Voitures sans pilote, opérations chirurgicales à distance et réalité virtuelle comme partie de notre quotidien… Les réseaux de cinquième génération (5G) promettent de profonds bouleversements. Le pays qui saura mettre cette technologie à son service assurera son avance, mais aussi son leadership sur le marché. Face à ces enjeux de taille, c’est la politique qui entre dans la danse.
«Concurrence déloyale»
La guerre commerciale qui oppose depuis plusieurs mois les États-Unis à la Chine s’est transformée la semaine dernière en guerre technologique. Donald Trump a placé sur une liste noire le géant des télécoms chinois Huawei, l’un des leaders dans le domaine de la 5G. Le Président américain a été suivi par Google et certains fabricants de composants qui ont pris leurs distances face aux Chinois.
Cette position est proche de celle défendue par Piotr Dvoriankine, membre du conseil d'experts de la Douma d'État (chambre basse du Parlement russe) sur le soutien législatif pour le développement des technologies financières, professeur invité à la Haute École d'économie de Moscou et PDG de Smart Mobility Group.
«D’une manière qui leur est propre, les États-Unis exercent une politique du bâton, et ce d’ailleurs de façon assez grossière. La sécurité nationale américaine est un motif de prédilection auquel Washington recourt que ce soit dans les guerres économiques ou dans les conflits militaires à l’autre bout du monde», indique-t-il à Sputnik. Et d’ajouter: «Huawei est une monnaie de change dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine qui bat son plein».
L’expert appelle pourtant à ne pas «diaboliser» les États-Unis, rappelant les soupçons de vol de technologies qui pèsent sur des sociétés chinoises, ce que ces dernières rejettent.
La France en position d’observateur?
Les autorités maintiendront-elles ce cap à l’avenir? Possible, mais tout scénario est envisageable. «Notre perspective n'est pas de bloquer Huawei ou toute autre entreprise mais de préserver notre sécurité nationale et la souveraineté européenne», déclarait à la mi-mai Emmanuel Macron lors de sa visite du salon Viva Tech.
«Je pense que tôt ou tard, la France emboîtera le pas à son allié d’outre-Atlantique», ajoute M.Demidenko.
Pourquoi la 5G attire-t-elle autant?
Mais quels sont en effet les enjeux de cette course technologique? Au cœur d’elle, la 5G, le réseau mobile successeur de la 4G, mais dont le débit est dix fois plus rapide. Le début de son déploiement est prévu en France en 2020.
Le pays qui se positionnera comme leader dans ce domaine obtiendra tout un éventail d’avantages, allant du secteur militaire à l’économie. «Imaginez-vous que vous ayez brusquement appris à bouger et à réfléchir plusieurs fois plus rapidement que les autres, et projetez cela dans l’économie», explique Dmitri Demidenko.
L’État qui remportera la course offrira ses technologies et son équipement au marché pour assurer le développement d’un nouveau modèle de l’économie numérique, ajoute de son côté Piotr Dvoriankine. Il note que la 5G ouvrira la voie à l’intelligence artificielle rendant possible l’Internet des objets et réduisant les frais économiques pour les industries déjà existantes. Parmi les risques connexes, l’expert pointe du doigt une dépendance accrue à l’électronique et par conséquent, la sensibilité des erreurs de cette dernière le cas échéant.
La 5G est-elle envisageable sans Huawei?
Quelle que soit l’issue du bras de fer sino-américain, les experts interrogés par Sputnik s’accordent à dire que dans tous les cas de figure le déploiement de la 5G se poursuivra.
«Or, dans ce cas, ce n’est pas en Huawei que réside le problème, mais dans les gestes hostiles, tels que l’interdiction des produits de la société», poursuit-il. Une position que partage également Piotr Dvoriankine.
«Quoi qu’il en soit, le développement de la numérisation relève avant tout de la coopération internationale et son interdiction peinera à avoir des retombées positives au niveau global», conclue-t-il.