Alors que les sanctions européennes contre la Russie ont été renouvelées à Bruxelles le 20 juin pour six mois, Édouard Philippe recevait le Premier ministre russe Dimitri Medvedev, dans son ancienne ville du Havre ce lundi. Tandis que la dernière visite russe de haut niveau sur le sol français remonte à 2017 avec la venue de Vladimir Poutine à Versailles, les deux chefs de gouvernement ont abordé l’après-midi durant les nombreuses problématiques entre les deux États.
Première rencontre bilatérale au niveau des chefs de gouvernements depuis octobre 2013 et la visite de Jean-Marc Ayrault à Moscou. #France #Russie https://t.co/8f7Kqq5D38
— Arnaud Dubien (@ArnaudDubien) 18 juin 2019
C’est Emmanuel Macron qui déclarait début juin en Suisse: «il doit y avoir un dialogue stratégique avec la Russie et il doit y avoir une dynamique réenclenchée».
Ainsi, Édouard Philippe a fait écho à ces propos, affirmant vouloir «ouvrir un nouvel espace de dialogue politique avec la Russie».
«Ce qu’on entend parfois à l’envi, c’est l’idée selon laquelle la Russie et la France ne se parleraient pas, c’est une réalité qui ne correspond à rien. Le président Poutine et le président Macron se parlent très régulièrement. […] Ce qui est un fait, c’est qu’on gagne à se connaître et avoir des relations personnelles.»
C’était en effet la première fois que les deux hommes politiques se rencontraient. Édouard Philippe a déclaré que la Russie était «un partenaire essentiel de la France». C’est pourquoi il s’agit de «maintenir un dialogue franc, exigeant, afin de maintenir la paix et la sécurité internationale». Mais alors quid des sanctions? Le Conseil de l’Europe s’apprêterait à lever ses sanctions contre Moscou, contrairement à l’Union européenne qui, elle, vient de les renouveler pour une durée de six mois supplémentaires. Le chef du gouvernement français a levé toute ambiguïté, déclarant:
«La Russie sait quelles sont nos attentes pour les lever.»
La question épineuse de l’Ukraine. L’élection de Volodymyr Zelensky semble susciter quelques espoirs pour la reprise des négociations au format Normandie dans le cadre des Accords de Minsk. Par l’intermédiaire de Jean-Pierre Chevènement, son conseiller spécial sur la Russie, le président Macron transmettait en avril dernier à son homologue Vladimir Poutine une longue missive sur les relations bilatérales. Une approche saluée par le Premier ministre russe, relevant les efforts de l’Élysée dans ce sens:
«Il faut réfléchir à la façon de dynamiser ce dialogue. Le Président français fait beaucoup d’efforts à cet égard et nous considérons ça comme très utile.»
@MedvedevRussiaE et @EPhilippePM lors de la conférence de presse au Havre cet après-midi. Ils ont évoqué les sanctions, l’Ukraine, l’Iran puis leurs relations économiques. pic.twitter.com/sLCgvGkdMU
— Jean-Baptiste Mendes (@MendeSputnik) 24 juin 2019
Dans sa volonté affirmée de poursuivre le dialogue dans les crises internationales, Édouard Philippe estime qu’il s’agit pour le conflit ukrainien d’un moment crucial:
«L’élection constitue une occasion. […] C’est la responsabilité de la Russie et de l’Ukraine. […] J’ai appelé le chef du gouvernement russe à saisir cette occasion».
Dimitri Medvedev est resté quant à lui prudent concernant le nouveau Président ukrainien:
«Le nouveau dirigeant n’a pas encore démontré ce qu’il voulait faire.»
Les deux chefs de gouvernements ont tous deux souligné leurs convergences quant au contexte explosif entre l’Iran et les États-Unis et l’importance du multilatéralisme. Dimitri Medvedev déclarait ceci:
«Les tensions sont liées à la décision de sortir de l’accord sur le nucléaire, ce qui a été fait par les États-Unis. […] Il est important de maintenir nos contacts et l’échange de points de vue pour éviter l’explosion au Moyen-Orient.»
Autre point sur lequel Édouard Philippe a souhaité insister: le volet économique et «la façon dont il était possible d’envisager la dynamisation de nos relations économiques». Il faut rappeler que la France est le premier employeur étranger en Russie, devant l’Allemagne, malgré les sanctions et les contre-sanctions. Signe de cette implantation française, le président russe recevait en avril les grands patrons français au Kremlin. Le locataire de Matignon a évoqué ainsi l’entreprise Kusmi Tea, née en Russie, située dorénavant au Havre. Dimitri Medvedev a lui souligné l’importance de la présence de Renault en Russie.
Suite à cet entretien et à une conférence de presse assez verrouillée, avec seulement deux questions prévues pour les journalistes des côtés russe et français, notre attention s’est portée sur celle d’un journaliste bienveillant du Monde questionnant les deux chefs de gouvernement sur les prétendues ingérences russes qui auraient eu lieu lors des élections européennes et notamment le rôle de Sputnik et de RT France. Édouard Philippe exprimait ainsi son opinion:
«Ma position est simple, la France est attachée à deux principes sur lesquelles elle ne veut pas tergiverser: la liberté de la presse et la souveraineté de la France. Tous les journalistes peuvent bénéficier de la liberté de la presse et nous sommes attentifs à toute interférence.»
Le Premier ministre russe a pour sa part évoqué le cadre légal dans lequel évoluait chaque journaliste:
«Nous n’avons pas parlé de cette question aujourd’hui. Chaque source d’information, chaque média doit fonctionner dans le champ légal. S’il s’agit du champ légal français, il doit bien se conformer aux règles françaises. […] Le travail de journaliste est en grande partie subjectif.»
Une déambulation touristique de la ville était ensuite au programme de cette rencontre. Aucune annonce marquante n’est donc à retenir aux termes de cette journée, mis à part des discours engageants sur une redynamisation des relations franco-russes. C’est dans ce cadre précis que Dimitri Medvedev a invité son homologue français en Russie pour une prochaine réunion au sommet.