La scène politique du Vieux continent, qui est encore occupée à interpréter les résultats des élections au Parlement européen, a vu apparaître en son sein un nouveau pays problématique: l’Italie. L'analyse du quotidien Izvestia.
Une amitié forcée
Les experts doutaient de la longévité de la coalition au pouvoir depuis sa formation suite aux élections législatives en Italie en mars 2018. Le parti antisystème Mouvement 5 étoiles était arrivé en tête mais avait été obligé de s’allier à la Ligue, une formation de droite. Les leaders des deux forces politiques, Luigi Di Maio et Matteo Salvini, avaient reçu des portefeuilles ministériels et ont été nommés vice-premiers ministres. Le poste de chef de gouvernement avait été offert à Giuseppe Conte, député indépendant, qui devait jouer le rôle d’arbitre et de médiateur entre ces deux forces très différentes.
Le Premier ministre a organisé le 3 juin à Rome une conférence de presse au cours de laquelle il a reconnu qu’il avait été naïf d’espérer que les deux partis soient en mesure de régler leurs divergences après les élections européennes. Il a également appelé les deux leaders à mettre fin à leurs querelles en menaçant, dans le cas contraire, de donner sa démission. Ces derniers ont immédiatement assuré au premier ministre et à l’opinion publique qu'ils comptaient renoncer à ce comportement.
La presse a rapporté le lendemain que les deux vice-Premiers ministres avaient relancé le dialogue et avaient «cordialement» parlé au téléphone.
«Comme M. Salvini se focalise sur les résultats, il n’y aurait aucun problème avec cette alliance si nous arrivons à atteindre nos objectifs», souligne le député de la Ligue Giulio Centemero, en ajoutant que le droit d’organiser de nouvelles élections n’appartenait qu’au Président italien.
L’une des contradictions principales entre les partenaires de la coalition italienne est plus psychologique que politique. La Ligue et le M5S ont certainement beaucoup de divergences (l’immigration, les impôts, les routes, etc.), mais le reproche principal concernant Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur, réside dans le fait qu’il tire la couverture à lui de manière trop prononcée, repoussant à l'arrière-plan le premier ministre et son partenaire de coalition (qui a par ailleurs plus de députés).
Matteo Salvini n’a en effet pas hésité à tenir des propos retentissants au nom de toute l’Italie. Qui plus est, son succès aux élections européennes a confirmé son droit moral d'agir ainsi. Il est désormais encore plus difficile de le réprimander. Beaucoup d’observateurs italiens sont parvenus à la conclusion que ce politicien de droite voudrait certainement confirmer sa supériorité électorale à l’aide de nouvelles législatives nationales.
«Le gouvernement chutera bientôt. La Ligue veut plus de pouvoir, et elle a actuellement une bonne occasion d'élargir sa présence au parlement et de mener le nouveau gouvernement. Je suis certain que Matteo Salvini créera le contexte nécessaire pour organiser des législatives assez rapidement», fait remarquer Piero Ignasi, professeur de politologie à l’Université de Bologne.
«Il voudrait que le gouvernement chute à cause du M5S. Et il pourrait bien tenter de créer une telle situation à l’aide du renforcement des tensions au sein du cabinet des ministres», explique Daniele Albertazzi.
Les impôts et la dette publique sont le moyen le plus simple de déstabiliser davantage le gouvernement. Ainsi, la Commission européenne examine cette semaine la possibilité d’imposer à Rome une amende de 3 milliards d’euros à cause de son endettement colossal. Ce dernier se chiffrait à 132,2% du PIB en 2018 et n’a cessé de croître depuis.
Une tempête européenne
L’Italie n’est pas le seul pays européen à traverser une crise gouvernementale dans le contexte de la hausse de la popularité de l’extrême-droite. Fin mai, un scandale inattendu autour du leader du FPÖ a brisé la coalition au pouvoir en Autriche. Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a annoncé des élections anticipées après les résultats décevants de son parti aux élections européennes.
«On constate des changements systémiques pratiquement dans tous les pays d’Europe. En fonction de l’État, ils peuvent être plus souples ou plus dynamiques. Il est pourtant difficile d’établir une tendance générale sur la base de ces processus, à l’exception du fait que les partis centristes perdent la confiance des électeurs et s’affaiblissent, alors que les extrêmes ne font que se renforcer, indique Nikolaï Kavechnikov, chef de la chaire des processus d’intégration du MGIMO. Je doute que l’année 2019 soit très différente de l’année dernière du point de vue des turbulences des gouvernements nationaux».
Daniele Albertazzi n’y voit non plus aucune prémisse: bien que les forces pro-européennes aient considérablement cédé leurs positions, elles contrôlent toujours la majorité écrasante des sièges au Parlement européen, alors que les eurosceptiques de droite disposent au total d’un quart des mandats.
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