Le tribunal d'arbitrage de Moscou a déclaré recevable ce 18 juin la plainte de Trans Line, opérateur d'Astrakhan, visant à reconnaître comme illégales les informations figurant sur le site et l'application BlaBlaCar, selon le tribunal. Le plaignant exige également d'interdire l'activité de la représentation russe de BlaBlaCar, Comuto Rus. Huit compagnies et entrepreneurs individuels, ainsi que l'Association des transporteurs de passagers régionaux, participent au procès en tant que tiers. L'audience préliminaire aura lieu le 1er août, écrit le quotidien Kommersant.
BlaBlaCar a été fondé en France en 2006, et fonctionne en Russie depuis 2014, où il compte près de 20 millions d'utilisateurs. «Nous sommes au courant de cette plainte. Nous ne l'avons pas encore reçue, c'est pourquoi nous ne pouvons pas faire de commentaires. Nous avons déposé une requête au tribunal d'arbitrage de Moscou pour prendre connaissance des dossiers de l'affaire», a déclaré au quotidien Kommersant un représentant de BlaBlaCar. Avant cela, le tribunal Taganski de Moscou avait retourné la plainte envers BlaBlaCar au même plaignant, et le tribunal municipal de Moscou avait rejeté la plainte, rappelle le représentant.
Trans Line estime que BlaBlaCar permet de travailler aux transporteurs illégaux. Selon le texte de la plainte, en décembre 2018 déjà la compagnie avait demandé à l'autorité russe de supervision des communications, Roskomnadzor, de bloquer BlaBlaCar en Russie à cause de la «création illégale d'obstacles à l'accès à la justice et à la protection des droits et des intérêts légitimes du plaignant et des personnes associées». Roskomnadzor a répondu qu'il serait prêt à mettre en application la décision du tribunal. En février, le tribunal municipal de Moscou a décidé que la «nature du litige était indéniablement économique et devait donc être examiné par un tribunal d'arbitrage». Ce 18 juin, la cour de cassation a confirmé que la plainte devait passer devant le tribunal d'arbitrage, a déclaré Ekaterina Bournos, représentante de Trans Line.
BlaBlaCar est apparu sur le marché russe du transport régulier en bus en Russie début 2019. Ce service avait rencontré des difficultés à cause des réclamations des autorités régionales, mais a rempli aujourd'hui toutes les conditions, affirme son représentant. Selon BlaBlaCar, plus de 400 compagnies de bus et 10 gares routières sont devenues ses partenaires depuis le début de l'année. La situation a foncièrement changé, affirment le président de l'association ETS Lignes de bus nationales Boris Loran:
«Un projet-pilote a été réalisé avec les gares routières d'Oudmourtie et BlaBlaCar pour réserver ses places dans le service sur les horaires de la gare routière. Le projet a donné des résultats prometteurs.» Mais le pourcentage de transporteurs légaux travaillant avec BlaBlaCar est dérisoire, et ceux qui l'acceptent l'ont fait par désespoir, pour faire revenir au moins une partie des passagers qui ont rejoint ce service, affirme Tatiana Rakoulova, directrice de l'Association des transporteurs routiers de passagers.
Le plaignant met l'accent sur les informations accessibles et les décisions de justice portant essentiellement sur les infractions des conducteurs et des propriétaires des moyens de transport qui utilisent BlaBlaCar pour attirer les passagers, indique le partenaire de NAFKO Pavel Ikkert. Aucune décision visant précisément BlaBlaCar n'est citée dans la plainte, et l'unique argument concernant le caractère inégal du service est le fait que son activité porte atteinte à l'état financier des transporteurs professionnels. «En d'autres termes, le plaignant proteste contre la concurrence», explique l'avocat de la défense.
Les arguments selon lesquels les utilisateurs de BlaBlaCar ne respecteraient pas les conditions obligatoires pour les transporteurs ne déterminent pas si l'activité du service est illégale en soi, reconnaît Ioulia Lyssova, avocate de Forward Legal. D'autant que le service identifie les utilisateurs malhonnêtes et les inscrit sur liste noire. De plus, il est peu probable que le plaignant parvienne à fournir une estimation fondée du préjudice, dit-elle.
Il faudrait prouver pour cela que BlaBlaCar et les plaignants ont le même public cible et que suite à des agissements illégaux du service ce dernier est passé chez BlaBlaCar. Il faudrait ensuite déterminer le manque à gagner: «Mais la question du préjudice ne pourrait être soulevée que s'il était prouvé que le service agit illégalement.» Il est assez difficile d'évaluer le préjudice causé par l'activité de BlaBlaCar à Trans Line, mais il correspond au revenu perçu «du fait d'une concurrence illégale», conclut Ekaterina Bournos.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.