Emmanuel Macron boycotté par des médias régionaux? Voilà un retournement de situation insolite. Lundi 20 mai après-midi, à l'occasion d'une interview donnée par le chef de l'État dans la foulée d'un déjeuner avec Donald Tusk, le président du Conseil européen, les journalistes du quotidien breton Le Télégramme ainsi que son homologue nordiste La Voix du Nord ne se sont pas présentés.
Comme la @lavoixdunord, @LeTelegramme n’a pas souhaité se plier à l’interview collective du President @EmmanuelMacron dont le principe est une négation de l’identité des titres de la presse régionale et des territoires qu’ils representent.
— Hubert Coudurier (@HubertCoudurier) May 20, 2019
«Quand on propose une interview, on peut toujours la refuser», déclare à Franceinfo Hubert Coudurier, directeur de l'information du quotidien breton, qui dans la forme est resté sobre et concis dans sa justification à cette fin de non-recevoir.
«Le temps où notre journal attend une parole publique et le temps où nos dirigeants veulent peser dans le débat n'est pas toujours compatible», concède Le Télégramme.
Du côté de La Voix du Nord, on met les points sur les «i». Son rédacteur en chef prend la plume pour justifier un tel choix auprès des lecteurs. Dans un cas comme dans l'autre, l'exercice de communication présidentiel n'a pas été du goût des deux rédactions.
Le Télégramme et La Voix du Nord ont-ils surréagi par rapport à ces demandes de relecture? C'est ce que l'on peut comprendre à la lecture de leur confrère de L'Écho républicain: «Tant qu'il ne s'agit que de vérifier le verbatim… ce qui, en l'occurrence, fut le cas lundi soir. Si tel n'avait pas été le cas, nous aurions choisi de ne pas publier.» «Nous nous assurons, notamment, que relecture ne signifie pas réécriture.»
Entretien avec Emmanuel Macron: pourquoi nous avons choisi d’y être https://t.co/WtXzbV8MCD pic.twitter.com/vlzEr1AFfs
— L'Écho Républicain (@lecho_fr) May 21, 2019
Notons toutefois qu'il ne s'agissait pas d'une simple demande de relecture. En effet, la version de l'article soumise à l'aval de l'Élysée était… à la demande du château, une version unique, coécrite sur place par les journalistes des différents quotidiens.
Mais au-delà du simple respect de ce principe, le quotidien avance un argument massue: offrir à moins d'une semaine du vote une tribune au chef de l'État, qui soutient activement la liste de sa majorité pour les Européennes, serait injuste vis-à-vis des autres candidats:
«Il nous a semblé qu'Emmanuel Macron rompait cet équilibre essentiel au débat démocratique», avance la rédaction de La Voix du Nord.
Une ligne déjà défendue la veille, sur les réseaux sociaux, par le rédacteur en chef du titre nordiste ainsi que par son directeur général délégué et directeur de la publication, auprès de leurs confrères du service public: «à cinq jours du scrutin, cette interview du Président de la République avait valeur d'engagement, pour une liste», insiste Gabriel d'Harcourt au micro de Franceinfo.
Un argument également avancé par Le Télégramme, qui souligne de son côté une «prise de parole très tardive, à cinq jours du scrutin, bousculait inévitablement l'imparfait équilibre politique que nous essayons d'entretenir lors de cette campagne électorale.» Le quotidien breton regrettant une campagne «déjà très bipolaire».
@lavoixdunord ne participe pas à l’interview d’E. Macron par la PQR. A 5 jours du scrutin, cela perturberait l’équilibre du traitement de la campagne auquel nous essayons de veiller et la publication est soumise à la relecture préalable de l’Elysée. Donc c’est sans nous. #Macron
— Patrick Jankielewicz (@PJankielewicz) May 20, 2019
Relevons une particularité de La Voix du Nord, par rapport à ses pairs de la presse régionale française: le quotidien régional du Nord est détenu par le groupe belge Rossel. Or, la Belgique est aujourd'hui 9e sur 180, dans le classement de la liberté de la presse de RSF. La France, elle, arrive à la 32e place.