Radars détruits: l’État contre-attaque et dégaine ses redoutables «radars-tourelles»

© AFP 2023 RAYMOND ROIGFrench police officers control vehicles coming across the border from Spain near Le Perthus, southern France, on August 18, 2017
French police officers control vehicles coming across the border from Spain near Le Perthus, southern France, on August 18, 2017 - Sputnik Afrique
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Environ 400 radars de nouvelle génération vont être installés en 2019 sur les routes de France. Baptisées «radars-tourelles», ces machines sont des concentrés de technologie qui «voient mieux» et «plus loin». Pour Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 Millions d’automobilistes, il s’agit d’une «arme de répression routière».

Mesta fusion 2. Derrière ce nom, qui aurait toute sa place dans un film de science-fiction, se cache le dernier choix de l'État en matière de sécurité routière… ou de verbalisation, c'est au choix. L'entreprise de sécurité numérique française Idemia commercialise ce radar de haute technologie qui a fait flasher la maréchaussée. Et pour cause, leur petit bijou n'a rien du radar automatique de base.

​Perchés sur des mâts pouvant mesurer jusqu'à quatre mètres de haut, ces «radars-tourelles» sont capables non seulement de contrôler la vitesse en fonction du type de véhicule, mais aussi d'évaluer le respect des distances de sécurité, des feux rouges ou encore de vérifier qu'un conducteur porte bien sa ceinture de sécurité et ne fait pas usage de son téléphone. Ils «voient mieux, plus loin» d'après Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière. Selon France Info, plus de 400 de ces modèles vont être installés sur les routes cette année. Pour le moment, ces derniers n'ont été homologués que pour le contrôle de vitesse et du respect des feux de circulation.

Sputnik France a donné la parole à Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 Millions d'automobilistes, fermement opposé à l'installation de ces radars nouvelle génération. D'après lui, cet outil n'a qu'une seule vertu, «celle de flasher davantage et de remplir les caisses de l'État». Entretien.

Sputnik France: Comment réagissez-vous suite à l'annonce du déploiement massif de ces nouveaux radars?

Pierre Chasseray: «C'est tout de même étonnant qu'à chaque fois qu'il y a une révolution en matière de radars, ce soit le fait d'une société française. C'est bien la preuve que la France est à la pointe de la technologie pour tenter d'utiliser une répression accrue sur les automobilistes. On nous présente cela comme une arme anti-chauffards, qui va surveiller les distances de sécurité, la ceinture de sécurité, etc. Pour le moment, il n'est homologué que sur la vitesse et les feux et encore une fois il s'agit d'un outil qui est uniquement là pour verbaliser. Il est là pour remplacer les radars qui ont été détruits. Avec ces tourelles placées jusqu'à quatre mètres de haut, l'État espère réduire le nombre de dégradations des radars.»

Sputnik France: Ces nouveaux radars sont capables d'évaluer le respect des distances de sécurité. Or, il suffit de jeter un coup d'œil sur les routes de France pour voir que les distances inscrites dans le code la route ne sont que peu respectées. Ne risque-t-on pas d'assister à des verbalisations massives si les «radars-tourelles» sont autorisés à flasher dans ce cas?

Pierre Chasseray: «Je dis attention. On peut se dire qu'un radar qui surveille les distances de sécurité, c'est bien. Mettons-nous dans la situation où un automobiliste vous dépasse et vous fait une queue de poisson au niveau d'un de ces radars. Au moment du flash, vous vous retrouvez 1 mètre 50 derrière l'autre véhicule. Vous ne respectez pas la distance de sécurité et passez de victime à puni. Toute la question concernera alors la capacité de la victime à se défendre face à un outil mécanique, technologique. Quel recours aura-t-elle? Cela sera compliqué. C'est un premier effet dévastateur de ce type de radar.»

​Sputnik France: Sur les réseaux sociaux, de nombreux utilisateurs parlent déjà de «racket». Les mots sont forts…

Pierre Chasseray: «A partir du moment où l'on place sur les routes un outil qui n'a qu'une seule vertu, qui est celle de flasher davantage et de remplir les caisses de l'État, il faut se poser les bonnes questions et appeler un chat un chat. Oui, c'est une arme de répression routière pour gagner de l'argent et non pas une arme de sécurité routière.»

Sputnik France: L'année 2019 a commencé avec une hausse de la mortalité sur les routes de 3,9% en janvier et de 17,1% en février. Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur, a déclaré le 1er mars qu'il y avait un «lien direct» entre les dégradations de radars commises en marge des actions des Gilets jaunes et cette hausse des morts sur les routes. Qu'en pensez-vous?

Pierre Chasseray: «C'est faux. C'est du n'importe quoi total. Comme si les dégradations des radars avaient commencé avec les Gilets jaunes. Les premières dégradations massives de radars, avec une augmentation de 400%, ont eu lieu à partir du mois de juillet 2018. Une date qui correspond à la mise en place de la limite à 80 km/h sur les routes secondaires [à double sens sans séparateur central, ndlr]. L'État cherche un moyen de se raccrocher aux branches afin de sauver le soldat radar et de garder la limite à 80 km/h. La réalité, c'est que lorsque l'on décortique les chiffres de la sécurité routière, l'on se rend compte que l'augmentation du nombre d'accidents n'a pas lieu sur les routes équipées de radars, mais majoritairement en ville avec des usagers vulnérables. Le gouvernement essaie de faire passer des vessies pour des lanternes.» 

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Sputnik France: Que pensez-vous de la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires? Les premiers bilans ont été mitigés

Pierre Chasseray: «Les premiers bilans ne sont pas mitigés, ils sont très mauvais. Les 116 vies épargnées avancées par le gouvernement sont un chiffre que je conteste. Il repose sur une extrapolation statistique. Ensuite, on voit bien que la limitation à 80 km/h ne passe pas dans l'opinion. Cette limitation partout est une stupidité. Comme si le danger sur une petite route de campagne où l'on peut à peine se croiser à deux véhicules était le même que celui sur un grand axe avec des espaces sur les côtés pour se protéger. Le gouvernement a perdu le sens de la raison avec cette mesure. Et, pour le moment, il refuse de revenir en arrière. Quand on rate quelque chose, on avoue que cela ne fonctionne pas et on revient en arrière.»

Sputnik France: Mais que demandez-vous donc à l'État pour améliorer la sécurité routière?

Pierre Chasseray: «La sécurité routière ne s'améliorera pas avec des mesures. Cela suffit! On a pris environ 150 mesures en cinq ans et personne n'est capable d'en citer dix, même ceux dont c'est le métier. Il ne sert à rien d'empiler des mesures de répression supplémentaires, bientôt il faudra une brouette pour transporter le code de la route. Attachons-nous déjà au respect de la réglementation actuelle et faisons confiance à ceux qui sont sur la route. Personne n'a envie de se tuer. Revenons à une police de la route qui traquera les comportements dangereux et cela sera très bien. Mais l'automatisation d'un système de répression, rentable, n'est plus positive pour la sécurité routière.»

 

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