Retrait unilatéral de Washington de l'accord nucléaire, ultimatum prévoyant des droits de douane supplémentaires — le comportement de Washington pousse de plus en plus d'analystes et personnalités politiques à s'interroger sur la pertinence de l'équilibre des relations entre les États-Unis et l'Europe dans leur forme actuelle. Faut-il diminuer l'influence américaine sur le Vieux Continent et, si oui, par quels moyens? Dans un entretien accordé à Sputnik, Dominique David, conseiller du président de l'Institut français des relations internationales (Ifri), livre sa vision sur ces questions.
Néanmoins, pour l'interlocuteur de Sputnik, l'Europe n'est pas «alignée sur les États-Unis» dans tous les domaines. Ainsi, en ce qui concerne, par exemple, l'intervention américaine en Irak ou sur les «questions iraniennes», il existe des «différences de position».
«Je vous rappelle qu'en 2003, lorsque les Américains sont intervenus en Irak contre Saddam Hussein, les Européens n'étaient pas là, et il y avait une partie des Européens — la France, l'Allemagne, par exemple, ce sont quand même des pays importants en Europe — il y avait une partie des Européens qui s'est opposée à cette guerre. Je vous rappelle que sur les questions iraniennes, à l'heure actuelle, les Européens, comme la Chine, soutiennent le JCPOA, c'est-à-dire le nuclear agreement, l'accord nucléaire qui a été passé en 2015 avec les Iraniens. Donc, il y a des différences de position.»
Relations entre l'UE et la Russie
Évoquant les liens entre l'Union européenne et Moscou, Dominique David a tenu à préciser qu'il existait bien des difficultés de compréhension provenant des deux parties. Ces dernières se sont intensifiées après 2014, à la suite du référendum en Crimée où 96,77% des habitants de la péninsule ont voté pour son rattachement à la Russie. L'UE a introduit les sanctions antirusses suivant ainsi les autorités américaines alors même que cette décision s'est avérée désavantageuse pour le Vieux Continent, d'autant plus que les contre-sanctions mises en place par Moscou ont frappé de plein fouet les producteurs européens.
«Il y a eu des problèmes et des erreurs des deux côtés. Il y a eu certainement une grande déception en Russie sur l'Union européenne qui n'a pas répondu aussi positivement que c'était attendu aux ouvertures du Président Poutine au début de ce siècle […]. Il y a une difficulté de la part des Russes à comprendre le fonctionnement de l'Union européenne. Et c'est vrai que c'est une machinerie extrêmement complexe que quelquefois nous-mêmes, membres de l'Union européenne, nous avons des difficultés à comprendre», a détaillé l'interlocuteur de Sputnik.
L'économie russe, Moscou face aux sanctions antirusses
Le conseiller du président de l'Ifri a également estimé que la Russie semblait résister «relativement bien» aux sanctions imposées par l'Occident. En effet, grâce en grande partie à l'embargo alimentaire introduit par les autorités russes le 7 août 2014 interdisant l'importation dans le pays de produits d'agriculture, de matières premières, de denrées alimentaires, etc, depuis les pays qui ont introduit des sanctions contre Moscou, la Russie a pu faire face aux restrictions économiques. Ainsi, coupées des produits occidentaux depuis août 2014, les entreprises russes ont intensifié leur propre production, se mettant sur les rails de la substitution aux importations. Ayant rapidement occupé le marché national, elles ont su le redynamiser.
«La Russie a, d'une part, une capacité de résistance dans son économie, qui avait surpris beaucoup de spécialistes occidentaux. La Russie a résisté aux crises économiques de la première décennie de ce siècle et elle a résisté, ou elle semble résister, pour le moment relativement bien aux politiques de sanctions occidentales.»
Donnant son évaluation de l'avenir de l'économie de la plus grande contrée du monde, la question est, d'après lui, de savoir si dans les années à venir les dirigeants de ce pays prendront des mesures qui effectivement permettront la restructuration fondamentale d'un certain nombre de bases économiques «pour dépasser ce qu'on appelle l'économie de rente».
Il a en outre indiqué, précisant bien qu'il n'était pas un spécialiste dans ce domaine, deux problèmes majeurs créant des obstacles au développement en Russie. Outre la nécessité d'une réforme des structures économiques, il s'agit d'après lui de l'indispensabilité des investissements, «absolument nécessaires» pour sa modernisation, point sur lequel les autorités russes insistent d'ailleurs elles aussi.