des vies dans certains cas. Un cinquième, voire un tiers des séismes, peuvent être prédits avec une précision de quelques jours.
- Que pensez-vous de la possibilité de créer une arme sismique? Est-il possible de provoquer un séisme «artificiel» et «ciblé» dans telle ou telle région du monde?
- Une arme sismique est possible, mais le niveau des connaissances actuel ne permet pas encore de la produire. Si l’on comprend le déroulement des processus naturels et leur aggravation jusqu’au niveau critique, on peut le transformer en arme. C'est notamment le cas du séisme de 1988 en Arménie. Il y a eu un facteur artificiel. L’Arménie se trouve dans la zone de la plaque arabique qui fait pression sur le Caucase et notamment sur l’Arménie. En 1980 a été lancé le réservoir de l'Akhourian à la frontière turco-arménienne. L’eau est l’élément le plus sensible de la croûte. Cela a donc provoqué un séisme. L’extraction du gaz de schiste augmente également l’activité sismique. Il s’agit d’une influence manifeste de l’homme sur les tremblements de terre.
On estimait qu’une explosion nucléaire pouvait provoquer un séisme. On a organisé un test à Semipalatinsk. La question principale est combien d’énergie peut-on transmettre dans le sol dur. On peut organiser une explosion nucléaire souterraine dont la puissance sera équivalente à l’énergie du séisme, mais seulement 2% ou 3% de cette énergie se manifestera sous la forme d’une activité sismique. Autrement dit, les destructions que nous observons pendant les séismes ne constituent que 1% ou 2% de l’énergie utilisée par la lithosphère dans cette secousse.