C'est une série noire sur une période très courte qui endeuille la police française depuis le début de l'année. Samedi dernier, un agent de la gendarmerie a mis fin à ses jours avec son arme de service dans son bureau de la communauté de la brigade de Selles-sur-Cher (Loire-et-Cher), qui porte ainsi à cinq le nombre de policiers à se donner la mort en une semaine, et à au moins 17 depuis le début de l'année 2019.
Interrogé sur les raisons de cette vague des suicides, le responsable évoque en premier lieu l'épuisement des policiers, qui ne profitent que d'un weekend sur six.
«On a des cycles de travail qui ne nous permettent pas d'avoir les mêmes jours de repos chaque semaine. Donc on ne peut pas avoir une vie sociale et personnelle équilibrées. Et, au final, ça crée des divorces, des dépressions, des collègues qui tombent dans l'alcool», explique-t-il.
Selon M.Langlois, le problème réside également dans les heures supplémentaires qui s'accumulent, même si ces horaires ne sont pas reconnus «pathogènes» par la médecine. Au bout d'un moment, les policiers «se sentent tout seuls, isolés, n'arrivent plus à voir leur famille, à avoir un équilibre vie personnelle et vie de travail», et leur situation désespérée est renforcée «par le fait que on a le sentiment d'être détourné de nos missions», en faisant des statistiques et des choses «qui sont contre notre conscience».
«Les collègues se disent "j'ai perdu tout ce que j'avais comme vie privée à côté et, dans mon travail, je ne m'y retrouve plus" et du coup, bah commettent un geste dramatique», déplore-t-il.
Concernant l'épuisement des forces de l'ordre, la sonnette d'alarme a été tirée depuis les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, révèle le syndicaliste, ajoutant qu'«on a 1.300 ans heures supplémentaires accumulées» et «comme on ne nous les paye pas, c'est gratuit pour le gouvernement, pour le moment». Pour M.Langlois, il s‘agit d'un «mépris complet» pour les policiers qui travaillent des fois 20 jours d'affilés sans repos, qui font des vacations de plus de 20 heures et qui n'ont même pas de pause lors des mobilisations des Gilets jaunes.
«Donc, effectivement, la sonnette d'alarme, ça fait des années qu'on la tire, sauf que là, au bout d'un moment, il n'y aura même plus de sonnette à tirer, quoi. L'alarme, ça sera trop tard. Ça sera trop tard pour l'alarme», insiste-t-il.
Le syndicaliste voit la porte de sortie de la crise dans l'embauche de plus de policiers. Mais là, le problème réside dans le salaire. M.Langlois rappelle qu'Emmanuel Macron a promis 10.000 policiers en plus sur son quinquennat, mais en 2017 et 2018, lors des deux premières années de son mandat, les rangs de la police n'ont pas été renforcés.
«Parce que, malheureusement, quand on ne veut pas payer les policiers. Ça n'attire pas les gens qui ont le niveau pour passer le concours. Donc, secondement, c'est revaloriser le salaire des policiers qui est l'une des polices les moins payées d'Europe pour attirer les gens qui ont le niveau pour passer le concours en nombre suffisant tous les ans»
Pour éviter que le mécontentement ne s'installe chez les forces de l'ordre, le gouvernement a proposé en décembre dernier une prime exceptionnelle de 300 euros lors des journées de mobilisation, qui reste encore une promesse non tenue, même après l'acte 17 des Gilets jaunes, dénonce le syndicaliste.
Les policiers touchent leur salaire normal, mais aucune rémunération supplémentaire, malgré les promesses. Et ils ne peuvent pas prendre de vacances en raison du déficit des effectifs. M.Langlois conclut par l'exemple de ce collègue qui «est depuis huit ans chez lui en vacances, parce qu'il avait huit ans d'heures supplémentaires accumulées».
«Donc en fait, on gagne zéro par rapport au secteur privé, où les heures supplémentaires sont majorées de 25%, puis de 50%. Dans la police, en fait, on nous dit juste "Vous partirez à la retraite un peu plus vite", voilà. Donc on gagne zéro et nos collègues préféreraient profiter de leurs weekends chez eux, quitte à ne pas être payé», déplore le secrétaire général du syndicat.