Le bureau du délégué américain au Commerce Robert Lighthizer a suggéré d'élargir la liste des produits interdits à l'importation depuis l'UE, principalement de produits alimentaires, écrit le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Le bureau de Robert Lighthizer a proposé une liste «à débattre» de marchandises de l'UE susceptibles de faire l'objet de taxes supplémentaires.
Cette liste comprend 89 catégories et se compose pour les trois quarts de produits alimentaires - olives, fruits, jus, viande, pâtes, fromage, alcool (notamment whisky), et d'autres. De plus, la liste inclut des produits métallurgiques et chimiques. Il est précisé qu'il s'agit bien d'un addendum à la liste initiale publiée le 12 avril, qui portait sur 21 milliards de dollars de marchandises.
«Des taxes supplémentaires pourraient être décrétées à titre de sanction dans le conflit entre Washington et Bruxelles concernant la subvention par l'UE et ses quatre membres (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni) du groupe Airbus, principal concurrent de l'américaine Boeing», rapporte la Deutsche Welle.
Les agences de presse rappellent que des plaintes avaient été déposées à l'Organisation mondiale du commerce contre les subventions obtenues par Boeing des États-Unis et par Airbus de l'UE le 6 octobre 2004. Depuis, les USA et l'UE s'accusent mutuellement de subventions illégales au profit de leurs constructeurs aéronautiques.
En mai 2018, l'OMC a reconnu que les subventions européennes à Airbus portaient atteinte aux intérêts de Boeing, et les USA ont alors menacé l'UE de sanctions. En mars 2019, l'OMC a donné raison à l'UE en déclarant que les USA apportaient un soutien financier illégal à Boeing, précise l'agence Finmarket.
Robert Lighthizer avait alors déclaré que l'OMC estimait la demande de contremesures de Washington à 11 milliards de dollars. Le bureau du délégué au Commerce précisait que la liste préalable des produits concernés par les restrictions incluait des hélicoptères et des avions civils, leurs pièces détachées, et des produits alimentaires. La Commission européenne avait réagi en menaçant de contremesures 20 milliards de dollars de produits américains.
En avril, Donald Trump avait écrit sur Twitter: «L'OMC pense que les subventions de l'UE à Airbus ont impacté négativement les USA».
Ce litige aéronautique, qui a repris avec une nouvelle force après la découverte de problèmes sur le Boeing 737 MAX, prend un sens particulier. La discussion sur les «sanctions alimentaires» s'inscrit parfaitement dans la politique économique extérieure menée par Donald Trump, basée sur les guerres commerciales.
«La grande concurrence entre les deux fleurons de la construction aéronautique mondiale dure depuis longtemps et n'est pas prête de se terminer. La perte des positions de Boeing à cause des problèmes du 737 MAX 8 explique la volonté des constructeurs américains de contenir leur concurrent avec de nouvelles accusations de subventions. Ce litige devient l'élément d'une grande guerre commerciale et sert de prétexte pour l'aggraver. Pendant sa campagne déjà, Donald Trump s'était fixé pour objectif de renforcer les positions commerciales des USA», indique Alexeï Kalatchev, expert de la société Finam.
«Nous assistons à une situation paradoxale. Il est difficile de dire qui a raison et qui a tort. D'un côté, Trump a raison dans le sens où le système mondial des taxes d'importation est biaisé au détriment des USA. De l'autre, les actions de Trump ne sont pas systémiques, il est souvent impulsif, ses déclarations font penser à un chantage», déclare Vadim Iossoub, analyste du centre Alpari. C'est pourquoi il est difficile de prédire quelles autres listes de restrictions pourraient encore être inventées par Washington.
«La légalité des subventions aéronautiques n'est qu'un exemple de revendications de Trump envers le commerce avec l'UE. De plus, le Président américain s'efforce de séparer cette question des autres reproches. Autre exemple: Trump menace régulièrement de restrictions les voitures de l'UE», explique Alen Sabitov, analyste de Freedom Finance.
«Je pense que les USA et l'UE, tout comme les USA et la Chine, échangeront des montants de réclamations, et chaque camp ajoutera à ces montants quelques milliards de dollars supplémentaires pour renforcer sa position dans les négociations», estime Ilia Jarski, partenaire gérant du groupe Veta.
«Il est tout à fait possible que les USA trouvent d'autres réclamations envers les Européens et que le montant augmente. Mais il n'est pas sûr que les restrictions évoquées soient décrétées à part entière, car l'UE examine également des mesures similaires. Les menaces font naturellement partie de la guerre, mais elles ne sont pas toutes mises à exécution», note Tamara Kassianova, partenaire gérante de la société 2K.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.