Intégrer le Brésil à l'Otan, un projet «pas rationnel et dangereux»

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Pourquoi le Président américain a-t-il proposé d'intégrer le Brésil dans l'Otan, le 19 mars dernier? Entre intérêts économiques et proximités idéologiques, la rencontre entre Trump et Bolsonaro pose plusieurs questions. Maurice Lemoine, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique et spécialiste de l'Amérique latine, y a répondu pour Sputnik.

Voir le Brésil rejoindre l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord vous paraît saugrenu? Ce n'est pas l'avis de Donald Trump, qui s'est montré favorable à l'idée lors de sa rencontre avec Jair Bolsonaro, le 19 mars dernier.

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Au-delà de l'échange symbolique de maillots de leurs équipes de football respectives, la rencontre entre le Président américain et son homologue brésilien, parfois qualifié de «Trump des tropiques», a signé le rapprochement entre les deux chefs d'État.

«Il y a une proximité idéologique évidente [entre Donald Trump et, ndlr] la droite colombienne d'Uribe, de Santos et maintenant de Duque et avec Jair Bolsonaro au Brésil», explique Maurice Lemoine à Sputnik.

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Les idées de Donald Trump gagnent du terrain en Amérique latine et le continent, largement dominé par des gouvernements de gauche depuis la fin des dictatures militaires, connaît une nouvelle dynamique portant des conservateurs aux responsabilités, au point que Maurice Lemoine parle d'un «renversement des rapports de force».
Et, d'après l'ancien rédacteur-en-chef du Monde diplomatique, le nouveau rapport de force, que personnifie à merveille Jair Bolsonaro, est bien plus favorable à Washington que le précédent:

«Il faut se souvenir que les gouvernements "progressistes" —le Venezuela de Chavez, l'Équateur de Correa, l'Argentine de Kirchner ou la Bolivie de Morales- ont créé l'Union des Nations sud-américaines, sans les États-Unis, en 2008, puis la CELAC, qui regroupe tous les pays du continent sauf les États-Unis et le Canada en 2011», rappelle Maurice Lemoine.

Mais, en revenant —volontairement ou non- dans le giron des États-Unis, l'Amérique latine perd, de l'avis du journaliste spécialiste du continent, l'une des grandes réussites des dernières années. Il justifie son point de vue en déclarant:

«En 2011 [au moment de la création de la CELAC, ndlr], les gouvernements "progressistes" ont déclaré le continent américain "zone de paix". Ils l'ont fait avec des pays de droite. Il y avait une volonté d'intégration au-delà des divergences idéologiques. Évidemment, en faisant entrer et le Brésil et la Colombie dans l'Otan, on est en train de fiche en l'air cette volonté de paix.»

Un mouvement que l'ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique regrette, puisqu'il amène selon lui les pays d'Amérique latine à se rapprocher d'une vision du monde manichéenne et dépassée.

«Les États-Unis et les secteurs conservateurs latino-américains reviennent à la Guerre froide entre les ennemis désignés —Chine, Russie, Iran et Venezuela- et le camp du bien. Tout cela n'est non seulement pas rationnel, mais surtout dangereux», déplore-t-il.

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Mais à Paris, la déclaration de Donald Trump a été accueillie pour le moins sèchement, puisque l'exécutif a rapidement opposé une fin de non-recevoir à une éventuelle intégration du Brésil dans l'Otan. Dans un communiqué diffusé par le ministère des Affaires étrangères, la France fait valoir «le champ d'application géographique» de l'organisation pour s'opposer à la volonté du Président américain.
Interrogé sur les raisons qui auraient pu pousser le gouvernement à répondre de manière aussi rapide et avec une franchise peu commune en diplomatie, Maurice Lemoine a sa petite idée.

«Je n'ai pas entendu Macron s'exprimer lorsque la Colombie est devenue membre associé de l'Otan. Là, il se réveille d'un seul coup tout simplement parce que ce compagnonnage avec des forces qui ne sont pas progressistes doit lui poser problème», déclare le journaliste.

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