Selon le Registre public unifié des personnes morales, Huawei Digital Technologies Co. Ltd (Hong-Kong) et sa filiale russe ont acquis la société Igl Softlab, qui avait acheté les brevets et les équipements de l'entreprise russe Vokord, indique à Vedomosti une source proche d'une partie du contrat, dont les propos sont confirmés par une personne connaissant ses conditions.
L'entreprise Igl Softlab a été fondée en décembre 2018 par deux associés ayant les mêmes noms de famille que le directeur technique de Vokord, Alexeï Kaïdechvili, et le copropriétaire de l'entreprise Viatcheslav Kouzmitchev: Lioubov Kaïdechvili (elle possédait 23,6% avant le récent accord) et Vladimir Kouzmitchev (6,43%). Parmi les autres actionnaires figurent notamment les fondations S-Group Ventures (17,67%, gérée par Severgroup d'Alexeï Mordachov) et Lider-innovatsii (44,17%, société de gestion Lider), qui sont en même temps les principaux propriétaires de Vokord Softlab. Igl Softlab avait également au moins 14 actionnaires minoritaires, dont au moins six étaient collaborateurs de Vokord selon les informations des réseaux sociaux, des publications et des brevets. Oleg Guenine, un autre ancien actionnaire minoritaire, est actuellement directeur général de Vokord Softlab. Le 17 mai, ils ont tous vendu leurs titres au nouveau propriétaire.
Un représentant de Huawei a confirmé que Huawei Hong-Kong et Huawei Russie étaient devenus propriétaires d'Igl Softlab, sans pourtant préciser les détails du contrat. Alexeï Kaïdechvili, Oleg Guenine et des représentants de Severgroup et de Lider-innovatsii se sont abstenus de tout commentaire.
Qui plus est, un algorithme de reconnaissance faciale de Vokord a gagné en 2016 la première place au test Megaface de l'Université de Washington (les participants devaient reconnaître des visages de personnes réelles parmi un million de photos «distrayantes») avec un résultat de 75,1%. Aujourd'hui l'entreprise atteint plus de 91,76% de précision mais elle a déjà été dépassée par trois dizaines de concurrents. Aujourd'hui, le top-3 de Megaface est constitué par des sociétés chinoises.
Vokord détient quelques pourcentages du marché de la reconnaissance faciale en Russie, explique un dirigeant d'une entreprise concevant des technologies biométriques. Huawei pourrait donc profiter de cette acquisition pour élargir rapidement son équipe de collaborateurs qualifiés sur le marché russe, stratégique pour l'entreprise chinoise.
Les leaders du marché russe des systèmes de reconnaissance faciale sont évalués à 50 voire 100 millions de dollars, alors que Vokord en coûte moins de 50 millions. «Autrement dit, Huawei a trouvé un acteur relativement peu cher offrant un portefeuille technologique complet», fait remarquer Kirill Belov.
Huawei dispose déjà de son propre algorithme de reconnaissance faciale, mais l'entreprise chinoise pourrait s'intéresser aux smart caméras HD de Vokord qui sont le principal produit de la société russe, estime Alexandre Minine, directeur général de NtechLab, un autre concepteur russe de systèmes de reconnaissance faciale.
Le contrat avec Huawei pourrait donc priver Vokord d'accès au marché occidental, mais il est peu probable que l'entreprise ait eu des accords importants aux États-Unis, fait remarquer Alexandre Tchatchava, gérant de la fondation Leta Capital. Qui plus est, elle obtiendra désormais un partenaire fort sur le marché chinois qui est plusieurs fois plus important que le marché russe. Vokord a annoncé en 2016 sa volonté de s'installer sur les marchés américain et canadien, mais n'a pas rapporté les résultats de ses projets d'expansion. La société a pourtant présenté le bilan de son travail en Inde et en Indonésie.
Comme Huawei est obligé de réduire ses centres de recherche aux États-Unis et qu'il y a un déficit d'experts de la reconnaissance faciale dans le monde entier, l'acquisition des technologies et de l'équipe de Vokord est une initiative logique, souligne Dmitri Dyrmovski, directeur général du groupe TsRT. Dans tous les cas, les algorithmes de Vokord ont obtenu de bons résultats aux tests du National Institute of Standards and Technology aux États-Unis, rappelle-t-il.
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