Roland Hureaux: «Poutine, Orban, Salvini, Trump sont de grands gaullistes»

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Le gaullisme est-il mort? Les scores des candidats se réclamant du Grand Charles aux Européennes, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau ou Florian Philippot, sont très faibles. Roland Hureaux, essayiste et chantre du gaullisme, estime au contraire que la conception gaullienne du pouvoir a le vent en poupe. Il s’en explique à Sputnik.

Quarante-neuf ans après la mort du général de Gaulle, son héritage divise. Qui de Florian Philippot, de François Asselineau ou de Nicolas Dupont-Aignan porte-t-il le mieux la Croix de Lorraine? Leurs scores respectifs aux dernières élections européennes ne sont-ils pas le symbole de l’effondrement des idées de Charles de Gaulle face au libéralisme d’Emmanuel Macron? Mais qu’est-ce réellement que le gaullisme, une façon de gouverner ou une idéologie? Nous en avons parlé avec Roland Hureaux, essayiste et homme politique, président de Mouvance France et auteur du livre L’actualité du gaullisme, cinq études sur les idées et l’action du général de Gaulle (Éd. François-Xavier de Guibert).

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Pour Roland Hureaux, ceux qui aujourd’hui incarnent encore les idées gaullistes ne sont pas nombreux:

«Il y a des gens qui se réclament explicitement de l’héritage gaulliste, on les connaît, ils n’ont pas eu un résultat extraordinaire: Asselineau, Philippot et Dupont-Aignan, peut-être quelques autres. Mais leur faiblesse ne signifie rien quant à la présence de la pensée du général de Gaulle. Après tout, ils avaient peut-être les épaules bien étroites pour l’incarner. Ensuite, vous avez chez les Républicains, une petite aile gaulliste progressivement marginalisée aujourd’hui représentée par Julien Aubert ou Jacques Myard. Même à gauche, quelqu’un comme Jean-Pierre Chevènement a des idées pour l’essentiel qui sont celles du général de Gaulle, même s’il a fait sa carrière à l’ombre de Mitterrand.»

Ces différentes personnalités politiques ont toutes en commun des idées qualifiées de souverainistes et hostiles à Bruxelles, particulièrement l’UPR, qui préconise le Frexit. La question fondamentale aujourd’hui, selon Roland Hureaux, c’est ainsi l’Europe, la construction européenne, à laquelle dans sa forme actuelle, le général de Gaulle aurait été hostile, selon l’essayiste:

«Vous avez des gens qui se réclament de l’héritage du général de Gaulle et qui disent que le général était un grand pragmatique, il aurait accepté l’Europe supranationale, il aurait accepté l’Otan, pour moi c’est de la fumisterie. Les questions qui se posent aujourd’hui relatives à l’indépendance nationale, tant à l’égard de nos alliés de l’Otan qu’à l’égard de nos partenaires de Bruxelles, se posaient à son époque […] Les positions du général de Gaulle sur ces problèmes-là étaient très claires: on n’aliène pas la souveraineté nationale.»

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Ni de droite ni de gauche, le gaullisme n’est pas une doctrine, une idéologie ou une chimère, mais une manière de gouverner. Roland Hureaux détaille les quelques principes fondateurs que le premier Président de la Ve République a tenté de suivre tout au long de sa carrière militaire et politique: le dirigeant politique doit avant servir avant tout les intérêts de la France, être réaliste dans ses ambitions et dépourvu d’idéologie:

«C’est d’abord une éthique du chef politique […] Le premier principe, c’est un principe chrétien, bien qu’il ne l’ait jamais avoué: c’est que le premier de tous doit se faire le serviteur de tous. Celui qui détient ce pouvoir doit le mettre exclusivement au service du peuple, pas pour faire de la satisfaction démagogique, pour faire rayonner ce peuple, y compris en termes de civilisation, pas pour écraser les autres peuples […] Les intérêts du peuple, c’est aussi le rayonnement de la nation française.»

Roland Hureaux illustre son propos avec l’actualité. La crise des Gilets jaunes, qui dure depuis plus de sept mois, a révélé des revendications allant vers davantage de démocratie directe, dont le fameux référendum d’initiative citoyenne. De nombreux manifestants ont également demandé la démission d’Emmanuel Macron. Peut-on comparer cette mobilisation avec celle de mai 68, subie de plein fouet par Charles de Gaulle, qui était à l’époque, accusé d’être un «dictateur» et de mener un «Coup d’État permanent»? 

«Aujourd’hui, on est dans le règne de la corruption généralisée […] Le général de Gaulle n’était pas un dictateur, il respectait la légalité républicaine, mais il voulait d’abord travailler au service de la France et de ses intérêts. Aujourd’hui, ce que les Gilets jaunes appellent une dictature, c’est le sentiment que l’on travaille pour autre chose que les intérêts de la France. La preuve en est, les privatisations généralisées, particulièrement impopulaires.»

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Le faible score aux Européennes des candidats gaullistes serait-il le signe de la ringardisation des idées gaullistes? L’essayiste estime au contraire que le gaullisme a le vent en poupe, au-delà des frontières nationales.

«Vous avez de grands gaullistes, qui n’ont pas d’autre préoccupation que la défense de leur intérêt national, qui s’appellent Poutine, Orban, Salvini, Trump. Ce à quoi on assiste en Europe et dans le monde, c’est un retour, peut-être pas du nationalisme, mais d’États dirigés par le souci exclusif de leur intérêt.»

Comment expliquer cette filiation entre le général de Gaulle et Vladimir Poutine? Roland Hureaux dresse ainsi une comparaison entre l’Union européenne d’aujourd’hui et l’URSS d’autrefois.

«Sa conception du pouvoir est très clairement une conception gaulliste, de même que de Gaulle a des prédécesseurs comme Richelieu. Napoléon, c’est autre chose, il y avait une volonté impériale derrière […] On a une évolution inverse. La Russie est passée d’un empire idéologique à un gouvernement national, avec un esprit national et que l’on peut qualifier en effet de gaulliste.

L’Europe occidentale est passée d’une constellation des nations qui se connaissaient et qui se fréquentaient depuis très longtemps, ce qui satisfaisait le général de Gaulle qui ne voulait pas aller plus loin dans leur fusion, à une réalité entièrement idéologique. Les dissidents russes que nous connaissions du temps de l’Union soviétique, nous le voyons en Europe occidentale.»

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