Marine Le Pen a beau avoir dénoncé le 7 mars dernier les liens entre l'Alliance des démocrates et libéraux européens (ADLE) et plusieurs multinationales comme Bayer ou Google, ce n'est pas ce qui préoccupe le plus le Président de la République, qui semble beaucoup plus soucieux d'empêcher les partis européens de se financer en dehors des frontières de l'Union.
«Cette pratique est incompatible avec une vie démocratique irréprochable et nous ferons tout pour que la législation soit modifiée pour l'ensemble des formations politiques européennes», assure le texte.
Pour autant, personne au sein du parti présidentiel n'a remis en cause, avant l'accusation de madame Le Pen, les liens entre formations politiques européennes et entreprises, alors que le Président lui-même a, à plusieurs reprises, proposé «d'interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères».
Une proposition qui n'est sans doute pas sans arrière-pensée puisque le Front national, devenu depuis le Rassemblement national, est l'un des partis à avoir bénéficié de prêts de banques étrangères, en plus d'être le principal rival de LREM aux élections de mai 2019.
Malgré la légalité de la procédure, l'affaire avait fait beaucoup de bruit, au point que le Parlement européen a recommandé à la Commission de «proposer une législation garantissant la pleine transparence du financement politique […] en conformité avec la recommandation du Conseil de l'Europe en ce qui concerne les acteurs extérieurs à l'Union» en juin de l'année suivante.
Cette recommandation a été adoptée dans un «état des lieux des relations avec la Russie», qui s'inquiétait dores et déjà du rapprochement de Moscou avec les partis eurosceptiques et appelait à «concevoir également un mécanisme de transparence et de suivi de l'information concernant l'assistance financière, politique ou technique fournie par la Russie à des partis politiques, dans l'optique d'évaluer son influence dans la vie politique et l'opinion publique de l'Union».
Autant d'éléments qui laissent à penser que le véritable objectif du Président de la République n'est pas tant de rendre le financement des partis européens plus transparents, mais bien de répondre du même coup à deux menaces supposées ou réelles: le Rassemblement national à l'intérieur et la Russie à l'extérieur.
«Il ne peut y avoir de réponse unique à la question de savoir dans quelle mesure l'interdiction du financement d'un parti politique par un parti politique étranger peut être considérée comme "nécessaire dans une société démocratique". Une coopération [des partis politiques dans le cadre des nombreuses organisations et institutions supranationales en Europe] est "nécessaire dans une société démocratique"».
En attendant de voir le vœu pieux formulé par LREM d'interdire aux multinationales de financer, directement ou non, des partis politiques en Europe, le Président de la République s'attaque non pas aux entreprises, mais aux «puissances étrangères» qui contribuent au financement de la démocratie au sein de l'Union européenne.