Y a-t-il de l'or dans les coffres?
La volonté des banques centrales d'accumuler un maximum d'or serait tout à fait légitime: c'est l'unique actif de change à n'être pas soumis aux risques inhérents aux monnaies. A présent que la géopolitique est passée au premier plan, que des guerres commerciales se sont déclarées, que les économistes s'attendent à l'effondrement du marché boursier américain, promettent un avenir flou au dollar et une récession globale, les lingots sont particulièrement d'actualité.
L'or est stocké à proximité de la plateforme commerciale pour réduire les frais de transport, qui sont très élevés dans le cas des métaux précieux à cause du coût des assurances dans ce secteur. Des frais de plusieurs millions dans le cadre du transport de l'or ne sont donc versés qu'en cas de nécessité politique ou économique extrême.
La volonté de rapatrier les lingots des États-Unis est donc très révélatrice, d'autant que ces dernières années circulent de plus en plus de doutes autour du fait que les Américains stockent correctement l'or d'autres pays.
Certains supposent que les Américains utilisent tout simplement l'or des autres à leurs fins: ils le louent aux banques qui l'utilisent sur le marché afin de contrôler la valeur du métal précieux.
D'où une question légitime: Washington est-il prêt à rendre à tout moment l'or n'appartenant pas aux États-Unis? De plus en plus de pays rapatrient leurs lingots pour ne pas prendre de risques.
Rendez ce qui ne vous appartient pas
La vague de rapatriement de l'or a commencé en 2012, quand le Venezuela a annoncé qu'il faisait revenir des USA ses 160 tonnes d'or - soit 9 milliards de dollars environ. Le président Hugo Chavez avait déclaré à l'époque qu'il fallait rapatrier d'urgence les lingots car ils risquaient devenir des otages de Washington et se transformer en instrument de pression.
En 2014, la Banque centrale des Pays-Bas a fait revenir de New York à Amsterdam 120 tonnes d'or - soit presque 4 millions d'onces. Il ne reste donc plus aux États-Unis que 30% des réserves d'or néerlandaises contre 50% auparavant.
A Amsterdam, où se situe le siège de la Banque centrale, on expliquait alors qu'il était «déraisonnable et inutile» de continuer de stocker la moitié des réserves d'or au même endroit: «C'était peut-être d'actualité pendant la Guerre froide, mais plus maintenant».
Les analystes sont persuadés que les Pays-Bas continueront de rapatrier leur or des États-Unis afin de moins dépendre des actions imprévisibles de Donald Trump.
Enfin, en avril 2018, la Turquie a terminé l'évacuation de son or. L'an dernier, la Banque centrale turque a acheté 187 tonnes d'or pour devenir le plus grand acheteur souverain de ce métal précieux après la Russie. Au total, Ankara en possède 591 tonnes (données de fin décembre), dont 27,8 tonnes ont été transportées des États-Unis et placées dans un coffre sur le territoire national.
Une perte de confiance
Le reflux d'or des États-Unis est pratiquement ininterrompu, pour des raisons évidentes: la hausse des taux d'intérêts de la Réserve fédérale (Fed), la pression sur l'euro et d'autres monnaies, le renforcement des risques géopolitiques et les guerres commerciales déclenchées par Washington contre le monde entier.
Quant à la Russie: aucune inquiétude à avoir. Sa Banque centrale stocke ses réserves d'or dans le pays. C'est ce qu'Anatoli Aksakov, président de la commission pour le marché financier de la Douma (chambre basse du parlement russe), avait déclaré dès l'an dernier: «Personne ne pourra mettre la main sur l'or [russe]. Nous ne confierons notre or à personne».