La liste des pays dont les citoyens peuvent obtenir un visa électronique, nécessaire pour se rendre en Russie via les postes de contrôle dans le Port libre de Vladivostok, compte actuellement 18 États dont la Chine, le Japon, la Corée du Nord, l’Inde, l’Iran, la Turquie, et l’Arabie saoudite, rappelle le quotidien Vzgliad. Les pays de l’Union européenne (UE) et les États-Unis sont absents de la liste. Un tel visa permet une visite de huit jours.
Comme l’a récemment indiqué dans une interview au site RBC Anton Alikhanov, gouverneur de la région de Kaliningrad, le territoire prépare actuellement l’introduction du visa électronique et a demandé au ministère des Affaires étrangères d’élargir cette liste (sous le format «Vladivostok+»). Le gouverneur n’a pas précisé les nouveaux pays concernés, mais a assuré que la «listé reflétait nos rêves les plus optimistes. Tout est très bien».
Sur le site du département consulaire du ministère des Affaires étrangères figure la section «Enregistrement du visa électronique pour la région de Kaliningrad» qui cite aujourd’hui 53 pays dont les citoyens peuvent profiter de ce service. Le Royaume-Uni et les États-Unis en restent absents, mais la liste comprend désormais les pays de l’Union européenne, les États de l'espace Schengen qui ne font pas partie de l’UE (la Norvège et l’Islande), la Suisse, la Serbie et la Macédoine.
Cela concerne également les pays baltes, anciennes républiques de l’URSS: les citoyens de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie pourront eux aussi obtenir des visas électroniques pour se rendre dans la région de Kaliningrad. Certains responsables lituaniens ont déjà annoncé que cette décision russe «menaçait leur sécurité nationale». Ainsi, le député lituanien Laurynas Kasčiūnas a récemment déclaré que ce schéma d’entrée simplifié permettrait aux services secrets russes de viser plus activement les citoyens lituaniens sur le territoire de la Russie.
«Les tentatives de recrutement sont régulières et systématiques, et ne font que s’intensifier», estime le parlementaire, cité par le site lituanien lrt.lt.
Si cette liste élargie devenait effective, elle serait un pas considérable en faveur du secteur touristique. La liste des États dont les ressortissants avaient le droit de se rendre en Russie à l’aide du visa électronique ne comprenait pas, jusqu’à récemment, les pays qui assuraient à la région de Kaliningrad un flux important de touristes étrangers, fait remarquer Vadim Prassov, vice-président de la Fédération des restaurateurs et des hôteliers russes et membre du Conseil social auprès de l’Agence fédérale de tourisme.
Les touristes étrangers qui viennent dans la région de Kaliningrad dans le cadre de groupes organisés sont, dans leur écrasante majorité, les Allemands - 9 200 sur les 9 500 touristes «officiels» qui se sont rendus dans la région en 2016. Les touristes préférant des tours organisés sont moins concernés par la question des visas que ceux qui voudraient visiter l’enclave russe de manière indépendante, Polonais et citoyens des pays baltes en tête. Ces derniers font face à des complications considérables.
«Kaliningrad suscite de l’intérêt chez les touristes européens, dont beaucoup se heurtent pourtant à la barrière de visa. Un visa russe prend beaucoup de temps, coûte cher, exige normalement une visite personnelle à l’ambassade, etc.» explique Aleksan Mkrttchan, fondateur du réseau d’agence touristiques Rozovyi slon.
Et d’ajouter que l’expérience de la Coupe du Monde de football de 2018 avait démontré l’intérêt considérable des touristes étrangers pour la Russie à condition de barrières de visa minimales (le visa n’était pas nécessaire si une personne disposait d’un billet pour un match et d’un passeport de fan).
La région de Kaliningrad a particulièrement ressenti cet effet. D’après la société analytique Tourstat, elle a fait partie du top-20 des régions russes selon le nombre de touristes accueillis en 2018. Le volume total de ces derniers a augmenté de 1,32 millions à 1,5 millions de personnes, dont la moitié était représentée par les étrangers. Quant à la dimension économique, le tourisme a apporté en 2018 8 milliards de roubles (111,8 millions d’euros) à la région de Kaliningrad, a indiqué Andreï Ermak, ministre régional du Tourisme.
Bientôt toute la Russie?
Le principal avantage du visa électronique réside dans le fait qu’il n’exige pas de déposer personnellement une demande en ce sens dans une mission diplomatique russe à l’étranger. Cette procédure implique plusieurs étapes simples. D’abord, il faut remplir sur le site une demande de visa qui n’exige aucune invitation, ni confirmation de séjour. La notification de la délivrance du visa électronique doit arriver sous quatre jours. Ensuite, il est nécessaire d’imprimer la notification ou de la sauvegarder sur un smartphone afin de la présenter à la frontière russe.
«L’introduction du visa électronique devrait se solder par une augmentation considérable du nombre de touristes dans la région de Kaliningrad, estime Natalia Evnevitch, experte en marketing territoriale et directrice du groupe Konkord. Cette région affiche une croissance rapide du secteur touristique. On y constate déjà un nombre considérable de touristes étrangers, tout d’abord des pays voisins de l’Union européenne. C’est pourquoi la réduction du délai de délivrance du visa et la simplification d’autres conditions (par exemple, il ne sera plus nécessaire de préciser l’objectif du séjour court: touristique ou d’affaires) devrait constituer un encouragement important».
Qui plus est, le visa électronique devrait devenir dès 2021 l’outil universel pour les courts séjours en Russie: Vladimir Poutine en a déjà chargé mi-juin le Premier-ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Intérieur et le directeur du FSB. La durée du visa électronique devrait se chiffrer à 16 jours, et ce document être universel: autrement dit, son détenteur pourrait se rendre en Russie à des fins touristiques, d’affaires, personnelles ou humanitaires.
L’une des questions débattues actuellement concerne le prix du visa électronique: on se demande notamment s’il doit être gratuit. Ainsi, cela avait été le choix initial en Extrême-Orient, mais les organes consulaires ont presque immédiatement constaté un grand nombre de personnes simulant des demandes (certains étrangers voulaient vérifier si ce système fonctionnait). On n’exclut donc pas qu’il puisse s'agir d’un service payant pour 50 dollars. Aujourd’hui, les citoyens de l’Union européenne paient les frais consulaires de 35 euros pour un visa standard à entrée unique en Russie (pour une durée de 10 jours).
La demande justifie l’ouverture
Une simplification considérable des barrières de visa est depuis longtemps considérée comme nécessaire pour favoriser un développement rapide du tourisme en Russie, estiment beaucoup d’experts du secteur. Dans le monde d'aujourd'hui, la procédure traditionnelle de délivrance des visas se transforme rapidement en formalité obsolète.
Israël en est un bon exemple, qui a supprimé les visas pour les Russes dès 2008. Dans tous les cas, à la frontière de ce pays, il faut encore passer une entrevue très sérieuse avec les gardes-frontières et les employés des services de sécurité qui dépistent beaucoup de personnes dont la présence sur le territoire israélien est absolument indésirable. Dans ce cas-là, on vous fait revenir chez vous avec le prochain avion. Le visa électronique constitue donc un mécanisme moins strict car il est possible de le demander avant l’acquisition des billets d’avion et la réservation d’un numéro d’hôtel, sans aucun risque pour votre argent et votre temps.
Quoi qu’il en soit, l’argument principal en faveur de la simplification de l’entrée en Russie réside dans l’existence d’un grand intérêt pour les voyages en Russie et l’intensification de la concurrence touristique entre la Russie et ses voisins.
«La destination la plus populaire des étrangers qui participent à des croisières en mer Baltique est Saint-Pétersbourg, où il est possible de quitter le navire pour deux jours sans visa, explique Aleksan Mkrttchan. Les citoyens de l’UE comprennent parfaitement qu’ils peuvent se rendre à tout moment à Riga ou à Tallin, mais il leur est toujours compliqué d’aller en Russie sans visa. C’est pourquoi, quand ils achètent des croisières auprès d'agences touristiques, leur première question est souvent la suivante: «Est-ce que Saint-Pétersbourg fait partie du programme?»
L’assouplissement des barrières de visa correspond aux nouvelles tendances dans le comportement des consommateurs des services touristiques.
«Il est certainement nécessaire de simplifier l’accès des citoyens de l’UE à la Russie, non seulement parce que l’Europe est proche de nous et qu'une partie considérable de ses citoyens bénéficie de revenus importants, fait remarquer Vadim Prassov. On constate aujourd’hui en Europe une hausse de la popularité du modèle de voyage sur décision spontanée, prise au dernier moment. L’absence de barrières de visa constitue donc l’un des facteurs cruciaux de ce point de vue. La procédure d’octroi d'un visa russe reste pourtant compliquée, et nous sommes en situation perdante par rapport à beaucoup d’autres pays dans ce domaine».
Dans tous les cas, il serait prématuré d’ouvrir les frontières à tous les pays. Il est donc nécessaire d’offrir d’abord l’entrée simplifiée aux citoyens des pays stables d’un point de vue économique, politique, sanitaire et épidémiologique. «Faut-il établir une simplification absolue de l’entrée en Russie et ouvrir les frontières à tout le monde? C’est une question compliquée compte tenu du grand nombre d’immigrés des pays d’Asie et d’Afrique, conclut Natalia Evnevitch. Le temps montrera quel niveau d’ouverture des frontières aux touristes étrangers sera optimal pour la Russie».
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