Après des années de résistance, la France est donc en passe de reconnaître cette discipline qui a longtemps joui d'une image sulfureuse dans l'Hexagone car permettant coups de pied, poing, genou et coude, ainsi que des coups au sol, des étranglements et des clés à l'intérieur d'une enceinte fermée (l'octogone).
Mais avec près de 40.000 pratiquants dans des centaines de clubs et un développement mondial sous l'impulsion de la puissante ligue professionnelle américaine, l'Ultimate Fighting Championship (UFC), il devenait difficile pour les pouvoirs publics de ne pas réguler ce phénomène grandissant, la France étant le dernier grand pays à interdire ce sport sur son sol.
«C'est une réalité qui existe aujourd'hui avec un public très varié, des femmes, des hommes, des enfants, des adultes de tous milieux et on ne peut pas la nier, a déclaré la ministre des Sports Roxana Maracineanu lors de la conférence de presse de lancement de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) auprès des fédérations. Il ne faut plus rester dans l'hypocrisie. C'était donc important d'inciter au mariage des acteurs du MMA et d'une fédération.»
Concrètement avec le lancement de l'AMI, les fédérations intéressées pourront remettre d'ici le 27 septembre leurs dossiers qui seront étudiés par un jury de personnalités qualifiées et indépendantes chargé de donner un avis à la ministre. Entre le 2 et le 6 décembre, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) fera également connaître sa position avant une décision finale prévue le 31 décembre.
La fédération choisie obtiendra ainsi à partir du 1er janvier 2020 une délégation pleine et entière pendant deux ans sur les volets amateur et professionnel. Ce sera alors la fin d'une dizaine d'années de bataille entre les acteurs du MMA en France et les gouvernements successifs.
Le milieu du Mixed Martial Arts hexagonal avait été particulièrement échaudé par la décision de l'ancien secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard, qui avait pris en octobre 2016 un arrêté interdisant clairement toute compétition, malgré un rapport parlementaire prônant une légalisation progressive. Mais après l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République en mai 2017, l'ancienne ministre des Sports Laura Flessel avait amorcé le tournant, dans lequel s'inscrit Roxana Maracineanu, la ministre actuelle.
Selon une source proche du dossier, cinq fédérations délégataires sont candidates pour accueillir le MMA: kick boxing et muay thaï, karaté, lutte, judo, boxe française, ainsi qu'une fédération affinitaire: la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT).
«On a envie que le mariage soit équilibré d'un côté comme de l'autre. Dans cet AMI, on a mis des conditions auxquelles les acteurs du MMA et les fédérations tenaient, pour aller vers un consensus», a précisé la ministre interrogée sur l'épineuse question des coups au sol et de l'octogone.
Roxana Maracineanu a également indiqué que figurait dans l'AMI une «réflexion autour d'une redistribution des ressources du milieu professionnel vers le monde amateur, comme cela se fait dans le football par exemple».
Ce pas décisif vers la légalisation ravit en tout cas les principaux protagonistes du MMA français.
«On est enfin écouté et entendu, a estimé Zarah Fairn, la seule Française sous contrat avec l'UFC. On est en train de trouver un système pour accueillir cette discipline. C'est très important pour la génération à venir de pouvoir porter le drapeau français, pouvoir combattre en France et avoir le statut de sportif de haut niveau. Cela permettra aussi de faire tomber les préjugés sur notre discipline.»
«Il s'est passé 11 ans avant ce moment et on a pris des coups. La ministre a eu du courage politique, car il y a plus à perdre à accepter le MMA que le contraire», a affirmé de son côté Bertrand Amoussou, président de la Commission française du MMA (CFMMA), qui fait figure de pionnier de ce sport en France.
L'UFC a pour sa part «salué» dans un communiqué le «premier pas d'une reconnaissance officielle du MMA et de son intégration dans l'écosystème sportif français», ajoutant vouloir «suivre de près le déroulé de la consultation en prêtant une attention particulière au respect de l'intégrité du MMA et à la préservation de ses règles par la fédération d'accueil».