Le 21 juin, le monde apprenait qu’il avait frôlé le déclenchement d’un conflit majeur. La presse faisait état d’un projet de frappes américaines sur trois sites iraniens, annulé au dernier moment par Donald Trump. Quelques jours auparavant, les forces iraniennes avaient abattu un drone américain. Le conflit a été évité de justesse. Depuis, la situation reste tendue. Le 11 juillet, les États-Unis annonçaient vouloir former une «coalition» maritime internationale garantissant la liberté de navigation dans le Golfe. C’est le détroit d’Ormuz, par lequel transite près d’un tiers du pétrole brut mondial acheminé par voie maritime, qui est au cœur du sujet.
Alors que la construction de la Middle-East Strategic Alliance se fait poussive, le US souhaitent maintenant une coalition maritime internationale pour garantir la liberté de navigation dans le Golfe en s’appuyant sur la Veme flotte stationnée à Bahrain. #GCC #US #Iran #securite
— JPh.Berillon (@BerillonJph) 11 juillet 2019
En juin dernier, Washington avait rendu l’Iran responsable de l’attaque subie par deux pétroliers dans le détroit d’Ormuz. Depuis, d’autres incidents ont eu lieu. Le 11 juillet, un porte-parole du gouvernement britannique à Londres a indiqué que des navires iraniens avaient tenté le 10 juillet «d’empêcher le passage» d’un pétrolier britannique dans le fameux détroit stratégique. Des accusations balayées d’un revers de la main par Téhéran.
Entre-temps, l’Iran avait déclenché une polémique internationale en annonçant le 7 juillet reprendre l’enrichissement de son uranium à un taux dépassant la limite fixée par l’Accord de Vienne. Une décision très mal accueillie par Israël, sans parler des précédentes déclarations de Mojtaba Zonnour, président du comité nucléaire du parlement iranien, qui a assuré que l’État hébreu serait détruit en une demi-heure en cas d’attaque américaine sur l’Iran. Ces déclarations avaient déclenché l’ire de Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien n’avait pas tardé à répliquer et à avertir l’Iran que le pays était à portée des frappes israéliennes.
C’est dans ce contexte international tendu que Sputnik France a donné la parole à Bassam Tahhan, politologue franco-syrien. Selon lui, Washington fait tout pour créer une crise factice visant à vendre massivement des armes aux pays du Golfe. Il nous a livré son analyse.
Sputnik France: Va-t-on vers une guerre entre les États-Unis et l’Iran?
Bassam Tahhan: «Je pense que l’on n’aura pas de guerre. Toute cette pression a pour but de soutirer de l’argent aux pays du Golfe par le biais de vente d’armes. L’objectif est de faire croire que l’Iran est un pays terroriste, dangereux, belliqueux qui tente d’étendre son emprise au Moyen-Orient via les populations chiites. À mon sens, cette crise est factice. C’est l’administration Trump qui en est à l’origine. Faire tourner à plein régime le complexe militaro-industriel et vendre des armes fait partie de la stratégie globale des États-Unis. Trump a déjà vendu pour 450 milliards de dollars de contrats d’armement à l’Arabie saoudite, sans parler de ceux signés avec les Émirats arabes unis, le Koweït, etc. La région représente un immense marché de l’armement pour les Américains. Et Washington joue sa carte à fond. Et bien. Ils augmentent la pression sur l’Iran et couvrent le pays d’accusations infondées. Je rappelle que l’Iran n’a attaqué aucun pays arabe ces dernières années. Il a, au contraire, défendu la Syrie.»
Sputnik France: L’Iran a tout de même annoncé reprendre l’enrichissement de son uranium à un taux dépassant la limite fixée par l’accord de Vienne …
Bassam Tahhan: «L’Iran montre la confiance qu’il a dans son industrie militaire et ses capacités de défense. La situation géopolitique et géostratégique fait que l’Iran n’est pas en position de faiblesse, même si tout est fait pour le paralyser et l’étouffer économiquement. De plus, ce sont les États-Unis qui se sont retirés de l’accord sur le nucléaire iranien. Sans parler du fait que les Européens n’ont pas tenu leurs promesses. Plusieurs pays du Vieux Continent avaient annoncé leur intention de commercer avec l’Iran en toute indépendance vis-à-vis des États-Unis. Où en est-on aujourd’hui? Au point mort. L’Iran n’a donc plus d’autre choix que de se défendre et de hausser le ton pour faire face à la pression occidentale. C’est ce qui les a poussés à prendre la décision d’enrichir leur uranium au-delà de la limite l’accord de Vienne.»
Sputnik France: Mojtaba Zonnour, président du comité nucléaire du parlement iranien, a récemment déclaré qu’en cas d’attaque américaine sur l’Iran, Israël serait détruit en une demi-heure. Ce à quoi le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou n’a pas tardé à répondre en avertissant Téhéran que l’Iran se trouvait à portée des frappes israéliennes. L’escalade peut-elle dépasser les mots?
Bassam Tahhan: «Je ne crois pas. Les Iraniens ont assez de missiles et d’alliés dans la région pour détruire Israël. De son côté, Israël a la bombe atomique et pourrait s’attaquer à l’Iran et ses alliés avec le feu nucléaire. La difficulté pour Israël résiderait dans une première frappe qui devrait réduire à néant le Hezbollah, encore plus dangereux pour l’État hébreu, vu sa proximité géographique. Cette configuration me semble empêcher toute velléité de véritable conflit entre les deux parties. Cela serait une erreur israélo-américaine de penser pouvoir neutraliser complètement le cerveau de guerre iranien qui lui permettrait d’encaisser la première frappe et de riposter par un tir massif de missiles balistiques. Washington et Israël cherchent à savoir comment paralyser ce cerveau de guerre, notamment par des moyens cybernétiques. L’Iran en est conscient. J’ai pu parler avec plusieurs experts militaires qui m’ont expliqué que Téhéran faisait tout pour réduire au maximum la composante informatique dans le contrôle de son cerveau de guerre et de ses réponses militaires stratégiques. Plusieurs centres de commandements de missile offrent des plans B et C en cas de neutralisation électronique, avec des moyens directement actionnés par l’homme.»