«La CPLP demande à mon pays de résoudre le problème de la peine de mort, mais je ne veux pas que cela dépende seulement de la volonté personnelle du Président. Mon gouvernement soumettra bientôt cette question au Parlement où mon parti est majoritaire. J'en suis sûr, cette proposition sera approuvée», avait déclaré le chef de l'État équato-guinéen à la presse lors de sa visite officielle au Cap vert à la mi-avril.
Apparemment dos au mur, le Président Obiang Nguema Mbasogo se dit prêt à mettre fin à l'application de la peine de mort dans son pays. Mais pour l'instant la Guinée équatoriale reste le mauvais élève parmi les six États de la zone Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) concernant l'abolition dans son pays de la peine capitale.
«En 2015, lors de la campagne présidentielle qui l'avait reconduit à la tête de ce petit État pétrolier pour un nouveau mandat, le Président sortant avait déjà affirmé avoir subi des pressions des pays occidentaux qui lui demandaient d'abolir la peine de mort. Il avait alors prétendu qu'une telle décision devait dépendre de la volonté du peuple et qu'il fallait un référendum populaire pour trancher. Quatre ans ont déjà passé et, sauf changement d'avis de sa part, ce dont je doute fort, ça pourrait encore prendre du temps», explique à Sputnik un spécialiste de la Guinée équatoriale sous couvert d'anonymat.
«Nous espérons que le Président Teodoro Obiang Nguema va prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour que son annonce soit suivie d'effet. L'abolition de la peine de mort sera un pas vers l'amélioration de la situation des droits humains en Guinée équatoriale, en particulier la protection du droit à la vie», a indiqué dans un communiqué Marie-Evelyne Petrus Barry, directrice du programme Afrique de l'Ouest et Afrique centrale à Amnesty International.
Le Parlement équato-guinéen, réuni à Malabo depuis plus d'une semaine, n'a pas encore abordé le sujet. Des sources proches de l'hémicycle ont révélé à Sputnik que la question n'avait jamais été inscrite à l'ordre du jour.
«Nous débattons pour l'instant des questions liées au code de la famille. Peut-être que le projet de loi sur l'abrogation de la peine de mort sera discuté après la conférence économique nationale qui se tient à Malabo jusqu'au 4 mai prochain», insiste de son côté notre source.
L'adoption d'une telle loi ne devrait en principe représenter qu'une simple formalité. Le PDGE (Parti démocratique de Guinée équatoriale, au pouvoir) est ultra majoritaire à l'Assemblée nationale avec 100% des sièges depuis la dernière législature élue en novembre 2017. Mais les organisations de défense des droits de l'Homme estiment que le dirigeant équato-guinéen risque de trainer des pieds parce qu'il a toujours utilisé la peine de mort pour museler ses opposants.
«Il est préoccupant de constater que des pays ont recours à la peine de mort pour sanctionner des infractions. Mais les choses commencent à changer même dans la minorité de pays qui exécutent encore leurs prisonniers», a déclaré à Sputnik, Salil Shetty, un analyste des questions pénales, défenseur des droits de l'Homme et ancien secrétaire général d'Amnesty International.
Les dernières exécutions connues en Guinée équatoriale remontent à janvier 2014, selon Amnesty International. Neuf personnes déclarées coupables de meurtre avaient été exécutées quelques jours avant l'instauration d'un moratoire temporaire sur le recours à la peine capitale.
Dans son rapport annuel, publié le 8 avril 2019, l'ONG des droits de l'Homme fait état d'une chute spectaculaire des exécutions dans le monde. Mais en Afrique centrale, les situations sont plus contrastées selon les pays:
Déjà condamnée à plusieurs reprises par la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP), la Guinée équatoriale est arrivée à la croisée des chemins. Saura-t-elle sauter le pas de ce que l'ancien Garde des sceaux français, Robert Badinter, un fervent défenseur de l'abrogation de la peine mort, qualifiait d'«impossibilité à aller jusqu'au fond des choses» en s'octroyant le droit de «décider en un quart d'heure, parfois en quelques minutes, de la culpabilité, et au-delà, de la vie et de la mort d'un autre être humain». La question reste posée.