«Le courage physique et intellectuel ne sont pas les vertus prédominantes, aujourd'hui, des Français», déplore Paul-François Paoli au micro de Sputnik France.
La raison de la colère de l'essayiste, journaliste et chroniqueur pour Le Figaro? Le peu de réactions face à la dernière tentative musclée de censure dans un établissement d'enseignement supérieur, commise par un groupuscule d'extrême gauche.
«Quand on empêche Alain Finkielkraut […] — comme n'importe qui — de s'exprimer, cela devrait être une levée de boucliers en masse», s'insurge-t-il, fustigeant «des pratiques totalitaires qu'il faut combattre frontalement.»
Chef d’État étranger en visite? Conférence d’Emmanuel Macron? Menace terroriste? Non, simple conférence d’Alain #Finkielkraut à Sciences Po, menacée de blocage par des étudiants de ladite école… Cette image devrait tous nous alerter. pic.twitter.com/907y8cLMyk
— Antonin Ferreira (@Anton1Ferreira) 23 avril 2019
Il faudra aux organisateurs recourir à la ruse —ainsi qu'aux CRS- pour parvenir à faire entrer l'académicien français dans les murs de l'institut, après un véritable jeu du chat et de la souris dans les huppés VIe et VIIe arrondissements de la capitale. Non contents d'avoir causés cette jolie pagaille, dès le lendemain matin, Sciences Po en lutte — Institut Clément Méric publient un nouveau communiqué sur sa page Facebook, fustigeant «le parti-pris» de l'administration de leur école. Pour eux, Sciences-Po serait ainsi une «institution centrale dans la formation des élites d'extrême-droite et de leurs complices».
«Ces gens sont nuls et sont en train de se suicider intellectuellement», tacle Paul-François Paoli.
Selon lui, tant le discours que l'attitude de ces étudiants de l'IEP témoigneraient de certaines limites intellectuelles. Il évoque au passage les propos de Hafsa Askar, vice-présidente de l'UNEF Lille, qui avait lors de l'incendie de Notre-Dame twitté qu'elle «s'en balek», estimant que pleurer pour Notre-Dame était un «délire de petits blancs». Une élue du syndicat étudiant qui s'était déjà illustrée en twittant qu'«on devrait gazer les blancs, cette sous-race». «Quand on en arrive à ce niveau idéologique et rhétorique, cela veut dire qu'on est nul» fustige Paul-François Paoli. «Le problème de ces gens, c'est qu'ils sont d'autant plus violents et virulents qu'ils sont nuls. Nuls, au sens intellectuel, au sens philosophique.»
«Aujourd'hui, la gauche politique est en lambeaux, mais elle se durcit idéologiquement, parce que justement elle est en lambeaux. Les pertes d'hégémonie, c'est extrêmement dur à supporter», estime Paul-François Paoli au micro de Sputnik. «Tous les pouvoirs idéologiques qui reculent et qui perdent de l'influence ont tendance à perdre les pédales.»
«Rien que l'intitulé "Institut Clément Méric" a un côté pompeux et grotesque, que n'auraient certainement pas eu les gauchistes des années 70», juge notre intervenant.
Également auteur de «L'imposture du vivre-ensemble» (Éd. L'Artilleur, 2018), «Confession d'un enfant du demi-siècle» (Éd. du Cerf, 2018), le journaliste rappelle — sans chercher à excuser leurs crimes — qu'à cette époque, où agissaient des groupes d'ultra gauche particulièrement violents, on pouvait y trouver certains individus «brillants». Une époque définitivement révolue, selon Paul-François Paoli, où existait encore un Parti communiste «très puissant, qui maintenait cette extrême gauche un peu à la lisière».
«Aujourd'hui, il y a une forme de misère intellectuelle de l'ultragauche et de la gauche radicale, on le voit chez les Black blocs. Même si ce sont des gens niveau bac+5, ils ont un niveau rhétorique et un niveau politique très faible. Que nous proposent-ils? Quelle alternative proposent-ils à la démocratie libérale ou à l'État républicain? Quel est leur projet? On voit bien que ces gens sont vides. Tout ce qu'ils savent dire, c'est accuser les uns et les autres de racisme, de fascisme, de sexisme…», regrette Paul-François Paoli.
L'essayiste vitupère contre ces membres de cette gauche radicale, «pris la main dans le sac» ce 23 avril, qui seraient seulement capables de jeter l'opprobre sur tous ceux qui ne partagent pas leurs idées: «c'est le propre même des idéologies totalitaires», juge l'essayiste. À la lecture du communiqué de Sciences Po en lutte — Institut Clément Méric, le spectre des hommes publics objets de leurs critiques semble assez large: on note ainsi la présence d'Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Lionel Jospin, présenté comme un «criminel de guerre.»
«Il y a cette formule extraordinaire de Goering qui disait: "c'est moi qui décide qui est juif ou non". Eh bien, on peut dire ça des antiracistes aujourd'hui, ce sont eux qui décident qui est raciste ou non», lance Paul-François Paoli.
Une référence aux «heures les plus sombres de notre histoire» en forme de clin d'œil au recours permanent aux années 30 et au fascisme opéré par de nombreux antiracistes. «On pourra avoir un débat historique sur le fascisme, mais on ne peut pas l'avoir avec la gauche radicale et l'ultragauche, parce qu'ils sont ignares et nuls en Histoire», s'emporte Paul-François Paoli, qui développe: «Le mythe de l'antifascisme date des années 30, c'est-à-dire lorsque le Parti communiste crée ce mythe afin de pouvoir justifier de s'allier à la gauche socialiste et radicale-socialiste […] il n'y a jamais eu réellement de menace fasciste en France, parce qu'il n'y a jamais eu de véritable parti de masse fasciste en France.»
«L'extrême droite fasciste n'existe plus en France. Ceux que ces gens appellent fascistes, ce sont tous ceux qui ne pensent pas comme eux», martèle encore Paul-François Paoli.
Il rejoint ainsi Alain Finkielkraut, qui déclarait à propos de Sciences Po en lutte —Institut Clément Méric: «Le fascisme, c'est vous, les années 30, c'est vous, l'antisémitisme, c'est vous, les autodafés, c'est vous.»
Il faut dire que cet événement n'est pas un épiphénomène. En effet, cette initiative d'un groupe d'extrême gauche se drapant dans des oripeaux de l'antiracisme est loin d'être isolée. Pour ne recenser que les exemples les plus récents, on notera début avril l'attaque en règle menée contre une œuvre d'Hervé Di Rosa exposée à l'Assemblée nationale représentant sur une quarantaine de mètres des dates clefs de l'histoire de France. Objet des critiques: l'illustration commémorant la première abolition de l'esclavage en 1794, qui constituerait «une insulte humiliante et déshumanisante aux millions de victimes de la traite, ainsi qu'à tous leurs descendants» aux yeux de Mame-Fatou Niang, coproductrice du documentaire «Mariannes noires» et enseignante dans une université américaine.
«[…] deux visages de Noirs, yeux exorbités, lèvres surdimensionnées, dents carnassières, dans une imagerie empruntant à la fois aux publicités Banania et à Tintin au Congo», décrit-elle, dans une tribune dans L'Obs cosignée avec le romancier Julien Suaudeau à propos de cette œuvre commandée il y a 28 ans.
Pourtant, une rapide recherche sur Internet permet de constater que ce type de représentation est une caractéristique des personnages de Hervé Di Rosa, quelle que soit leur couleur de peau… l'Assemblée nationale retire pourtant rapidement la photo de son site de l'œuvre incriminée après le lancement d'une pétition en ligne demandant purement et simplement le retrait de l'intégralité œuvre.
On notera également la censure d'une représentation de la pièce grecque Eschyle dans la prestigieuse université parisienne de la Sorbonne. En cause, le port de masques blancs et noirs par les acteurs, comme il se faisait du temps de la Grèce antique. Aux yeux des militants antiracistes, ce ne serait rien d'autre que du «blackface», pratique de l'époque coloniale consistant à se maquiller en noir pour se moquer des Noirs. «Cet événement s'inscrit dans une longue série. Grotesque, il est la goutte d'eau de trop», s'emporte le réseau d'enseignants du supérieur et de chercheurs Vigilance universités, dans une Tribune publiée dans Libération:
«Nous nous opposons à toutes les formes traditionnelles de discriminations raciales et religieuses, mais aussi à de nouvelles formes d'interventions apparemment antiracistes qui sont, au mieux contre-productives, au pire fondées sur une conception de la société obsédée par des identités de race ou de religion, obsession qui relève en fait du racisme.»
Des événements qui s'ajoutent à d'autres, comme l'organisation par syndicat SUD-Éducation 93 d'ateliers «en non-mixité raciale» ou encore la tenue de camp d'été «décolonial».
«Il faut mener un combat, qui est un combat intellectuel, idéologique, avec une très très grande fermeté», martèle Paul-François Paoli, mettant en garde contre le danger de la «banalisation» de cette forme d'antiracisme. Au-delà de ces groupuscules, le journaliste met ainsi en garde contre les associations et organisations qui n'hésitent pas à brandir à tout va l'accusation de racisme pour mettre de force leurs détracteurs au ban de la société et parvenir ainsi à leurs fins.
«Ce sont des organisations comme le CRAN, le Comité Représentatif des Associations Noires de France, qui prétendent réécrire l'histoire, réécrire la littérature, réécrire le théâtre, à l'aune de leurs catégories contemporaines. Eux, ils sont très dangereux, car ils ont un pouvoir moralisateur, d'intimidation, sur des gens qui- au fond- sont prêts à subir la pression morale du racisme.»
Pour notre intervenant, la meilleure façon de les combattre est d'engager le débat d'idées, de fond, afin de les délégitimer.
«Il est impensable de juger des œuvres littéraires et des œuvres théâtrales à l'aune de nos catégories contemporaine: cela n'a tout simplement pas de sens! Si on fait ça, il faut tout interdire, il faut considérer que Shakespeare et Dostoïevski étaient antisémites, il faut considérer que Le Cid est une pièce islamophobe… On n'en finit pas, c'est une attitude totalitaire!»
et de développer son propos:
«On en arrive à ce paradoxe que c'est l'idéologie des droits de l'homme qui devient totalitaire. En tant que religion, l'idéologie des droits de l'homme est une religion totalitaire. Est totalitaire tout ce qui ne permet pas d'alternative. Quand il n'y a plus de possibilité d'alternative, on est dans un système totalitaire. Donc la religion des droits de l'homme est virtuellement totalitaire. Voilà l'une des absurdités à laquelle peut notamment mener l'idéologie antiraciste.»
«C'est aux Français de réagir. On ne peut pas de substituer aux Français, si les Français acceptent d'être tyrannisés par des minorités, tant pis pour eux! […] La majorité en démocratie doit permettre que son point de vue s'impose. Maintenant, si les majorités s'inclinent devant des minorités tyranniques et dynamiques, tant pis pour elles.»
Il revient également sur l'entrée au conseil d'administration de l'UFR de science politique de l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, de la députée LFI Danièle Obono, réputée proche des Indigènes de la République. Une nomination qui n'est pas neutre, l'Unité de formation et de recherche étant responsable de la définition des grandes orientations à donner à l'enseignement au sein de l'université.
«Croyez-moi, quand on rentre de l'étranger, on est frappé de la violence des polémiques, de la bassesse des insultes. On ne peut pas vivre dans une atmosphère de guerre civile froide», se désolait au micro d'Europe 1 Jean-Pierre Chevènement. Celui-ci insistait sur la nécessité de reconstruire la «cathédrale immatérielle», à savoir «notre Histoire, la manière dont les Français se sentent entre eux,» évoquant notamment le récit national. Bien que ne rejoignant pas l'«optimisme et universalisme républicain» de l'ancien ministre, Paul-François Paoli partage son constat:
«Aujourd'hui, la France est fractionnée d'un point de vue ethnique, d'un point de vue religieux, d'un point de vue politique, d'un point de vue idéologique. Donc, effectivement, on est dans une guerre civile froide.»