«Il est tout à fait possible que les mouvements démocratiques soudanais et algériens suivent le chemin emprunté par leurs prédécesseurs du Printemps arabe en 2011. À l'exception de la Tunisie, […] tous les autres pays du printemps arabe sont retournés à l'autocratie ou tombé dans l'anarchie». Mohammed Ayoob, professeur émérite de relations internationales à l'Université du Michigan, estime, dans une tribune dans la revue The National Interest, que le plus grand d'entre eux, l'Égypte, est revenu à un régime autocratique bien plus étouffant que sous Hosni Moubarak.
Les cas soudanais et algérien semblent présenter une étrange ressemblance avec les pays du Printemps arabe, estime l'expert. «Premièrement, le soulèvement contre le pouvoir de el-Béchir et de Bouteflika, soutenus par l'armée, est spontané mais fait preuve de très peu de cohérence organisationnelle». Il a mobilisé des centaines de milliers de personnes dans les rues, paralysant ainsi la vie dans ces pays, mais c'est une tactique qui ne peut être maintenue à long terme, pense l'analyste. Les mouvements algérien et soudanais risquent, selon lui, de se dissiper du fait de l'inorganisation et des querelles internes de l'opposition.
«Deuxièmement, la transformation du système est un processus de longue haleine qui nécessite une organisation […] disciplinée». Malgré les différences entre les deux cas, rien n'indique qu'une telle organisation existe en Algérie ou au Soudan, pense l'auteur.
Troisièmement, le pouvoir réel qui contrôle les systèmes autocratiques, lorsqu'il est menacé de dissidence populaire massive, est souvent disposé à sacrifier l'autocrate qui symbolise ce pouvoir et ses alliés proches afin de sauver la structure même de pouvoir qu'ils dominent, continue l'auteur. «C'est exactement ce qui s'est passé en Égypte. Les hauts gradés de l'armée, les vrais dirigeants du pays, étaient plus que disposés à sacrifier Moubarak, sa famille et ses amis pour conserver leur contrôle sur le pays».
Dans le cas de l'Algérie, il est évident pour M.Ayoob qu'Abdelkader Bensalah, le Président par intérim, suivra les instructions de l'armée, tout comme l'a fait Bouteflika. L'opposition algérienne étant désorganisée, divisée et sans chef, et avec l'élection présidentielle dans à peine trois mois, il est peu probable qu'elle soit en mesure de présenter un candidat par consensus qui pourrait faire face à un candidat préféré par l'armée, avance l'auteur.
La situation du Soudan est quelque peu différente de celle de l'Algérie, selon lui. «D'une part, la direction de l'Association des professionnels soudanais confère une certaine cohérence au mouvement en faveur de la démocratie. D'autre part, étant donné que le Président déchu Omar el-Béchir et l'armée ont été soutenus par des éléments islamistes, la société soudanaise est divisée en groupes laïques et islamistes, ce qui nuit à la capacité du mouvement démocratique à agir de manière unie. Cette fracture sociale devrait jouer en faveur de l'armée car elle peut toujours compter sur le soutien des islamistes contre des éléments laïques», ajoute l'expert.
Dans le cas du Soudan, les puissances régionales, en particulier l'Arabie saoudite et l'Iran, risquent d'être entraînées dans le conflit si les conditions se détériorent et si un scénario de conflit interne se dessine, ajoute l'analyste.
Tous ces facteurs, notamment le manque de cohérence et de leadership des mouvements pour la démocratie et le rôle crucial des militaires dans le processus de transition dans les deux pays où l'armée est la seule force politique organisée, ne laissent présager rien de bon pour l'avenir de la démocratie en Algérie ou au Soudan, estime Mohammed Ayoob. Un soutien externe à l'armée est également une possibilité distincte dans les deux cas. Une répétition du scénario égyptien est donc très probable en Algérie et au Soudan, conclut-il.
*Organisation terroriste interdite en Russie